Le ministre de l'Intérieur a donné, hier lundi 3 janvier 2022, une conférence de presse qui ne répond à aucune norme en la matière. Les journalistes étaient considérés comme une boite d'enregistrement, utiles uniquement pour relayer ses propos, sans poser de questions pour l'interroger, le confondre dans ses contradictions ou, tout simplement, déchiffrer ses propos. Taoufik Charfeddine a pourtant commencé par passer de la pommade aux représentants des médias en leur rappelant qu'ils sont comme les policiers, instructeurs et chercheurs de la vérité. En tout cas, ses propos lors de cette conférence ne ressemblent pas beaucoup à la vérité, tant il y avait de langue de bois, de mystères et des inconnues. Le ministre n'a même pas cité les noms des personnes qu'il a évoquées. Voici une série de questions que les journalises auraient pu poser au ministre s'il respectait un peu son poste et les médias.
1/ Pourquoi invite-t-il à sa conférence la presse étrangère, notamment turque, et zappe une partie des médias tunisiens, notamment les médias mainstream et Business News en particulier, alors que le problème est tuniso-tunisien ? 2/ Qui sont les deux personnes debout derrière lui ? 3/ Pourquoi ne veut-il pas de séance questions-réponses, incontournables dans ce genre de rencontres et au vu des circonstances ? 4/ En quoi l'affaire de falsification des passeports est-elle en rapport avec le terrorisme qu'il a évoqué ? 5/ Dans tout ce qu'il a annoncé, il n'y a rien qui touche la sûreté nationale. Alors où est cette menace qu'il a évoquée au début de la conférence et qui a justifié l'application du décret 50 de 1978 à propos de l'assignation à résidence ? 6/ Le ministre a parlé d'instruction judiciaire, mais celle-ci n'a pas abouti à l'arrestation de Noureddine Bhiri et Fathi Beldi. Faute de preuves ou parce que le juge serait complice de Noureddine Bhiri ? 7/ Le ministre a dit avoir attendu impatiemment la réaction du parquet et a pressé la ministre de la Justice pour qu'elle réagisse dans ce sens, cela veut-il dire que le parquet et sa collègue ministre sont également complices de Noureddine Bhiri ? 8/ Qu'est-ce que le parquet (et la ministre) ont-t-il à voir dans cette histoire, puisqu'il y a déjà une instruction judiciaire et que, théoriquement, l'affaire n'est déjà plus de leur ressort, mais plutôt du ressort d'un juge d'instruction ? 9/ Le ministre parle de suspicion de terrorisme et les faits remontent, d'après lui, à 2013. Or il évoque une infraction à la loi de 2015. Sait-il qu'il y a là un vice de procédures ? 10/ Le ministre a passé plus d'une minute à parler de son propre patriotisme, de son engagement envers le pays et de son attente. Que cela a-t-il à voir avec le sujet du jour ? 11/ Le ministre a consacré près de la moitié de la conférence à un sujet autre que celui de Noureddine Bhiri, celui d'un inconnu qui aurait porté atteinte à des agents de la sûreté et qu'il va poursuivre devant la justice militaire. Que cela a-t-il à voir avec le sujet du jour ? 12/ Est-ce Samir Dilou ou Abderrazak Kilani qui est visé par cette procédure ? Si c'est le cas, entend-il coller d'autres affaires à d'autres islamistes ? 13/ Le ministre fait des va-et-vient entre deux sujets qui, a priori, n'ont rien à voir ensemble. En revenant sur l'histoire de Bhiri, il dit avoir demandé au gouverneur de considérer l'ancien ministre comme étant son invité. Peut-on considérer un suspect de terrorisme comme étant l'invité du gouverneur ? 14/ Le gouverneur a-t-il vocation à recevoir des invités suspects de terrorisme ? 15/ L'Etat n'a plus de prisons ou de maisons d'arrêt pour accueillir les suspects de terrorisme ? 16/ Le ministre dit avoir proposé à l'épouse de Noureddine Bhiri la visite de son époux, mais celle-ci a refusé. Quelles ont été les conditions imposées par son département qui ont poussé celle-ci à refuser la visite de son époux hospitalisé ? 17/ Le comité de défense de Noureddine Bhiri évoque des maltraitances policières à l'encontre du suspect. Qu'en est-il de cela ? 18/ Pourquoi a-t-on attendu 72 heures avant de dévoiler le lieu de l'assignation à résidence ? 19/ Pourquoi Noureddine Bhiri et Fathi Beldi n'ont pas été autorisés à saisir leurs avocats et à prendre contact avec leurs familles, comme l'exige la loi ? 20/ Maintenant qu'ils sont assignés à résidence, il se passe quoi exactement ? Il y a instruction ? Qui est le juge instructeur ? 21/ Le ministre évoque la possibilité que les deux assignés à résidence saisissent le tribunal administratif, leur a-t-il fourni un document les informant de leur état de captivité, comme l'exige la loi ? 22/ Le ministre évoque la question de falsification de passeports, alors que les passeports sont délivrés par son propre département et non par le ministère de la Justice. Combien d'agents du ministère de l'Intérieur sont impliqués dans cette affaire et sont-ils, eux aussi, assignés à résidence ? 23/ Le ministre évoque la question d'octroi de certificats de nationalité. Combien d'agents du ministère de la Justice sont impliqués dans cette affaire et sont-ils, eux aussi, assignés à résidence ?