*Professeure de droit public à l'Université de Carthage *Secrétaire générale de l'association tunisienne de droit constitutionnel
Brève lecture du décret n° 2021-117 du 22 septembre 2021, relatif aux mesures exceptionnelles. Ou E.T à Carthage (Deux pensées : une pour le huron au palais royal de Rivero et une autre pour un article dont j'ai oublié l'auteur E.T à la CIJ)
Les visas : « Considérant que, si le peuple n'étant pas en mesure d'exprimer sa volonté et d'exercer sa souveraineté en vertu des dispositions constitutionnelles en vigueur, la souveraineté prévaut sur les dispositions relatives à son exercice, Considérant que le peuple tunisien a exprimé à plusieurs reprises son rejet des mécanismes relatifs à l'exercice de la souveraineté » Commentaire : Formellement c'est un exposé de motifs. Sur le fond : Si le peuple ne peut pas exprimer sa volonté « en vertu des dispositions constitutionnelles applicables » comment avez-vous deviné ce qu'il veut ? Dispositions générales Commentaire : on parle toujours de suspension (sans délais ou évènement qui y mettra définitivement fin) et on y ajoute la fin des primes et avantages ce qui veut dire que même les députés intègres choisis par le peuple se trouvent sanctionnés.
C'est une punition collective donc aveugle. Mesures pour l'exercice du pouvoir législatif • Il s'est attribué tout le domaine de la loi (organique et ordinaire) qu'il va utiliser par décret-loi après délibération en CM et non susceptible de recours devant le tribunal administratif. • Le reste des domaines revient au pouvoir réglementaire exercé par décrets réglementaires aussi après délibération en CM • Formellement il intègre le pouvoir règlementaire dans la rubrique du pouvoir législatif • Il a prévu la clause de la non régression en matière de droits et libertés • Commentaire : rien sur les délais, jusqu'à quand, même pour évoquer un évènement et pas forcément une date (dire par exemple après des élections) Mesures pour l'exercice du pouvoir exécutif • Il exerce le pouvoir exécutif avec l'assistance d'un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement • Aux pouvoirs prévus par les art. 77 et 7 il a ajouté : La création, modification et suppression des ministères et secrétariats d'Etat et contrôle de leurs mandats et attributions, La Création, modification et suppression des établissements et établissements publics et des services administratifs et contrôle de leurs mandats et attributions, La révocation d'un ou plusieurs membres du gouvernement ou une décision sur sa démission ; Nomination et révocation à tous les postes de direction, • Il a déterminé les cas de vacances : Chef du gouvernement et si ce dernier est empêché pour les mêmes raisons ministre de la Justice. • Il s'est attribué le droit soumettre à référendum tout projet de décret-loi donc toute question qui relève du domaine de la loi • Le gouvernement veille à la mise en œuvre de la politique générale de l'Etat conformément aux directives et aux choix fixés par lui et il est responsable devant lui • Le chef du gouvernement dirige le gouvernement, coordonne ses travaux, gère les rouages de l'administration pour mettre en œuvre les orientations et les choix fixés par lui • Commentaire : la délibération en CM aurait-elle un sens pour un gouvernement choisi pour exécuter non pas sa propre politique mais celle du chef de l'Etat ?
Dispositions finales • Le préambule de la constitution, ses chapitres un et deux sont maintenus • Les autres dispositions constitutionnelles seront aussi maintenues dans la mesure où elle ne seront pas en conflit avec les dispositions décrites supra. • L'instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi est supprimée • Il va préparer les projets de révision (sans dire de quoi) relatifs aux réformes politiques avec l'aide d'une commission organisée par décret présidentiel. • Les projets seront soumis au référendum Commentaire : il y a des dispositions maintenues, d'autre abrogées (chapitre pouvoir législatif et excécutif) et le reste dépendra de lui, de ce qui lui semblerai comme entrave au grand projet populaire… Pour la réforme ; c'est toujours lui mais avec l'aide d'une commission. Pas trop difficile à comprendre donc la commission sera là pour concrétiser le projet techniquement et non pas pour réfléchir sur le projet. Commentaire général : • Selon l'article 80 les mesures prendront fin dès la cessation de leurs motifs. On peut donc le deviner : il va mettre fin à ces mesures lorsqu'il aura la garantie de passer son propre modèle suite au référendum. • Nous sommes donc déjà sortis de l'article 80 car il s'agit là juste d'un changement du régime constitutionnellement prévu par des moyens non constitutionnels. • Qui va organiser le ou les référendums ? • Est-ce que le référendum sera organisé selon l'actuelle loi ou non (conditions campagne…) ? • Qu'est ce qu'un véritable système démocratique ? • Peut-on instaurer un « véritable système démocratique » par la volonté d'UN seul, sans délibération, sans partis, sans syndicat, sans opposants… ? • Peut-il instaurer un régime démocratique celui qui se considère le président d'une partie des Tunisiens et Tunisiennes ? • Peut-il instaurer un régime démocratique celui qui se met tout le monde sur le dos ? • Peut-il instaurer un régime démocratique celui est agacé par quelques personnes qui contestent des choix ?