Des militantes de la société civile, des dirigeantes politiques, des membres du Front de salut national, des avocates et des magistrates ont organisé, dans la matinée de mercredi 8 juin 2022, un sit-in de protestation devant le Palais de justice. Elles ont dénoncé les dernières décisions du président de la République Kaïs Saïed, notamment la révocation de plusieurs magistrats sans possibilité de recours pour les concernés. Les manifestants ont assuré qu'ils déploieraient tous les moyens pour mettre un terme à l'ingérence de Kaïs Saïed dans la justice et barrer la route à ses décrets publiés pour instrumentaliser l'appareil judiciaire. Le président de la République a, rappelons-le, annoncé, le 1er juin, la révocation – sans possibilité de recours – de 57 juges, dont le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dissous par Saïed, Youssef Bouzakher, l'ancien procureur de la République, Béchir Akremi, l'ancien premier président de la Cour de cassation, Taieb Rached et l'ancien substitut du procureur de la République, Sofiene Sliti. Ceux-ci sont accusés d'entrave à la justice et plusieurs autres dépassements, corruption et adultère, notamment.
Au lendemain de cette annonce, l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a publié un communiqué affirmant que le décret 35 de 2022 était nul et non avenu, car il représente une atteinte manifeste à la compétence exclusive du Conseil supérieur de la magistrature et une ingérence claire et flagrante du président de la République dans les prérogatives de l'autorité judiciaire. Elle a, également, décrété une grève d'une semaine, renouvelable, au terme du conseil national urgent organisé samedi dernier. Prenant la parole tour à tour, l'avocate Dalila Ben M'barek Msadek, la membre du Front de salut national Sheima Issa, la juge et présidente d'honneur de l'AMT Raoudha Karafi, ont condamné le discours du chef de l'Etat en référence aux accusations d'adultère proférées contre une juge révoquée et l'atteinte à son honneur. La magistrate en question a été victime d'une campagne de diffamation et d'incitation sur les réseaux sociaux, sans oublier la publication de documents confidentiels la concernant, notamment un PV de justice et un rapport médico-légal réalisé après son arrestation en compagnie de son financé.
Revenant sur l'affaire, elle a, elle-même, révélé que sa révocation résultait de son refus d'accéder à la requête de la sœur de la première dame. Selon ses dires, la juge a fait l'objet de campagnes de harcèlement orchestrées par la première dame, Ichraf Chebil. Elle a expliqué que cette dernière avait chargé sa sœur, Atika Chebil, de représenter des créanciers et d'intervenir afin de leur procurer des avantages afin d'en faire des actionnaires dans une entreprise faisant l'objet d'une procédure judiciaire.
Face à ces révélations, les soutiens du président de la République ne sont pas restés les bras croisés et ont déployé les grands moyens en ayant recours au blogueur Oussema Ben Arfa. Ce dernier, n'a pas hésité à partager sur la toile des documents relatifs à la présumée affaire d'adultère impliquant la juge, tout en les accompagnant d'un rapport médical attestant qu'elle n'était pas vierge ! La juge a souligné que l'affaire était montée de toutes pièces depuis 2020 notant qu'elle était fiancée au commandant de la Garde nationale qui était, lui, divorcé. Son épouse, influente, avait mal pris leur séparation. Elle aurait, donc, décidé de se venger en essayant de leur coller un procès d'adultère.