L'actuel guide suprême autoproclamé de la Tunisie – guide spirituel cela s'entend, même si, dans les faits, il ne s'occupe que de politique dans sa facture la plus sordide, précisément celle qui rime avec complots et magouilles –, sa sainteté Rached Gannouchi, que Dieu l'agrée, est un usurpateur doublé d'un fossoyeur. Usurpateur, il l'est parce qu'il s'est octroyé un statut auquel il n'a pas droit puisqu'il n'occupe, en dehors de sa qualité de président de parti (un entre cent, en dépit de sa fatuité qui frise la mégalomanie), aucune fonction officielle. Chose curieuse, la convoitise de ce leader n'a pas de limites. Ne se satisfaisant pas des multiples titres politiques qu'il cumule pour conforter un narcissisme (tare dont il accuse injustement le Président défunt Habib Bourguiba) sans limites, il a eu l'outrecuidance de s'octroyer frauduleusement un titre religieux des plus prestigieux. Il va de soi que, n'étant pas un compagnon du prophète, R. Gannouchi ne mérite pas l'honneur que lui a lui prodigué, de la manière la plus hypocrite et la plus odieuse, le recteur – autoproclamé lui aussi – de la mosquée Zitouna, en le comparant, entre autres figures illustres, à Bilal, que Dieu l'agrée. Cette incartade aurait dû être dénoncée par le bénéficiaire de ce titre insigne en personne parce qu'elle constitue (en dépit de la casuistique verbeuse dont a fait montre pour la justifier) un cas flagrant d'atteinte au sacré. Si R. Gannouchi a préféré se taire, c'est parce que – politique oblige – il a besoin, pour imposer son diktat à tout le monde, d'être élevé à la dignité d'un sahabi. Usurpateur, R. Gannouchi l'est également parce qu'il se permet de parler au nom d'un peuple qui, dans sa grande majorité, ne l'a désigné, ni lui ni son parti, pour diriger le pays et préserver les acquis de la « révolution ». Le peuple a confié aux élus de l'ANC le soin de rédiger, en l'espace d'une année, une constitution. Sa sainteté, fidèle à son idéologie putschiste, en a décidé autrement. Usurpateur, il l'est surtout – et c'est là le comble – parce qu'il il mêle la politique à la religion, les pervertissant l'une et l'autre. Il l'est en particulier – et c'est là la grande supercherie – parce qu'il s'attribue des prestations scientifiques et académiques en vertu desquelles il se permet, après avoir révolutionné l'Islam (dont il fait un simple succédané de la chari'â !), de révolutionner l'histoire du pays qu'il ne reconnait pas pour sa patrie. Usurpateur, il l'est enfin – et c'est là le plus grave – parce que, se croyant être le sauveur et le rédempteur inspiré de la Tunisie (la sauver de quel danger précisément ?), il s'avère être, dans les faits, un fauteur de trouble et un agent de sédition. La dernière prestation en date – la plus rocambolesque de toutes – est celle d'historien en fonction de laquelle il s'autorise de rayer Bourguiba de l'histoire moderne de la Tunisie. La plus remarquable cependant est celle de politologue-sociologue-futurologue-visionnaire (en bloc ou en vrac, au choix) ; prestation extraordinaire, voire miraculeuse, en vertu de laquelle sa Sainteté vient d'annoncer, avec une précision quasi-mathématique, au peuple tunisien – en fait à lui-même – l'heureuse nouvelle selon laquelle ses chers fistons les salafistes prendront le pouvoir dans dix ou quinze ans ! Façon de dire que le peuple tunisien n'a pas d'autre alternative que de le subir, lui en personne (le moindre mal), ou de se résigner à subir le pire. A preuve, les accords secrets conclus avec les factions salafistes qu'il a honorées, à l'instar des adeptes de sa secte et de sa propre personne, du statut de révolutionnaires ! Cela veut dire, en clair, que sans lui et ses affidés à sa suite, sans les hordes de putschistes violents que sont les salafistes, la « révolution » tunisienne n'aurait pas eu lieu. Que les incrédules daignent reconsidérer la liste des martyrs, et ils y découvriront la preuve irréfutable : les nahdhaouis et les salafistes y occupent la place d'honneur ! N'oubliez pas surtout, ô Tunisiens, que la foule qui a pris d'assaut le ministère de l'intérieur, un certain 14 juillet 2011, était conduite par R. Gannouchi et Abou Iyadh en personnes ! Rappelez-vous, chers concitoyens, que le sang qui a maculé les pavés de la capitale, était le leur, mêlé à celui de leurs ouailles et de leurs adeptes les barbus de tous bords, lesquels – nationalisme oblige – étaient drapés de Kamis afghans ! Fossoyeur, R. Gannouchi l'est parce que, au nom d'une utopie fumeuse et irrationnelle, il se permet, à l'insu de tout un peuple, de compromettre les réalisations de la Tunisie moderne. Son argument – et il n'est pas le seul à l'avancer – est que la période antérieure à la « révolution » serait, dans sa totalité, l'œuvre de la hideuse dictature de Bourguiba et de Ben Ali et devrait être considérée, en toute logique « islamiste » – la seule qui vaille à ses yeux et aux yeux des siens – comme maudite, exactement comme la période qui a précédé l'avènement de l'Islam. En termes plus clairs, la période antérieure à la « révolution » serait l'équivalent exact de la jahiliyya et devrait être, pour cela, bannie à jamais. Rien d'étonnant