La problématique du transport est très compliquée en Tunisie. Souvent, des citoyens se retrouvent rackettés par des applications e-taxi illégales et aux tarifications exorbitantes. Sans d'autres choix, ils font face à une hausse de la tarification souvent injustifiée.
La Tunisie n'a pas su développer un transport public qui répond à ses besoins. La situation a empiré après la révolution, les sociétés de transport étant incapables de faire face à leurs obligations tout en maintenant leurs investissements dans l'acquisition et le renouvellement de leur flotte, surtout que ces sociétés n'arrivaient pas à augmenter leurs tarifications et que le nombre de resquilleurs a exponentiellement augmenté, outre le retard dans la mise en exploitation de plusieurs projets d'envergure comme le réseau ferroviaire rapide (RFR). Résultat des courses, aujourd'hui, certaines lignes bénéficient de quelques dessertes alors que d'autres, ne sont pas desservies du tout. En septembre dernier, le syndicat avait indiqué que la Société des transports de Tunis (STT), communément appelée la Transtu, ne pourra pas assurer l'ensemble des dessertes à la rentrée et devra choisir entre le transport des élèves et étudiants, d'une part, et des citoyens, d'autre part. Quant à l'acquisition d'un véhicule particulier, elle est devenue carrément impossible pour toute une frange de Tunisiens, avec le rythme effréné des hausses des prix des véhicules, aggravée par une taxation accablante d'au moins 45% hors véhicules populaires (dont l'attente atteint pour certaines marques plusieurs années, ndlr). En cinq ans, les prix des véhicules ont plus que doublé, sachant que pour certains, la taxation va jusqu'à 320%. Le covoiturage, qui pourrait être considéré comme une excellente option, demeure illégal en Tunisie et aucun cadre légal n'a été mis en place jusque-là pour organiser ce genre de transport avantageux et qui a fait ses preuves dans pleins de pays.
Le taxi reste une solution de dernier recours pour beaucoup de Tunisiens qui se retrouvent obligés d'emprunter ce moyen de transport pour leurs besoins quotidiens. Le hic, c'est qu'en plus des tarifs des taxis qui ont nettement augmenté, les citoyens n'en trouvent plus, particulièrement durant les heures de pointe. Ils se retrouvent obligés d'attendre souvent plus d'une heure pour trouver un taxi libre. En contrepartie, et avec les applications e-taxi, il suffit de quelques minutes pour en trouver. Mais à quel prix ? Là est justement toute la question.
Ces applications ne rémunèrent pas un service à un taux fixe, mais leur algorithme se base sur la demande, sur le temps nécessaire pour faire le trajet (donc les embouteillages) et sur le kilométrage à faire. La tarification passe du simple au double dans le meilleur des cas (pas d'embouteillage) et peut passer à cinq ou six fois la tarification normale, comme lors de précipitations (Business News a testé l'une de ces applications et le prix a grimpé de trois dinars pour un taxi avec compteur à plus 18 dinars avec application).
Avant, certains citoyens trouvaient des excuses à ces hausses exorbitantes, car les chauffeurs de taxi étaient souvent lésés dans leur activité, leurs tarifications n'ayant pas été augmentées depuis plusieurs années malgré les diverses hausses des prix du carburant et des divers autres intrants. Or, et depuis décembre 2022, le ministère a décidé une augmentation des tarifications Les prix pratiqués par ces applications n'est donc plus justifié, devenant carrément un genre de racket du citoyen. D'ailleurs, les témoignages des citoyens se multiplient sur l'usage abusif de ces applications, qui se sont multipliées ces dernières années et qui proposent majoritairement des tarifs exorbitants. Plusieurs utilisateurs attestent que des chauffeurs de taxis, pourtant libres, répliquent souvent aux clients qu'ils sont pris ou qu'ils ne sont pas sur leur chemin alors que, via une application, c'est parfois le même chauffeur qui "redevient" libre et se présente au lieu de rendez-vous.
