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UGTT, Utica, LTDH et avocats face au piège de la dictature
Publié dans Business News le 08 - 04 - 2022

Qu'est-ce que la dictature ? D'après le Larousse, « c'est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de personnes (junte) qui l'exercent sans contrôle, de façon autoritaire ». D'après le Robert, c'est la « concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un individu, d'une assemblée, d'un parti, d'une classe »
Techniquement, la Tunisie est devenue une dictature depuis le 25 juillet puisque l'organe officiel de légifération et de contrôle (l'assemblée) est gelé. Et encore davantage depuis le 30 mars après la dissolution de cette assemblée. Le fait est que le président Kaïs Saïed s'est accaparé les pleins pouvoirs.
Reniant cette évidence, le président Kaïs Saïed répond qu'il est contrôlé par Allah et par le peuple. Pour ce qui est d'Allah, on attendra le jour du Jugement dernier. Quant au peuple, il prend à témoin la consultation nationale à laquelle auraient participé quelque 535.000 personnes.
Là, il y a un couac, car la consultation nationale est truquée. Plusieurs médias et observateurs ont testé la plateforme et ont pu remarquer qu'une seule personne peut participer plusieurs fois. Le ministre des Technologies, développeur de cette plateforme, a nié ce constat en déclarant que les visites multiples ne sont pas comptabilisées. Sauf que le monsieur n'est pas crédible et n'a aucune preuve pour étayer ses propos. C'est le même qui, le 30 mars, a déclaré qu'il n'était pas derrière la panne subite de l'application Zoom, concomitante avec la tenue d'une plénière virtuelle de l'assemblée. Une panne constatée par l'ensemble des utilisateurs tunisiens et uniquement en Tunisie.
Quand bien même il y aurait eu 535.000 participants à la consultation, celle-ci n'est toujours pas représentative quand on sait qu'il y a douze millions de citoyens dont plus de huit millions de votants potentiels. Enfin, il est utile de rappeler que les questions sont fortement orientées et que les 535.000 participants n'obéissent pas aux règles basiques de représentativité par genre, par nombre, par région et par classe. En la matière, les étudiants de première année en sciences statistiques et autres experts des sondages ont dû rigoler un coup.
En clair, le président qui s'est accaparé les pleins pouvoirs ne peut en aucun cas parler de légitimité populaire.

Si les gogos tunisiens continuent à chanter les louanges du président Kaïs Saïed, en affirmant qu'il faut lui donner sa chance et qu'il a le mérite d'avoir éliminé les islamistes du paysage politique (CQFD), les partenaires étrangers gardent les pieds sur terre. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont manifesté leur inquiétude par rapport à ce qui se passe en Tunisie, appelant au retour à un fonctionnement normal des institutions. Même la Turquie du despote Erdogan s'est mise à nous donner des leçons !
Quant au FMI, sur qui le gouvernement compte pour financer son budget à partir du deuxième trimestre 2022, a demandé à ce qu'il y ait un consensus national avant d'entamer toute négociation.
Conscient de cette réalité, Kaïs Saïed a entamé la semaine dernière le dialogue national. Un dialogue duquel il a exclu les partis et qui devrait se dérouler uniquement avec les représentants des syndicats, du patronat, des avocats, des femmes et des Droits de l'Homme.
Il pense que cela suffirait à convaincre le FMI et les partenaires étrangers. Précédemment, il est allé à Bruxelles pour amadouer les Européens et a décoré l'ambassadeur américain de la plus haute distinction de la République à l'occasion de la fin de sa mission.
Kaïs Saïed s'en sortira-t-il facilement avec des salamalecs et une distinction honorifique ?

S'il est évident que les partenaires étrangers n'avalent plus ce genre de pilules depuis des siècles, les choses sont différentes en Tunisie.
Plusieurs médias, juristes et hommes et femmes politiques ont retourné leurs vestes depuis des mois et ne font plus que chanter les louanges du nouveau dictateur. Certains le font par calcul, espérant des dividendes du pouvoir, d'autres par stupidité croyant sincèrement qu'une dictature peut sauver le pays du marasme dans lequel il s'est embourbé à cause des islamistes.
Les appels sont ainsi multiples pour dire qu'il faut aider le gouvernement, que ce n'est pas grave si ce gouvernement n'a aucune vision d'avenir, que l'essentiel est que l'on soit débarrassé des islamistes, qu'il faut laisser le temps au temps, qu'il faut cesser de mettre des bâtons dans les roues du pouvoir, etc… C'est ce type de discours qui encourage Kaïs Saïed dans sa fuite en avant et qui lui fait croire qu'il peut convaincre les sceptiques et les partenaires internationaux par du verbiage.
Après avoir « vendu » la vraie fausse consultation nationale, il entend maintenant vendre un vrai faux dialogue national.
La semaine dernière, il a reçu, tout à tour, les membres du bureau exécutif de l'Utica et de l'UGTT, la présidente de l'UNFT, le président de la Ligue des Droits de l'Homme et le bâtonnier des avocats. Dans les communiqués de la présidence, il a été indiqué à chaque fois qu'il a parlé de dialogue national.
Mercredi 6 avril, depuis Monastir, il a indiqué avoir déjà entamé le dialogue.

