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Le décret Présidentiel n°2021/117 relatif aux mesures exceptionnelles : Le droit est à l'épreuve !
Publié dans Leaders le 26 - 09 - 2021

1- Le 22 septembre 2021 semble aujourd'hui constituer un véritable tournant dans la récente histoire de la Tunisie. En effet et au moment où l'élite s'impatiente pour une feuille de route où le Président définit clairement les suites à donner aux mesures d'exception qu'il a proclamées en date du 25 Juillet 2021 et confirmé par le décret Présidentiel n°/2021 du 24 août 2021, la Présidence de la République a rendu public le 22 septembre 2021 un communiqué portant définition des nouvelles mesures présidentielles. Un décret Présidentiel n'a pas tardé à être publié au JORT. C'est le décret Présidentiel n°2021/117 relatif aux mesures exceptionnelles.
2- Le texte tant attendu a très vite interpelé l'élite tunisienne en général et les juristes en particulier. Des réactions diverses ont été alors soulignées. D'aucuns ont approuvé le texte arguant à nouveau d'une légitimité du contexte qui serait en mesure de passer outre la légalité du texte. Pour une autre partie de la doctrine, le texte serait très critiquable. Et quoi qu'il en soit du contexte, le décret Présidentiel tiendrait d'un texte fort critiquable.
3- Le texte invite effectivement à la réflexion, interpelle le juriste à plus d'un égard et suscite des réserves de taille. L'on se propose d'en faire la lecture qui se veut objective car fondée sur des arguments exclusivement juridiques. La forme(I) viendra s'ajouter au fond(II) pour contribuer à une double lecture analytique et critique du texte.
I- La forme du décret Présidentiel n°2021/117: Une forme dérogatoire voire sui-generis !
4- A bien vouloir observer le texte, on est en mesure d'y souligner une introduction qui rompt avec le traditionnel en matière de logistique juridique. En effet, devant se ramener au classique dans la conception des textes juridiques, le Président de la République s'est conformé au souci de la motivation légale du décret Présidentiel n°2021/117 au niveau de son introduction. Aussi y lit –une double référence à des textes de loi et à des considérants qui seraient pensés et conçus par le Président lui –même. L'une et l'autre de cette double référence invitent à la réflexion. En la forme, il ya emploi du terme « vu » quand la base est légale et du terme « considérant « » lorsque la base s'en tient à une simple lecture ou interprétation des textes. Au total, on compte quatre « vu » et six considérants.
5- S'agissant de la première référence, il y est renvoi à la constitution et aux trois décrets Présidentiels ayant réglementé l'Etat d'exception. On y lit :
Vu la constitution, notamment son article 80.
Vu le décret Présidentiel n°2021/69 du 26 juillet portant cessation des fonctions du chef du Gouvernement et des membres du gouvernement.
Vu le décret Présidentiel n°2021/80 du 29 juillet 2021 relatif à la suspension des compétences de l'Assemblée des représentants du peuple.
Vu le décret Présidentiel n°2021/109 du 24 août 2021 relatif à la prorogation des mesures exceptionnelles relatives à la suspension des compétences de l'Assemblée des représentants du peuple.
6- Et s'agissant de la deuxième référence, il y est conception de plusieurs considérants ainsi formulés :
Considérant que la constitution dispose que le peuple est le titulaire de la souveraineté tel que prévu par son préambule et mentionné dans son article 3.
Considérant que, si le peuple n'étant pas en mesure d'exprimer sa volonté et d'exercer sa souveraineté en vertu des dispositions constitutionnelles en vigueur, la souveraineté prévaut sur les dispositions relatives à son exercice.
Considérant que le peuple tunisien a exprimé à plusieurs reprises son rejet des mécanismes relatifs à l'exercice de la souveraineté.
Considérant que le fonctionnement des pouvoirs publics a été entravé, et que le péril est devenu non pas imminent, mais réel, notamment au sein de l'Assemblée des représentants du peuple.
Considérant que le principe est que la souveraineté appartient au peuple, et que si le principe s'oppose aux procédures relatives à son application, la prééminence du principe sur les formes et les procédures s'impose ».
7- Ainsi structurée, l'introduction au texte se présente alors comme une jonction entre des références légales et des interprétations juridiques. En fait, le Président de la République après avoir annoncé que la constitution et notamment son article 80 comme base du décret n°2021/117, avance vers une interprétation de ces dispositions pour conclure à l'idée selon laquelle seule la volonté du peuple doit prévaloir.