alors que R. Gannouchi n'arrête pas de parler, depuis son retour de sa douillette retraite londonienne, de l'islamisation de la Tunisie, ou plus précisément du fath (conquête ou, plus précisément, reconquête), tâche bénie dont se sont chargés ses chers enfants d'Arabie saoudite et d'Afghanistan. Habité par une haine farouche, qu'il ne cherche plus à dissimuler, à l'égard du fondateur de la Tunisie moderne, feu H. Bourguiba, R. Gannouchi, à la faveur d'un hasard qui tient lieu, à ses yeux et à ceux de ses adeptes, de miracle, a mobilisé toute son énergie pour détruire – ou pervertir quand la démolition s'avère difficile ou carrément impossible – le patrimoine de Bourguiba. Sous l'emprise de sa tenace acrimonie (indigne d'un homme qui se dit droit et pieux), il pousse le cynisme et la lâcheté jusqu'à l'extrême limite de l'indécence, et cela en accablant un mort d'une panoplie d'accusations extravagantes. L'accusé n'étant plus là pour se défendre ou pour charger quelqu'un de sa défense, l'acte d'accusation risque d'être validée de manière irrémédiable, compte tenu du fait que le fossoyeur jouit de la complicité active – et combien précieuse ! – de deux leaders prétendument laïcs, en les personnes de Moncef Marzouki et de Mustapha Ben Jâ'far. C'est en effet avec l'assentiment de ces respectables militants et leur bénédiction que le démolisseur est en train de saccager, à coups de massue, la belle Tunisie de Bourguiba pour lui substituer sa Tunisie rébarbative et hideuse. Méprisant magistralement ses prétendus alliés, les deux composants d'une « troïka » purement théorique, il gère en maître incontesté, lui qui n'a aucune fonction officielle, les affaires – toutes les affaires – du pays. Se sachant – et se voulant contre tous – l'homme fort, ou plus précisément providentiel, du moment, il se permet, avec une arrogance sans pareille, de décliner l'invitation du président de la République à un entretien de concertation au sujet de l'échéance du 23 octobre. Sa sainteté, imbu de la morgue et de la fatuité d'un roi de droit divin – ce qu'il croit être en fait –, se prenant pour le Roisident (moitié roi, moitié président en attendant d'être proclamé Calife ou Messie) de la République (en voie de dissolution) de la Tunisie, il a décrété nulle et non avenue toute concertation, surtout si cette dernière se propose de mettre en doute la sacro-sainte légitimité électorale dont il se dit être investi (par Dieu et, à sa suite, par le peuple, c'est-à-dire par la communauté des croyants) indéfiniment. Dans sa tête survoltée de mage, élection équivaut à allégeance. Bien plus, l'élection – la sienne en particulier – est une consécration et, pour cela, elle est irrévocable. Dieu seul pourrait l'annuler. R. Gannouchi se croit – à tort ou à raison – le lieutenant de Dieu sur terre et se permet en vertu de cela de louer les croyants et de fustiger les mécréants. Ces derniers, qui se sont alliés aux suppôts du régime déchus, sont d'autant plus exécrables qu'ils se targuent d'être les défenseurs de la voie droite, la voie de salut d'un pays à la dérive. Cette voie consisterait, selon eux, dans la démocratie et rien de plus. Or, la démocratie ne figure nulle part dans la sainte chari'â et ne saurait, pour cela, apporter la solution adéquate aux grands maux occasionnés par la dictature laïque. Ce constat, certifié et paraphé par sa Sainteté infaillible, est désormais un credo pour la défense duquel ses adeptes, dont ses chers enfants, n'hésitent pas à recourir au meurtre ! Pardon au jihad ! En dehors du projet de dictature théocratique qu'il est en train de concocter, dans le secret, avec les siens, enfants et adeptes compris, R. Gannouchi n'a rien à proposer à la Tunisie. L'islamisme qu'il prône, et qu'il vend très mal, a tout mis sens dessus dessous en quelques mois, donnant ainsi la preuve de ses carences et, encore plus, de ses limites. Il aurait démontré surtout – et avec quelle éloquence ! – qu'il est loin d'être une idéologie de gestion démocratique, si modéré soit-il. Rien d'étonnant alors que le sang ait coulé dernièrement à Tataouine. Ce sont en effet les enfants et les fous de R. Gannouchi, semble-t-il, qui ont été à l'origine de ce drame. Cet incident est-il le signe avant-coureur d'une guerre civile que R. Gannouchi a directement suscitée en mettant en avant sa fameuse doctrine du Tadafou' (التدافع الاجتماعي) ? Il ne nous revient pas à nous de lui demander des comptes. Mais il ne serait pas inutile, à notre avis, que l'auteur de cette redoutable doctrine soit convoqué par un juge d'instruction pour répondre à la question même qu'un autre juge d'instruction, chargé d'instruire l'affaire d'Al-‘ibdilliya, a posé aux artistes incriminés : Dans quelle intention avez-vous produit cette œuvre ? Dans le cas de R. Gannouchi, le juge dispose d'une multitude d'indices, dont en particulier les vidéos fuitées, dans lesquelles sa Sainteté s'explique, en long et en large, sur ses futurs projets. Des projets qui engagent la Tunisie et les Tunisiens. Il va sans dire que le fossoyeur ne s'est pas donné la peine de demander leur avis à ceux et à celles qu'il s'est permis de confisquer le présent et l'avenir !