La Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples a appellé l'Etat tunisien à rétablir la démocratie constitutionnelle dans un délai de deux ans. Cette décision concerne un arrêt rendu aujourd'hui dans l'affaire Ibrahim Belghith contre la République tunisienne. Ibrahim Belghith, qui est avocat et ressortissant tunisien (le requérant), a saisi la Cour, le 21 octobre 2021, d'une requête introductive d'instance dirigée contre la République tunisienne (l'Etat défendeur) pour violation de leurs droits garantis aux articles 13(1), et 20(1) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et 1(1), 25(a) et 14 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP) et ce suite à la promulgation de décrets présidentiels numéros 117 69,80,109,137 et 138 de 2021. Il a demandé à la Cour de rendre une ordonnance de mesures provisoires obligeant l'Etat tunisien à mettre fin aux mesures exceptionnelles prises par le président de la République et à déclarer que l'Etat tunisien a violé ses droits en tant qu'être humain et le droit du peuple tunisien à gérer les affaires du pays et recourir à la justice. Le requérant a également demandé au tribunal d'obliger l'Etat tunisien à annuler un certain nombre de décrets présidentiels.
Dans son jugement paru aujourd'hui, la Cour ordonne à l'Etat défendeur d'abroger les décrets présidentiels n° 117 du 22 septembre 2021, et les décrets y visés n°69, 80, 109 du 26, 29 juillet et 24 août 2021 et les décrets n°137 et 138 du 11 octobre 2021 et de rétablir la démocratie constitutionnelle dans un délai de deux ans à titre de mesure de restitution. La Cour réitère également que le fait de n'avoir pas mis en place la Cour constitutionnelle crée un vide juridique important et ordonne à l'Etat défendeur de mettre en place la Cour constitutionnelle comme organe judiciaire d'équilibre des institutions de l'Etat défendeur et la levée de tous les obstacles juridiques et politiques qui entravent cet objectif, dans un délai de deux ans. La Cour ordonne à l'Etat défendeur de faire rapport à la Cour dans un délai de six mois sur la mise en œuvre des mesures ordonnées et par la suite, tous les six mois jusqu'à ce que la Cour considère toutes ses décisions entièrement exécutées. La Cour rappelle également sa jurisprudence constante selon laquelle la violation d'un quelconque des droits énoncés dans la Charte entraîne une violation de l'article 1 de la Charte. Toutefois, comme il a été établi dans l'arrêt, l'Etat défendeur n'a pas rendu opérationnelle sa Cour constitutionnelle pour donner effet au droit des citoyens à ce que leur cause soit entendue en leur permettant de contester la constitutionnalité des décrets présidentiels, qui ont violé leur droit de participer à la direction des affaires publiques de leur pays directement et par l'intermédiaire de leurs représentants librement choisis. On rappellera que la Tunisie a signé, le 16 avril 2017, la déclaration permettant aux ONG et aux individus de saisir directement la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples.