La Tunisie est-elle en train de payer les frais de ses ambitions démesurées et de son manque de réalisme ? Un petit pays tel que la Tunisie que la géographie a coincé dans une zone de fortes turbulences politiques, s'est permis, non seulement de se mesurer aux puissances régionales et de leur tenir tête, mais aussi de chercher d'être la locomotive du changement dans la région. Cette envie a failli coûter cher à Bourguiba qui a essayé d'accélérer la modernisation. Suite à son appel à la population d'abandonner la pratique du jeûne à Ramadan, il s'est heurté à un rejet violent de cette dernière et des chefs religieux. Il a rapidement saisi le message et réduit son ambition de la laïcisation en insérant une dimension religieuse dans son discours. Les générations qui ont vécu sous le règne de Bourguiba et Ben Ali n'ont pas connu un meilleur sort. Toutes les tendances confondues se sont confrontées au conservatisme et à l'inertie du peuple. Leurs discours, bien que chargés de belles promesses, n'ont pas trouvé grand écho parmi la masse, mis à part les islamistes qui se sont infiltrés aux mosquées sous la couverture de la religion. Cela peut expliquer en partie l'échec de ces forces politiques à traduire leurs slogans en programmes concrets réalisables. En effet, ils ont commis toutes les erreurs possibles jusqu'à la déroute totale. En mettant la barre de leurs objectifs très haut par rapport à leurs capacités, ils se sont condamnés à l'échec dès le départ. Comme disait Hegel « de l'histoire, nous apprenons que nous n'en apprenons rien ». En constatant là où on est arrivé après une année de ce fameux 25-Juillet, l'on comprend que notre grande faiblesse est de ne pas savoir tirer les enseignements de nos défaites. Tout de suite après la chute du système de 2011, la majorité des citoyens ont adhéré à une logique de destruction des institutions existantes au profit d'un discours farfelu basé sur un mélange phraséologique salafiste-marxiste. Plus grave encore, l'article 5 de la constitution proposée menace les fondements sur lesquels a été basée la société de l'après indépendance. Cette société risque aujourd'hui de perdre sa dimension laïque et de se trouver totalement sous le règne de la chariâa.
Mettant le destin de tout un peuple entre les mains d'un sauveur est un risque trop gros à courir. Quelles que soient ses vertus et ses qualités vantées par ses partisans, rien ne garantit les risques de déviation qui pourront surgir d'un moment à l'autre. Cet homme, autour duquel toute une légende s'est construite, n'a pas tardé à dévoiler ses illusions. Il a exprimé sa volonté de rompre avec le passé et de construire une nouvelle république, sa propre république. Il a cependant oublié de prier pour que « le père Noël transite par la Tunisie et lui offre de quoi prolonger son rêve …son utopie ».