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Tunisie: Sauvons notre pain
Publié dans Leaders le 25 - 02 - 2020

L'hiver est presque terminé et la pluie tarde à venir. La Tunisie connait un déficit hydrique important. Aucune goutte de pluie, ou très peu, n'est tombée au cours des mois de Janvier et Février alors que les plantes en ont besoin pour pousser et se développer. Déjà tout le Centre Ouest est touché. Le Kef, Siliana, Kasserine, Zaghouan, Gafsa et Sidi Bouzid se plaignent du manque de pluie. Béja connait également un déficit pluviométrique important et les plantes commencent à souffrir du manque d'eau. Avec la sécheresse, la récolte en céréales sera cette année sans doute très modeste. Pour faire face à la demande croissante en produits alimentaires, l'Etat devra importer essentiellement des céréales.
La Tunisie grande importatrice des céréales
Les céréales constituent la base de l'alimentation du Tunisien. Elles représentent 50% des apports énergétiques et protéiques. Avec l'huile d'olive, les céréales constituent une composante majeure de la diète méditerranéenne dont les bienfaits sur la santé sont devenus indiscutables. La diète méditerranéenne est basée sur les céréales, légumineuses, fruits, légumes et huile d'olive. Les produits d'origine animale sont consommés selon disponibilités en des quantités limitées. Le Tunisien consomme environ 175 kg de céréales/an répartis en 65 kg de blé dur (semoule, pâtes et couscous), 85 kg de blé tendre (farine et pain) et 25 kg d'orge et autres céréales. L'Office des céréales importe chaque année 95 et 60% de nos besoins respectivement en blé tendre et en blé dur. Selon les données de l'INS, la moyenne de nos importations de céréales de 2013 à 2017 est de 11,430 millions de quintaux de blé tendre et 7,120 millions de quintaux de blé dur. Pour cette année, les importations en devises seront certainement plus importantes ce qui va augmenter le déficit de notre balance commerciale. Le blé tendre est essentiellement destiné à la fabrication du pain.
Les céréales constituent la base de l'alimentation de nos concitoyens. Elles représentent une filière stratégique pour le pays. Ceci explique la raison pour laquelle cette filière est essentiellement détenue par le monopole de l'Etat, représenté par l'Office des céréales, depuis les semences jusqu'au pain et produits dérivés des céréales en passant par les marges bénéficiaires des différents intervenants et les prix de vente au consommateur…
Le Tunisien, champion de la consommation du pain
Il est admis que le Tunisien consomme entre 55 et 70 kg de pain par an. Les boulangers fabriquent durant toute l'année 7 millions d'unités par jour (moitié en grand pains et moitié en baguettes) ce qui nécessite 6 millions de quintaux de farine/an. Le Tunisien est classé parmi les plus gros consommateurs de pain. Depuis très longtemps, le pain est considéré pour le Tunisien comme un aliment essentiel. Même si la consommation individuelle stagne ou augmente peu, le pain demeure la base de tous nos repas. Il est difficile d'imaginer se mettre à table sans un panier bien garni de pain même si on mange du couscous ou des pâtes.
Des boulangeries et du pain subventionné
Normalement la farine est vendue aux boulangers à des prix subventionnés afin de maintenir le pain à des prix abordables pour les classes populaires, s'agissant d'un produit stratégique et indispensable au quotidien. La compensation sur le pain représente 424 millions de dinars sur un total de 1 288 millions de dinars réservés par la Caisse Générale de Compensation à la subvention des produits alimentaires (soit 112 D/personne/an, ITES) comme le pain, l'huile, lait, sucre, café… On distingue deux types de boulangeries :
• les boulangeries qui s'approvisionnent en farine subventionnée et dont le nombre de boulangeries en activité est estimé à 2700. Elles sont divisées à leur tour en deux. Les boulangeries de type « A », au nombre de1100, qui fabriquent et commercialisent le gros pain de 400g vendu à 0,240 D (contre un prix de revient de 0,500 D). Ces boulangeries sont approvisionnées en farine subventionnée au prix de 6 D le quintal et les boulangeries de type « C » (environ 600 boulangeries). Ces dernières sont spécialisées dans le petit pain ou baguette qui pèse 220g et vendu à 0,190 D alors que le prix de revient est de 0,315 D. Les boulangeries « C » sont approvisionnés en farine subventionnée au prix de 21,600D le quintal.