8- Mis à part le contenu des références susvisées, cette jonction entre des bases légales et des interprétations juridiques personnelles s'oppose à la technique de la rédaction des textes juridiques. En fait, la motivation d'un texte juridique renvoie toujours à d'autres textes et, selon les cas à des avis d'instances ou juridictions constitutionnelle, administrative ou autres qui lui sont antérieurs et qui présentent un lien fondamental avec le nouveau texte. La motivation prend en revanche la forme d'un préambule lorsque le texte tient d'une constitution ou d'une convention internationale. Le préambule d'ordre doctrinal le plus souvent est synonyme de principes et valeurs communément admises sur le plan national et parfois international tels les principes du droit humanitaire. Le préambule est dans ce cas est la traduction de la volonté des représentants du peuple lorsqu'il s'agit d'une convention internationale ou des constituants dans le cas de la constitution. Une structure juridique du genre jonction entre des bases légales et des interprétations personnelles romprait donc avec le traditionnel en matière de rédaction juridique.
9- On conçoit très mal le renvoi à de simples lectures de textes d'autant plus que la lecture est toujours marquée par un caractère subjectif en mesure d'être discuté et peu partagé. Cette critique est d'autant plus justifiée que baser le texte sur des lectures subjectives est de nature à s'opposer au renvoi à la constitution qui n'est autre que l'émanation de la volonté du peuple.
10- Les considérants synonymes de lectures personnelles du Président de la République dénotent en réalité de la volonté du Président d'expliquer en vue de mieux convaincre. Mais ce souci fondamental d'une meilleure expression heurterait et de front aussi bien la logique que la technique de la rédaction des textes de lois quels que soient leurs natures. Le texte doit se suffire à lui-même et ne peut en aucun cas comporter la marque de son insuffisance à s'appliquer en dehors de toute manœuvre explicative paradoxalement personnelle.
11- Ces considérants feraient aussi figure de préambule. Le président de la République, convaincu de l'invalidité, du moins partielle de la constitution en vigueur(1), aurait vu dans le décret présidentiel n°2021/117 un véritable palliatif. Et c'est dans cette perspective de texte qu'il aurait songé à un préambule ! Mais, un préambule n'est-il pas le propre des constitutions et des conventions internationales ? Ne serait-il pas étrange à un texte de loi et a fortiori à un décret présidentiel ? Quoiqu'il en soit, les considérants ci-hauts rappelés ne peuvent pas couler dans le moule juridique du préambule pour des raisons particulièrement liées à leur substance.
II- Le fond du décret Présidentiel n°2021/117
12- Composé de deux parties : Une introduction servant de base au décret et de 23 dispositions.
L'introduction suscitant des réserves sur sa forme ne l'est pas moins quant à sa substance. Les dispositions de 1 jusqu'à interpellent à plus d'un égard.
A) L'introduction : Des références, un préambule ou un texte sui-generis?
13-Composé de deux catégories de considérants, le préalable au dispositif légal du décret Présidentiel n°2021 /117 reflète l'a-t-on déjà souligné le souci du Président de la République d'une meilleure lisibilité. La dualité des composantes tiendrait cependant d'un véritable frein quant à une qualification juridique de cette partie du texte. Les références se justifieraient si l'introduction ne contenait pas les considérants portant propre lectures du président de la République. Le préambule aurait-lui aussi forcé la conviction si le texte promulgué tenait d'une constitution ou d'une convention internationale votée en temps ordinaire. Il ne s'agirait ni de l'un ni de l'autre de ces deux textes. Ce serait un préalable sui-generis qui reste, malgré l'intention de son auteur visant à en faire la base légale du décret présidentiel, loin de couler dans l'un et l'autre des moules juridiques.
B) Le dispositif du décret Présidentiel: Où en est –on de l'Etat d'exception?
