« Hichem Mechichi m'a affirmé qu'il avait été humilié », a déclaré le leader du mouvement islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, dans une interview accordée au journal Essabah et parue dans son édition du mardi 9 novembre 2021. Rached Ghannouchi s'exprimait sur les évènements du 25 juillet et la disparition du chef du gouvernement, Hichem Mechichi, ce jour-là. Il a précisé, dans ce sens, qu'il s'était entretenu avec « son ami Hichem une ou deux heures après le coup d'Etat » et que celui-ci l'avait informé qu'il devait rejoindre une réunion qui se tenait au palais de Carthage.
« Il m'a indiqué lors d'une autre conversation téléphonique qu'il avait été humilié (…) et qu'il se considérait encore chef de gouvernement puis, le lendemain, il annoncé sa démission et qu'il était prêt à passer le pouvoir à celui que le Président aura choisi alors que personne ne le lui a demandé », a avancé Rached Ghannouchi.
Dans la nuit du 25 au 26 juillet, plusieurs rumeurs – alimentées par la disparition soudaine de Hichem Mechichi – ont circulé sur la toile. Des députés, personnalités politiques et organisations nationales ont exprimé de profondes préoccupations à son sujet surtout que certains ont laissé entendre que Hichem Mechichi avait été contraint de démissionner. Réaffirmant sa position au sujet du 25-Juillet, Rached Ghannouchi a rappelé que le président de la République ne l'avait pas consulté au sujet des décisions prises le 25 juillet. « Le 25 juillet est la date du lancement du coup d'Etat, de la naissance du projet du président Kaïs Saïed, celui de la monopolisation des pouvoirs », a-t-il avancé.
Il a ajouté qu'il s'était entretenu avec le président de la République et que celui-ci ne lui avait pas soufflé un mot au sujet du gel du Parlement et du limogeage du chef du gouvernement. « Je pensais qu'il s'agissait uniquement de l'Etat d'urgence. Il avait l'habitude de m'appeler à chaque fois qu'il souhaitait le renouveler ».
Notant qu'il a été choqué à l'annonce du « coup d'Etat », Rached Ghannouchi a souligné que l'article 80 était supposé être activé pour faire face à un péril imminent.
Le président de la République a, rappelons-le, annoncé le gel du Parlement et le limogeage du chef du gouvernement sur la base de l'article 80 de la Constitution de 2014. Il avait alors signalé que la situation sanitaire était le péril imminent dont il est question dans l'article 80 pour ensuite se rétracter et assurer que le grand danger venait du Parlement lui-même.
« La Tunisie n'a rien gagné de ce coup d'Etat sauf un éprouvant isolement (…) », a avancé Rached Ghannouchi précisant que les décisions du 25 juillet et du 22 septembre – qui ne sont guère la meilleure solution pour le pays – nous ont poussé dans l'inconnu.
« La Tunisie n'est ni une force militaire ni un Etat riche comme le prétend le président de la République », a-t-il ajouté en référence aux déclarations itératives de Kaïs Saïed au sujet des biens spoliés. Le chef de l'Etat a, rappelons-le, assuré, maintes fois, qu'il suffisait de récupérer l'argent des Tunisiens volés par les Ben Ali et Trabelsi pour résoudre en partie les problèmes financiers du pays. Ce n'est que récemment qu'il s'est – vraisemblablement – rendu à l'évidence et compris la complexité des procédures à engager pour récupérer cet argent si toutefois on arrive à identifier sa provenance et le lien avec la famille du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Kaïs Saïed a, d'ailleurs, appelé le peuple tunisien à mettre la main dans la poche pour renflouer les caisses vides de l'Etat et ce lors du dernier Conseil des ministres.
Avouant que la situation était loin d'être idéale avant le 25 juillet, Rached Ghannouchi a accusé Kaïs Saïed d'avoir contribué en partie à la dégradation de la situation, sanitaire en particulier. Interpellé à ce sujet, il a affirmé à Essabah, que le président de la République n'avait pas bougé le petit doigt pour assurer au pays sa part des vaccins anti-Covid avant le 25 juillet car il s'était déjà engagé dans la mise en œuvre de son coup d'Etat. « Il est aussi responsable de ce qu'il s'est passé sur le plan sanitaire ».
Entre mars et juillet 2021, la Tunisie n'a réceptionné que de petits lots de vaccins. Ce n'est qu'après le 25 juillet que le pays a connu une déferlante de dons de vaccins de pays voisins et amis en plus de l'arrivée des commandes passées par le ministère de la Santé ou encore celles envoyées dans le cadre du programme Covax.
Interpellé sur la nomination de Najla Bouden à la tête du gouvernement, le leader du mouvement islamiste a signalé que Kaïs Saïed avait commis la même erreur à nouveau. « Najla Bouden n'a toujours pas prouvé sa compétence », a-t-il lancé.
Najla Bouden a été nommée chef de gouvernement le 29 septembre 2021. Elle a annoncé la composition de son gouvernement le 11 octobre.