Sauf que voilà, le président de la République ne dit pas la vérité. Il a été démenti hier par le secrétaire général de l'UGTT qui a affirmé que la rencontre avec le président était juste protocolaire. « De simples rencontres protocolaires ne peuvent pas devenir un dialogue national tel qu'on le conçoit », a indiqué Noureddine Taboubi.
Il se trouve qu'il n'y a que lui à avoir osé démentir le président. Les autres représentants des institutions les plus prestigieuses du pays ont préféré garder un silence prudent. Ou plutôt lâche.
Ce silence aide Kaïs Saïed à asseoir son pouvoir. Il lui offre la possibilité de dire aux partenaires étrangers qu'il est en train de dialoguer et qu'il est faux de dire que la Tunisie est une dictature. Il avait déjà tenu la même mascarade le 26 juillet quand il avait reçu les représentants des mêmes organisations pour les rassurer sur ses intentions, sans qu'il n'y ait aucun impact réel.
Ces plus grandes organisations nationales sont face à un choix historique. Soit, elles s'opposent à la dictature, soit elles deviennent complices. Soit, elles veulent un retour à la démocratie, soit elles veulent offrir le pouvoir à un seul homme. Sans elles, le président de la République ne peut rien faire. Il a besoin d'elles.
En l'absence de partis qui pèsent réellement sur l'échiquier politique national, ces organisations ont la possibilité de devenir de véritables contre-pouvoirs.
Le veulent-elles ? Avant 2011, l'Utica a toujours été complice du pouvoir en place. Après la révolution, le patronat a juré ses grands dieux qu'on ne l'y reprendra plus et qu'il travaillera désormais dans le sens d'une Tunisie moderne et démocratique.
Face à cette main tendue de Kaïs Saïed, le patronat s'apprête visiblement à retomber dans le même piège d'avant 2011 et aider le dictateur à asseoir sa dictature. Le capital est lâche, c'est connu.
Pourtant, l'Utica a la possibilité d'arrêter tout de suite le train de la dictature. Il suffit d'appeler à la désobéissance fiscale pour que Kaïs Saïed accepte de rendre le pouvoir au peuple. Samir Majoul, président de l'organisation, ne cherche même pas à obtenir des incitations réelles pour les chefs d'entreprise en contrepartie de sa complicité. On dirait qu'il cherche à sauver sa tête et qu'il a peur de quelque chose.
L'UNFT ne pèse pas grand-chose sur l'échiquier. Contrairement à plusieurs organisations féminines (comme l'ATFD par exemple), les femmes de l'UNFT ont toujours évité la confrontation avec le pouvoir en place.
Pour ce qui est de la LTDH et de l'Ordre des avocats, ils ont toujours su s'opposer subtilement aux pouvoirs en place quand ils déraillent. C'était le cas avant et après 2011.
Face à Kaïs Saïed, Jamel Msallem président de la LTDH a bien soulevé la question des violations observées depuis le 25 juillet, mais il s'est contenté curieusement des contrevérités du président les prenant pour de l'argent comptant. Le président a beau violer la constitution, les lois du pays et les libertés, M. Msallem s'est laissé convaincre quand le président lui a assuré qu'il ne cherchait pas le pouvoir et qu'il ne veut pas porter atteinte aux libertés.
Quant au bâtonnier, Brahim Bouderbala, il s'est aplati totalement devant le président. C'est ce qu'il a toujours fait depuis le 25 juillet. Jamais, chez les avocats, on a vu un bâtonnier aussi faible et aussi complice de la dictature.
Pour ce qui est de l'UGTT, il est bon de rappeler que l'organisation syndicale est celle qui a appelé à la manifestation du 14 janvier 2011 et qu'elle a été plus puissante que les partis pour s'opposer à l'hégémonie de la troïka durant la période 2012-2014, ainsi que durant la période 2019-2021 face au banditisme des islamistes, notamment ceux d'Al Karama.

Kaïs Saïed a besoin de légitimité et d'un large soutien du peuple, des partis et des organisations nationales. Il a exclu, de lui-même, les partis. Le peuple semble le soutenir, d'après les sondages, mais l'échec cuisant de la consultation nationale dit le contraire. Et puis il y a une réelle grogne avec toutes ces pénuries et cette inflation galopante.
Il reste les organisations nationales, sans lesquelles Kaïs Saïed serait fini. Il n'a pas besoin seulement de leur appui, il a besoin de leur complicité.
Pour le moment, les patrons et les avocats (en plus de quelques médias) proposent leurs services et sont prêts à se déculotter, voire davantage.
L'UGTT, et à degré moindre la LTDH, sont dans l'hésitation et le calcul. D'un côté, elles craignent la dictature et le pouvoir unique si elles soutiennent Kaïs Saïed et, de l'autre, elles craignent le chaos puisqu'il n'y a pas d'alternative visible à Kaïs Saïed.


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