Depuis la participation du leader du front Polisario, Brahim Ghali, à la Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique (Ticad 8), ayant eu lieu les 27 et 28 août 2022 à Tunis, plusieurs médias marocains ont décidé de s'en prendre à la présidence de la République et au peuple tunisien. Les photos de l'accueil officiel réservé à Brahim Ghali à l'aéroport Tunis-Carthage par le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, ont, dans un premier lieu, suscité la colère de la diplomatie marocaine. Le Royaume a décidé, dans l'immédiat, de boycotter le sommet. Un communiqué marocain publié à la date du 26 août 2022 accuse la Tunisie d'hostilité envers le royaume et a adopté un discours basé sur les accusations d'atteinte à l'intégrité du Maroc.
Ayant agressivement exprimé son point de vue, la diplomatie marocaine a ouvert la porte à des centaines de médias marocains, et même d'autres pays étrangers, pour multiplier les agressions et les atteintes à la République tunisienne dans un premier temps, et à son peuple par la suite. Ainsi, un article affirmant l'opposition des Japonais à la participation du front Polisario à la Ticad 8 avait été publié par le média israélien "i24". La première phrase du texte publié est la suivante : « Le Japon et plusieurs pays africains ont exprimé leur rejet et leur condamnation de la participation du front Polisario à la huitième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Ticad 8) ». Or, la suite du texte ne concorde pas avec cette affirmation. Les Japonais avaient expliqué que la participation d'une entité non reconnue par le pays comme étant un Etat indépendant aux réunions liées à la Ticad 8, y compris la réunion des hauts fonctionnaires et la réunion au sommet, n'affectait pas la position du Japon concernant le statut de cette entité. Il s'agit tout simplement d'une affirmation de non-modification de la position politique et diplomatique du Japon quant à la reconnaissance du front Polisario. Le même article a affirmé que le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo s'était retiré et avait quitté le sommet en raison de la participation du front Polisario. Cette information a rapidement été démentie puisque la délégation de ce pays a participé à l'ensemble des travaux de la Ticad et que son président était présent durant la cérémonie officielle. D'autres engagements l'avaient poussé à quitter la Tunisie avant la clôture de la conférence. Bien évidemment, les médias marocains ont participé à cette triste mise en scène. Ils se sont contentés de relayer les fausses informations mettant en doute la réussite de la Ticad 8 telles que les affirmations de l'opposition de Umaro Sissoco Embalo à la participation du front Polisario. Loin de nous l'idée de rêver d'un démenti à ce sujet, nous nous attendions à une petite rectification digne de n'importe quelle institution médiatique qui se respecte. Hélas, ceci n'a pas eu lieu !
Les médias marocains ne s'étaient pas arrêtés à ces simples affirmations. Ils sont même devenus les initiateurs de ces campagnes de harcèlement et d'atteinte à la Tunisie. Ils ont entamé un week-end d'insultes et d'attaques visant le chef de l'Etat, Kaïs Saïed. Ils l'ont, tour à tour, accusé d'amateurisme politique et d'incapacité à gouverner le pays. Ils se sont, même, octroyé le droit de le traiter de pantin et homme de pays du pouvoir algérien en place et du président algérien Abdelmajid Tebboune. Plusieurs caricatures ont été publiées reprenant cette idée et insultant ouvertement l'une des institutions de la République tunisienne. Ils se sont, petit à petit, permis plusieurs écarts et ont publié et relayé des articles en opposition totale avec l'éthique journalistique. Une grande partie de ces articles était dépourvue de sources officielles et ne faisait qu'affirmer sans fondement de fausses informations ou des rumeurs relatives à la position de certains leaders africains par rapport à la présence du front Polisario. Ces derniers auraient, eux aussi, critiqué l'attitude de Kaïs Saïed et auraient remis en doute son leadership et son bon sens.
S'enfonçant dans le ridicule, les médias marocains ont essayé de transformer la participation du front Polisario en une véritable trahison tunisienne. Ils ont multiplié les bulletins spéciaux rappelant l'octroi d'aides ou la collaboration tuniso-marocaine et ont affirmé que le Royaume du Maroc avait toujours considéré la Tunisie comme étant un pays ami. Un véritable discours de victimisation qui rapellerait presque celui de leur partenaire sioniste, assez doué en la matière ! les médias marocains semblent oublier que la Tunisie ne s'était jamais aventurée dans la critique de leur décision diplomatique. La République Tunisienne n'a pas réagi face à la normalisation avec l'entité sioniste. Celle-ci avait eu la lâcheté de bombarder des cibles civiles sur le territoire tunisien. Les médias marocains, s'étaient-ils interrogés sur l'image que reflétait leur pays en normalisant avec l'agresseur de la Tunisie ? De son côté, la Tunisie ne s'était pas mêlée, car il s'agissait d'un choix diplomatique marocain. Les médias tunisiens s'étaient contentés de respecter cette mesure. L'agressivité des Marocains ne s'était pas limitée à la réaction injustifiée des médias marocains. Même la scène sportive avait été mêlée à l'affaire. Une prise de position prévisible dans une pareille dictature. Tout le monde doit se soumettre, coûte que coûte à la volonté du Roi et contribuer activement dans l'effort national visant à toucher à l'image de la Tunisie. La fédération royale marocaine de Karaté a, à titre d'exemple, annoncé le boycott du championnat nord-africain en raison de sa tenue en Tunisie. Cet événement devait avoir lieu du 7 au 11 septembre 2022. Autre fait surprenant, le club omnisports de Meknès (CODM) avait annoncé qu'il ne participera pas au championnat arabe des clubs féminins. Ce dernier se déroulera à Nabeul, du 20 au 28 septembre 2022. Ces équipes ont choisi de priver les sportifs de pratiquer leur discipline préférée et pourquoi pas s'illustrer au niveau continental en raison de la simple présence de Brahim Ghali à la Ticad 8. Nous nous interrogeons sur l'absence d'une telle réaction suite à la participation de ce dernier à la Ticad 6 à Nairobi au Kenya ?
La polémique provoquée par les médias marocains suite à la participation de Brahim Ghali à la Ticad 8 ne peut être que considérée comme démesurée. Ils ont contribué à la complication de la situation et à l'aggravation des tensions régnant entre les deux pays. L'adoption d'un discours hostile par la diplomatie marocaine n'a fait qu'encourager ces derniers à multiplier les attaques visant la République tunisienne et ses institutions. En guise de réaction, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) avait critiqué l'attitude des médias marocains ayant lancé une campagne visant la Tunisie en raison de la participation du leader du Front Polisario, Brahim Ghali à la Ticad. Le SNJT a appelé les médias nationaux à traiter de manière responsable ces campagnes. Il a considéré que les médias devaient relayer les faits et les expliquer au destinataire avec objectivité et exactitude, en plus de défendre les intérêts vitaux du pays et sa souveraineté.