• les pâtisseries qui fabriquent et vendent également du pain. Ces boulangeries dites « modernes » sont environ au nombre de 2200. Elles sont appelées également par le Syndicat National des Boulangeries (UTICA) « boulangeries anarchiques » puisqu'elles ne disposant ni de carte professionnelle ni d'autorisation d'une boulangerie classique. Ces boulangeries-pâtisseries sont apparues surtout après la révolution et sont de plus en plus nombreuses même dans les quartiers populaires. Elles achètent la farine à plein tarif (51,000 D/100 kg) et vendent de la baguette ainsi que d'autres pains de composition et de formes très variées (pain complet, sans sel, pain de seigle, aux olives, graines de sésame, raisins secs...) à des prix divers. Compte tenu que la farine n'est pas subventionnée alors que le prix de vente de la baguette est le même que celui des boulangeries de la catégorie « C » (0,190D), le poids de la baguette normale vendue par ces pâtisseries n'est que de 150g seulement.
Il y a une cinquantaine d'années, le gros pain pesait 1 kg, et le petit 0,5 kg. Depuis le pain a perdu du poids d'une façon régulière et progressive sans que parfois le consommateur s'en aperçoive. De nos jours le consommateur n'a plus aucune idée du poids d'un pain et ne fait pas la différence entre la baguette subventionnées des boulangeries « C » d'un poids de 220g et celle des pâtisseries-boulangeries non subventionnées pesant 150g seulement.
Du pain dans les poubelles
Le prix relativement faible, associé à une qualité plutôt médiocre ont favorisé le gaspillage du pain. Le consommateur a tendance à en acheter plus que son besoin et préfère le pain frais tout juste sorti du four. Les restes sont jetés à la poubelle (généralement placés dans un sac en plastique pour être facilement récupérés). Durant le mois de Ramadan, mois de la surconsommation, avec la faim due au jeune et la très grande variété de pains offerts au consommateur partout même dans la rue et son odeur agréable, le consommateur à tendance à en acheter encore d'avantage. Les ventes du pain augmentent durant ce mois au moins de 50%. Une grande partie de ce pain, ainsi que des restes des repas, se retrouve dans les poubelles. Ce pain fait l'objet d'un commerce parallèle et c'est toute une filière de recyclage qui s'est organisée autour du pain rassis. Les « berbachas» ramassent le pain des poubelles, le vendent à des collecteurs qui le revendent à leur tour à des grossistes (qui récupèrent également les invendus de pain retourné aux boulangers estimé entre 50 et 100 pains/boulangerie/jour). Ces derniers vendent le pain à des éleveurs qui l'utilisent pour engraisser surtout les moutons de l'Aïd. On a vu même des camions pleins de sacs de pain passer la frontière pour des pays voisins.
L'Institut National de la Consommation a estimé en 2016 que les tunisiens jettent environ 900 000 pains par jour sur 7 millions de pains produits (soit 13% environ). Ce pain gaspillé représente 100 millions de dinars de pertes/an. C'est une perte importante pour la collectivité puisqu'il est d'une part fabriqué à partir du blé tendre, dont la plus grande partie est importée par des devises, et d'autre part du fait que la farine utilisée est subventionnée. Il faut signaler néanmoins qu'il représente une source de revenu pour une certaine population démunie toutefois ceci reste très secondaire et ne doit nullement encourager à ce gaspillage du pain.
Un secteur à réorganiser
Suite à l'importance du secteur du pain, une attention particulière doit lui être portée. Avec la participation de toutes les parties prenantes (Ministères et responsables locaux, syndicats, organisations civiles de consommateurs et autres…) il faut réorganiser et restructurer le secteur de la boulangerie et réviser les textes qui le régissent. Il faut mettre de l'ordre dans cette jungle de boulangeries (certaines officielles qui reçoivent de la farine subventionnée, d'autres officielles mais ne reçoivent pas de subventions, des boulangeries informelles ou anarchiques, les boutiques qui fabriquent et vendent du pain tabouna et chapati, les vendeurs ambulants de pain…). Pour plus de transparence, il faut revoir la réglementation en ce qui concerne le poids du pain, les prix et également les aspects sanitaires (de fabrication, transport et manipulation du pain) qui laissent souvent à désirer. Il faut contrôler et ne pas hésiter à sanctionner sévèrement les contrevenants s'agissant d'un secteur stratégique et sensible. Il est urgent de résoudre le problème de la subvention de la farine (dans le cadre d'une révision globale du système de compensation pour l'orienter exclusivement à ceux qui la méritent). Revoir également le montant des subventions accordées aux boulangeries en tenant compte de l'augmentation des prix intrants (énergie, main d'œuvre, électricité, eau…).