14- Composé de vingt-trois dispositions, le décret présidentiel devrait naturellement répondre aussi bien de la logique que des textes de l'Etat d'exception proclamé le 25 Juillet 2021, décrété le 29 juillet 2021 et prorogé le 24 août 2021.L'article 80 de la constitution tunisienne, sous-jacent à tous ces textes, devrait donc être observé par le décret présidentiel du 22 septembre 2021 qui en fait d'ailleurs la principale référence. En serait-il ainsi ?15-Une réponse négative semble s'imposer. Le décret présidentiel n°2021/17 s'écarte de la logique d'exception liée à l'article 80 de la constitution(a) et semble se rattacher à un texte de fond qui investit le président de la République de larges pouvoirs(b) sans pour autant en définir les limites chronologiques(c).
a) Le décret présidentiel s'écarte de la logique d'exception liée à l'article 80 de la constitution
15- Aux termes de l'article 80 de la constitution : « En cas de péril imminent menaçant l'intégrité nationale, la sécurité ou l'indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures qu'impose l'Etat d'exception…Il annonce ces mesures dans un message au peuple.
Ces mesures doivent avoir pour objectif de garantir, dans les plus brefs délais, le retour au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. ».
16- formulées, les mesures exceptionnelles au sens de l'article 80 visent à un retour à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics dans les plus brefs délais. Ce ne serait pas le cas dans les dispositions du décret présidentiel du 22 septembre 2021qui investit le Président de la république du pouvoir d'élaborer les projets de révision relatives aux réformes politiques avec l'assistance d'une commission qui sera mise en place par un décret présidentiel dont l'organisation est fixée par décret Présidentiel. L'article 22 du décret Présidentiel n°2021/117 ne pré voit-il pas que « Le Président de la République élabore les projets de révisions relatives aux réformes politiques avec l'assistance d'une commission dont l'organisation est fixée par décret Présidentiel »
17- va sans dire que les projets de révision relative aux réformes politiques ne peuvent se faire dans les meilleurs délais. Affirmer le contraire serait venir à l'encontre aussi bien de l'usage que de la logique même des réformes ! Que dire lorsqu'il s'agit de réformes politiques de base telles celles que définit le décret n°2021/117 qui «doivent, aux termes de l'article 22 dudit décret, avoir pour objet l'établissement d'un véritable régime démocratique dans lequel le peuple est effectivement le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs qui les exerce à travers des représentants élus ou par voie de référendum»? La réforme suppose la réflexion, la concertation, la lecture et la comparaison ! Ces tâches synonymes de réformes de fond s'étendant dans le temps et échappent à la prévision chronologique sauf fixation par le texte d'un deadline chose que le décret présidentiel ne prévoit pas.
b) Le décret Présidentiel passe outre les limites chronologiques
18-Tout en investissant le président de la République de larges pouvoirs, le décret n°2021/117 observe le silence quant à son domaine chronologique. Plusieurs manifestations de ce silence peuvent être soulignées. La plus significative est celle prise du défaut de définition d'un deadline pour la finalisation des projets de réformes politiques ainsi que celui de leur soumission aux referendums au sens de l'article 22 du décret présidentiel n°2021/117. Il en est également du défaut de définition des délais de mise en place de la commission en charge de collaborer avec le Président de la République en vue de mettre en place les réformes politiques au sens de l'article 22 du décret présidentiel susvisé.
19- Ainsi soulignées, ces lacunes du texte viendraient jeter un sérieux doute sur sa nature exceptionnelle. Les exceptions devant toujours être limitées dans le temps et dans l'espace(2). L'Etat d'exception supposé tenir d'une exception risque d'être érigé au rang d'une règle. La volonté confirmée du Président de la République de préserver les droits et les libertés, risque alors d'être contredite si bien que l'Etat d'exception tant qu'il perdure, justifiera les mesures exceptionnelles telle l'assignation à domicile(3) qui s'analyse comme une limité à la liberté fondamentale de circuler.
20- La phase est critique ! Le temps devrait être scrupuleusement compté si l'on voulait franchir le camp et atteindre les objectifs escomptés tels que proclamés par le Président de la République dans son discours historique du 25 Juillet 2021.
Najet Brahmi Zouaoui
Professeure à la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis.
Avocate près la Cour de Cassation.
Secrétaire générale de l'Alliance internationale des femmes avocates auprès de Genève.
1) L'article 23 du décret présidentiel prévoit que « Le préambule de la constitution, ses premiers et deuxièmes chapitres et toutes les dispositions constitutionnelles qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent décret Présidentiel, continuent à s'appliquer ».
2) Article 540 du code des obligations et des contrats.
3) Sur lune lecture juridique de l'assignation à domicile, voir notre article Najet Brahmi Zouaoui, De l'Etat d'exception vers une justice d'exception, Le premier bilan : Du 25 juillet 2021 au 25 août 2021 », Leaders du 27 août 2021.


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