Les arnaques sont diverses et les conducteurs innovent : ainsi et selon plusieurs témoignages recueillis par Business News, les fraudes sont multiples et cela malgré les tarifs excessifs appliqués. Au menu, des chauffeurs qui facturent un temps d'attente inexistant ou qui facturent, à l'arrivée, un prix supérieur à celui affiché par l'application. Ces différences de prix dépassent parfois les cinq dinars !
D'autres n'hésitent pas à annuler la course, lorsqu'elle ne leur convient pas ou demandent aux clients de le faire pour ne pas être pénalisés par l'application. Et quelques-uns n'hésitent pas à embarquer d'autres clients allant vers la même destination, tout en recevant de chaque client le montant annoncé par l'application (les clients ne partagent pas le prix de la course, ndlr). Mieux, des rares chauffeurs profitent pour faire le plein ou carrément faire des courses en route.
Cerise sur le gâteau, parfois le chauffeur et le véhicule qui parvient au client est différent de celui annoncé par l'application, allant jusqu'à avoir un véhicule "ordinaire" alors que celui commandé est un taxi. Cela pose des problématiques de sécurité, ne sachant pas si le véhicule est conforme, s'il est assuré, etc., et au niveau du chauffeur, n'étant pas répertorié sur les bases de l'application ou du ministère du Transport.
Les utilisateurs dénoncent aussi les entourloupes des chauffeurs, qui n'hésitent pas faire des détours pour augmenter encore plus les prix des courses qui sont déjà très chères ! D'autres évoquent les réactions violentes et des insultes des chauffeurs lorsqu'ils sont rappelés à l'ordre. Dans des cas plus extrêmes, certains chauffeurs peu professionnels n'hésitent pas à maltraiter leurs clients malgré les prix consentis. Au menu, mauvais accueil, insultes et menaces et même agressions physiques. Par ailleurs, des cas d'agressions sexuelles et de harcèlement ont été dénoncés par des clientes après que des chauffeurs aient utilisé leurs numéros de téléphone pour les harceler une fois la course terminée. Des données personnelles supposées pourtant être protégées. Rappelons dans ce cadre qu'une plainte a été déposée contre l'entreprise représentant Bolt en Tunisie par l'Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP), et cela justement pour violation de la loi sur les données personnelles.
Il faut dire que ce genre d'applications n'est pas destiné aux taxis à l'étranger mais plutôt aux particuliers, comme Uber. L'objectif étant d'étoffer l'offre avec d'autres produits destinés aux divers usagers et aux divers portefeuilles. En Tunisie, les syndicats de taxis ont tout fait pour faire couler les applications qui ne faisaient pas appel aux taxis comme le service de taxi-scooters Intigo. Ainsi, le lancement d'Intigo avait créé une large polémique mais surtout sucité l'ire des chauffeurs de taxis qui n'ont pas hésité à agresser les chauffeurs de l'application et à vandaliser leurs véhicules, et cela malgré l'obtention de l'autorisation du ministère du Transport. Le pire c'est que le ministère du Transport reconnaît que les tarifs des taxis via les applications sont illégaux, mais n'a rien fait pour y remédier. Aucun plafond n'a été fixé, aucun taxi n'a été inquiété et aucune société fournissant ce genre de service n'a été rappelée à l'ordre. Les e-applications continuent à opérer en toute illégalité au vu et au su de tous. Dans les faits, rémunérer le service qu'un taxi se déplace jusqu'à l'endroit où le client se trouve est bien justifié mais ne devrait pas, dans le cas extrême, dépasser les trois à cinq dinars. Le problème est que la majorité des chauffeurs de taxi ne travaillent plus qu'à travers ces applications, pour gagner plus et toujours plus, les sociétés proposant le service ne prennent, en effet, que 15% de la course. Souvent, les Tunisiens, ne trouvant aucune autre alternative, se résignent à faire appel à ces applications, qui sévissent impunément.