Les textes doivent être actualisés pour tenir compte de la nouvelle tendance des usines de fabrication du pain congelé avec des terminaux de cuisson un peu partout. Les conditions de fabrication de transport de ces produits congelés, de la cuisson… doivent être réglementées.
Il faut interdire la vente du pain chez les épiciers. Ce pain peut être contaminé suite aux diverses manipulations, depuis la sortie du four en passant par l'épicier, qui manipule œufs, conserves, fromage et un peu de tout, jusqu'au consommateur, le tout dans des conditions sanitaires peu convenables. Imposer également l'emballage papier à la place du sachet en plastique utilisé actuellement.
Une qualité à améliorer
La composition du pain est à revoir surtout qu'il semble qu'il est trop riche en sel ce qui cause de nombreux problèmes de santé. De nombreux médecins et nutritionnistes recommandent de réduire le taux de sel dans le pain.
Le pain fabriqué souffre de nombreux défauts. Il est bon tant qu'il est chaud, froid il se conserve très mal et devient immangeable. Plusieurs raisons expliquent ce fait : mauvaise qualité de la farine, absence de technicité des boulangers, procédés de fabrication mal maitrisés… Il est nécessaire de faire un effort pour la fabrication d'un pain de qualité pour le bonheur du consommateur et également pour une réduction du gaspillage. Il est étonnant de constater qu'il n'y a presque aucun centre de formation professionnelle dédié à la boulangerie pour la fabrication d'une denrée aussi importante que le pain. Le nombre de centres de formation dans le secteur de la pâtisserie et la cuisine, à la fois dans le secteur public que privé, est cependant très important. Les aspects de la qualité du pain et la technologie de fabrication en rapport avec la qualité de la farine doivent faire l'objet de recherche. Pourquoi ne pas créer un Centre National du pain et de la Boulangerie qui s'occupe de tous les aspects allant de la recherche, la formation, la vulgarisation au développement et promotion de ce secteur.
Conclusion
Avec la sécheresse et dans un contexte de réchauffement climatique, la Tunisie va probablement connaitre un déficit hydrique de plus en plus important. Le manque de pluie va pénaliser les productions agricoles et d'une façon particulière les céréales. Suite à la croissance démographique (la Tunisie comptera 13,5 millions d'habitants en 2030), les besoins vont augmenter et le déficit en céréales va se creuser encore. La Tunisie importera de plus en plus de blé dans les années à venir. Face à une disponibilité de plus en plus réduite des céréales sur le marché mondial et le prix de plus en plus élevé, cette importation devient problématique. C'est une question de sécurité alimentaire et un grave problème de sortie de devises et d'équilibre budgétaire. Il est nécessaire d'améliorer la productivité de la culture des céréales en Tunisie par la sélection de variétés productives, adaptées et moins exigentes en eau et la maitrise et l'encadrement des petits agriculteurs.
Le pain est un élément important de notre vie. Il fait partie de notre culture, de nos traditions. Il est et restera la base de notre alimentation quotidienne. Réorganiser, mettre à niveau et moderniser la filière du pain est nécessaire. Beaucoup d'efforts restent à faire en matière de qualité du pain aussi bien technologique que sanitaire. Tous les intervenants de la filière doivent s'y mettre.
Les produits des céréales (pain, pâtes, couscous, semoule et farine) sont subventionnés par l'Etat. Cette subvention pèse lourd sur le budget de l'Etat et collectivité. Elle représente 1200 millions de dinars pour 2018 sur un total du budget de la Caisse Générale de Compensation de 1590 (ITES). Une grande partie de cette compensation va à la subvention de la farine destinée à la fabrication du pain (grand pain et baguette) soit environ 424 millions de dinars dont 300 millions pour le grand pain. Il faut revoir le système de subvention et l'assainir pour réduire cette compensation et l'orienter vers les gens qui le méritent vraiment.
Afin de préserver nos récoltes assez modestes, il faut lutter contre les pertes et le gaspillage des céréales durant le stockage (soit au niveau de l'agriculteur soit au niveau des centres de collecte par les insectes, rongeurs et orages), le transport et la trituration du blé au niveau des minoteries (équipements vétustes et parfois inadaptés). Il est également indispensable de combattre le gaspillage du pain, et des aliments d'une façon générale, qui coûte très cher au pays en devises et subventions.


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