« Quand on n'a pas d'arguments à opposer à ses détracteurs, on les met en prison », c'est ainsi qu'a commenté la militante politique Ahlem Hachicha Chaker, le verdict du procès de l'ancien président Moncef Marzouki.
Condamné à quatre ans de prison ferme, hier par un tribunal de Tunis, l'ancien président est revenu, soudain, au devant de la scène. Sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les réactions de sympathie à son égard, suite à cette sévère sentence, qualifiée par de très nombreux dirigeants et observateurs, comme honteuse.
Si la déontologie nous interdit de commenter les décisions judiciaires, il n'empêche que l'on ne peut ne pas remarquer l'extrême rapidité de la justice tunisienne dans cette affaire. À peine deux mois après les faits et voilà qu'on a fait tout le chemin judiciaire jusqu'au procès et la sentence, alors que d'habitude, on met des années pour parcourir le même chemin.
Les faits remontent au mois d'octobre dernier. Lors d'une manifestation à Paris, l'ancien président a invité la France à s'immiscer dans les affaires intérieures tunisiennes en soutenant l'opposition tunisienne. Le 12 octobre, sur France 24 arabe, il dit être fier d'avoir œuvré à ce que le Sommet de la Francophonie ne se déroule pas en Tunisie. Il répète les mêmes propos sur plusieurs chaînes arabes du Golfe, notamment Al Jazeera. Les deux déclarations de Moncef Marzouki ont soulevé un véritable tollé en Tunisie. Un peu partout sur les réseaux sociaux, on le qualifiait de traître et de tous les noms d'oiseaux. Les médias n'ont pas du tout été cléments à son encontre et ont fortement critiqué ses invitations à l'ingérence étrangère et sa vilaine entreprise de saboter le Sommet de la francophonie. Les attaques ont tellement été virulentes que Moncef Marzouki a dû fermer les commentaires sur sa page Facebook et renier ses propres propos. Tout cela a été écrit sur Business News juste après que le président Kaïs Saïed ait actionné la machine judiciaire à l'encontre de son prédécesseur, qualifiant cela de cadeau en or offert par Saïed. Cette machine a été rapide pour émettre un mandat d'amener international à l'encontre de Moncef Marzouki et ce dès le 4 novembre. Suite au tollé provoqué par ce mandat risible (puisque Interpol ne donne pas suite aux affaires politiques et celle de Marzouki en est bien une), on aurait espéré que Kaïs Saïed allait se calmer. Que nenni. Le 22 décembre, on apprend via une dépêche de l'agence officielle Tap que la machine judiciaire a continué sa route, totalement insensible à l'effervescence des médias et à l'image désastreuse de la Tunisie que donne la justice au monde extérieur.
Moncef Marzouki ne pouvait espérer meilleur cadeau de son successeur. Alors qu'il était traité de tous les noms, il y a à peine deux mois, le voilà devenu victime aux yeux de ceux-là mêmes qui le vilipendaient et le qualifiaient de traitre et de menteur. Rebondissant sur le tollé soulevé à l'époque, Business News l'a traité de Pinocchio de la République, tant ses mensonges étaient grossiers et éhontés. Cette posture de victime est idéale pour Moncef Marzouki. C'est celle où il se sent le plus à l'aise pour rebondir sur le devant de la scène et espérer, de là, redevenir audible et revenir au palais de Carthage. Aux yeux du Tunisien lambda, les propos de Moncef Marzouki sur France 24 et à Paris sont honteux, mais le verdict d'hier l'est davantage. Pour l'ancien président, il est impératif de surfer sur cette vague avantageuse et de rajouter quelques larmes pour bien épouser le rôle. Réagissant au verdict, hier vers minuit, il a indiqué avoir été condamné sous l'ère Bourguiba et sous l'ère Ben Ali. Ceci est totalement faux, mais qui va en tenir rigueur ? Il espère, par là, que les Tunisiens voient comme un acharnement des pouvoirs despotiques à l'encontre d'un homme politique dévoué au pays, question de les amadouer et de leur faire oublier qu'il a appelé lui-même à voter pour ces pouvoirs. Ainsi, il est bon de rappeler que Moncef Marzouki a appelé à voter Zine El Abidine Ben Ali en 1989 et à voter Kaïs Saïed en 2014. D'ici quelques jours, voire quelques heures, il va diffuser une vidéo dans laquelle il va rappeler les bonnes performances de la Tunisie lorsqu'il était président de la République, question de se présenter aux Tunisiens comme étant une alternative à ces despotes. C'est encore un mensonge, car si la Tunisie a réussi à avoir de bonnes performances durant l'ère Marzouki, c'est grâce aux recrutements dans la fonction publique des milliers de « victimes » de l'ancien régime, à l'épuisement des réserves laissées par Ben Ali et à la souscription de milliards de dinars de crédits auprès du FMI et d'autres pays. Si la Tunisie est en pleine crise économique aujourd'hui, c'est à cause de la gestion calamiteuse de l'Etat sous l'ère Marzouki, mais ce dernier s'arrête juste aux chiffres de l'époque, sans jamais évoquer comment et à quel prix ces chiffres ont été obtenus.
Avec à peine 2% dans les sondages, Moncef Marzouki sait qu'il n'a plus de crédit auprès des Tunisiens. Quand bien même il mettrait en doute les chiffres des sondages, il sait au fond de lui qu'il lui faut un miracle pour revenir sur scène, lui qui n'a obtenu que cent mille voix (2,97%) aux dernières élections. Il sait aussi qu'il ne peut pas toucher les Tunisiens en étant à Paris et que sa promesse faite le 20 novembre de revenir en Tunisie n'était qu'un énième mensonge. Oui, il faut un miracle pour ressusciter Moncef Marzouki et ce miracle est survenu avec la réaction impulsive de Kaïs Saïed qui a transformé le Pinocchio en victime de la machine répressive. Désormais, aux yeux des Tunisiens, Moncef Marzouki est bel et bien victime du despotisme de Kaïs Saïed. Il croira, sans sourciller, qu'il a été aussi victime des régimes précédents. Comme on peut faire dire aux chiffres ce qu'on veut, ils vont croire aussi que la période Marzouki était meilleure que l'actuelle. Ils trouveront tout à fait justifié qu'il se réfugie à Paris, puisqu'il risque la prison s'il revient au pays. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Moncef Marzouki n'a même plus besoin de mentir, son adversaire fait le travail pour lui. Par sa bêtise et par son manque de hauteur, il lui offre des cadeaux en or et ouvre un boulevard vers Carthage.