Pourquoi la Tunisie, pays à peine visible sur la carte du monde, suscite-t-elle tant d'intérêt, tant de curiosité, tant d'admiration et, aussi, tant de jalousie tournant parfois à l'invective ? Et pourtant, elle ne représente ni plus ni moins qu'une nation ou, plutôt, l'une des rares expressions dans ce monde de cet Etat-Nation, dont la globalisation sommaire et outrancière, avait cru en creuser le cercueil. Que vaut finalement le mot République, s'il est vidé de sa quintessence, des réquisits de l'égalité, de l'égalitarisme même, de la souveraineté décisionnelle autant que de l'intégrité territoriale ? Quelle République bananière serions-nous aujourd'hui, si les institutions n'avaient pas été miraculeusement sauvées, en 87, du naufrage d'une monarchie présidentielle, sans modèle, sans avenir, évoquant le même souvenir âcre de fin de règne de ces mois ayant précédé un certain 25 juillet… 1957 ? Dire que l'Histoire se répète sacraliserait abusivement Hegel. Cela reviendrait à accepter, à cautionner la mécanique dialectique et finalement systématique et paresseuse de l'Histoire. Rejoindre Marx quand il nuance Hegel affirmant que l'Histoire se déploie une première fois de manière épique et, une deuxième, de manière comique, redonnerait justement toute sa solennité, tout son humanité à l'Histoire. L'Histoire ne fait pas les hommes. Les hommes, eux, font l'Histoire. Et c'est parce que notre histoire, plusieurs fois millénaire, a été écrite par les hommes que nous sommes, en mesure 53 ans après, de croire que nous ne devons rien à personne, que Abou Al Kacem Chebbi parlait bien de son peuple dans « Iradat Al Hayat » et qu'après la lutte pour l'indépendance, après la proclamation de la République par le « meilleur » Bourguiba, après le providentiel sauvetage du 7 Novembre 87, la République Tunisienne est en de bonnes mains, qu'elle est une et indivisible et que tout en puisant dans leur dimension universelle, les valeurs qu'elle sous tend ont quelque chose de typiquement tunisien, quelque chose de spécifique… Aujourd'hui que les nuages d'une récession mondiale assombrissent le ciel planétaire et que le soleil ne se lève plus pour tout le monde, notre pays continue son bonhomme de chemin. La nôtre est une République forte. Son socle fondateur ? Les valeurs ancestrales. Oublie-t-on le système de séparation des pouvoirs (avec un législatif et un exécutif indépendants l'un de l'autre) de nos ancêtres les Carthaginois ? Et, puis, au nom de quoi ce peuple est-il toujours resté debout ? Au nom de ces valeurs égalitaires justement et qu'exprime, sans exubérance et dans les accents d'un défi serein, ce Changement qui n'en finit pas de façonner et de changer la face de l'Histoire, et de baliser le destin de la Tunisie.