En Tunisie, on se bouscule désormais pour acheter son pain, encore faut-il en trouver. Les Tunisiens font la queue devant les boulangeries, en ressortent souvent les mains vides, ou les poches, ayant été obligés d'acheter du pain « spécial » et donc plus cher. La pénurie s'installe dans toutes les régions, certaines plus que d'autres. Le groupement professionnel des boulangeries modernes relevant de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) a dénoncé une pénurie de matières premières. En cause, une pénurie de blé dur qui provoque le manque de semoule ingrédient essentiel à la fabrication du pain dans les boulangeries et chez les particuliers vendeurs de pain « tabouna », son alternative principale. Le président de la République, Kaïs Saïed, fidèle à la théorie du complot, dénonce des tentatives visant à semer le trouble dans le pays par la provocation de crises et de pénuries. Dans les faits, et de l'aveu de la ministre du Commerce, Kalthoum Ben Rejeb, elle-même, le pays connait une perturbation enregistrée dans la disponibilité du blé dur. On attribue ces perturbations à l'incapacité de l'Etat à financer ses besoins en blé dur, le blé tendre étant financé par la Banque européenne d'investissement et la Banque africaine de développement. Le membre du bureau exécutif de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), Anis Kharbeche a souligné, jeudi 25 mai 2023, que la Tunisie serait dans l'obligation d'importer 100% de ses besoins en blé dur, de blé tendre et d'orge, pour cette année, précisant que la production nationale ne suffit qu'à combler 10% des besoins et ne couvre que les besoins de trente jours sur l'ensemble de l'année en cas de bonne récolte. Il a expliqué, par ailleurs, que le phénomène de monopole n'affecte la crise actuelle qu'à un taux de 15 à 20%.
Entre temps, acheter du pain, comme du sucre et comme du café est devenu un chemin de croix pour les Tunisiens. On doit souvent chercher à différents endroits avant d'espérer en avoir dans son couffin. Si le problème touche les particuliers, il a aussi un impact certain sur les professionnels, les restaurateurs, qui peinent à acquérir un produit indispensable à leur commerce. Les fast-food qui proposent essentiellement des sandwichs sont malmenés par une énième pénurie qui menace leur activité. Il plane sur le pays comme un air de résignation néanmoins. Comme si les Tunisiens, fatigués ou habitués, ont désormais acquis le réflexe de chercher, de faire la queue et de manquer de l'essentiel. L'état des finances publiques, le prêt du FMI qui tarde à venir, la faible production locale, tout cela présage d'une crise qui va s'installer dans la durée, au moins pour les mois à venir.