La guerre en Ukraine a fait du mal à l'économie tunisienne. Les prix du blé qui s'envolent et ceux des hydrocarbures qui prennent feu génèrent mécaniquement une crise globale! Pour tenter de se défaire, un tant soit peu, de l'emprise qu'a la Fédération de Russie sur l'Europe et l'Italie en particulier, dont 45% du gaz naturel nécessaire pour faire tourner ses centrales électriques provient des steppes de Sibérie (Russie), le Premier ministre italien Mario Draghi a dû se déplacer jusqu'en Algérie pour demander « du gaz ». Pour Rome, tous les chemins mènent désormais vers Alger. Le 11 avril 2022, un accord est signé entre les deux parties. Il vient renforcer le contrat qui existe déjà entre Eni et Sonatrach et qui prévoit des exportations vers l'Italie jusqu'en 2027 avec une « nouvelle » option de rallonge de deux ans. Le président algérien, Abdelmajid Tebboune et son homologue italien, signent donc, pour accroitre de 40%, progressivement jusqu'en 2024, le volume de gaz en transit sur le gazoduc Enrico Mattei (Fondateur du Géant Pétrolier ENI) ou Trasmed, et qui traverse le territoire tunisien sur 400 kilomètres, avant de plonger dans la méditerranée en direction de la péninsule italienne.
Selon les accords, la Tunisie perçoit un droit de passage équivalant à 5,25% du total du gaz acheminé. Les contrats de vente passés depuis la mise en œuvre du projet en 1983, prévoient une rétribution en devise ou en gaz naturel pour la Tunisie. « Ces redevances rapporteront 500 MD à la Tunisie en 2022 », selon la ministre de l'Industrie, des Mines et de l'Energie, Neila Noura Gongi, qui l'a révélé lors d'une déclaration accordée au journal Assabah. « Elles couvrent, pour l'instant, 65% du besoin énergétique du pays ».
Vue d'Alger, ce nouvel accord est capital car il permet de consolider sa posture dans la région. En un coup, le pouvoir algérien renforce son axe avec l'Italie, fait un cadeau aux voisins tunisiens, met au pied du mur le tant détesté pouvoir du Makhzen en interrompant ses fournitures vers le royaume du Maroc et colle une augmentation de prix aux « mauvais » clients espagnols. L'accord est aussi une occasion pour Alger d'attirer le géant italien Eni, sur des investissements dans l'énergie solaire, dans le sud du pays. Et ainsi faisant, Alger ne cache plus son ambition de devenir le premier fournisseur d'énergie électrique pour le continent européen, notamment avec son Méga projet « Solar 1000 » qui s'étend sur 4200 Hectares et qui générera une capacité totale de 1000 MégaWatt.
L'accord du 11 avril, signé entre le directeur général d'Eni, Claudio Descalzi et le directeur général de Sonatrach, Toufik Hakkar, prévoit un alignement sur les prix du marché international et un accroissement du volume de gaz vers l'Italie de 40% (9 milliards de m3). « Plusieurs autres projets dans le domaine des énergies renouvelables sont prévus dans l'accord » indique un communiqué de la Sonatrach émis pour l'occasion. Bien entendu, la Tunisie n'est nullement concernée par cette subite augmentation de prix, les Algériens ont maintenu l'ancien prix, autrement la Steg l'aurait signalé car cela aurait constitué une excellente occasion pour une Nième augmentation de prix à coller sur le dos du consommateur tunisien.
Depuis Alger, le 11 avril, Mario Draghi - ou Super Mario comme l'appellent beaucoup d'Italiens - déclarait : « Immédiatement après l'invasion de l'Ukraine, j'ai annoncé que l'Italie allait agir avec la plus grande rapidité pour réduire sa dépendance au gaz russe. Nos gouvernements ont signé un accord bilatéral dans le secteur de l'énergie, en plus de cela, il y a l'accord entre la Sonatrach et Eni pour augmenter les exportations de gaz vers l'Italie. Cet accord ne se terminera pas en 2024 mais le flux deviendra constant ou bien sur une rampe qui ira à croitre encore. Alger nous donne 3 milliards de m3 de gaz naturel tout de suite et 6 autres en 2023. Sont prévus également dans l'accord : 3 milliards de m3 de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ». Désormais, ce sont près de 30 milliards de m3 de gaz naturel qui voyageront à une vitesse supérieure à Mach 1 vers l'Italie à travers Transmed, chaque année. La part de la Tunisie dans cette belle opération italo-algérienne est de 1,5 milliard de m3. Un cadeau tombé du ciel ! Durant cette dernière décennie, la Tunisie a perdu beaucoup d'énergie dans des combats inutiles, elle n'a pas su avancer et le taux de pauvreté le démontre parfaitement. Au gré du vent, les politiques du pays consistaient à recevoir de l'aide étrangère pour la redistribuer inefficacement et sans aucune vision pour la faire fructifier. Aujourd'hui, la Tunisie continue sur ce chemin où elle est là, à attendre les cadeaux tombés du ciel de temps à autre. Avec la nouvelle donne politique dans le pays, n'est-il pas temps d'apprendre à capitaliser sur ces petites fenêtres de tir qui s'ouvrent, sur ce basculement global des forces qui s'opère là sous nos yeux ? Si l'Etat se met en position de pouvoir surfer sur cette énorme vague qui arrive, la Tunisie deviendra une nation agile où il fera bon vivre et en un temps record. Il lui suffit juste de savoir prendre la vague, tout comme le fait l'Algérie avec son gaz.