Suite aux doléances répétées des clients de taxis empruntés aux abords des différents aéroports tunisiens, le ministère du Transport a réagi en mettant à leur disposition un numéro vert, à savoir le 1876, pour y enregistrer leurs plaintes et remarques. Une nouvelle accueillie avec beaucoup de satisfaction tant les usagers se retrouvent démunis face aux agissements illégaux de certains chauffeurs de taxis, qui se croyant bien au dessus des lois, imposent leur propre diktat et malmènent bien souvent leurs clients. Dans son communiqué rendu public avant hier, le ministère du Transport incite les usagers à dénoncer toute tentative d'escroquerie ou tout dépassement enregistré via le numéro vert mis à leur disposition ou encore en s'adressant directement au bureau des relations avec le citoyen ou encore aux services de communication du ministère. Outre cette initiative et dans le but de mieux gérer la situation et mettre fin à tout type d'abus, il a été décidé de renforcer la présence aux abords des aéroports des agents de contrôle de la Direction générale des transports terrestres, en partenariat avec les services concernés du ministère de l'Intérieur. Enfin, le ministère de Transport rappelle aux chauffeurs de taxi que toute transgression de la loi les expose à de sévères sanctions financières et administratives. Les principales infractions relevées depuis un bon moment par les clients sont le refus d'utiliser le compteur pour fixer le coût de la course, la non adoption du tarif d'usage ou encore l'ajout d'un montant excessif pour le transport de bagages. Et nombreuses, trop nombreuses même sont les mésaventures des voyageurs au départ des aéroports tunisiens, spécialement celui de TunisCarthage. Moments d'angoisse Moneem est maître-conférencier. Il voyage très souvent aux quatre coins du monde et l'avion en est presque arrivé à être un moyen de transport commun pour lui. Au cours de ces cinq dernières années, il avoue en avoir vu de toutes les couleurs avec les chauffeurs de taxi. L'arrivée et le retour de voyage est toujours un moment qu'il redoute. Entre ceux qui refusent de le laisser monter dans leurs véhicules car il habite à l'Ariana et estiment que la distance est beaucoup trop courte, ceux qui montent sur leurs grands chevaux lorsque le mot « compteur » est évoqué et ceux qui fixent dès le début un tarif avoisinant les 20 DT alors que le montant réel de la course ne dépasse pas 5DT, Moneem vit chaque retour de voyage comme un moment d'angoisse qui finit souvent avec une dispute avec le chauffeur de taxi. Hajer est informaticienne. De retour de Montréal au printemps dernier après un mois sur place et munie de deux lourdes valises, elle emprunte un taxi. S'apercevant après quelques centaines de mètres que le chauffeur de taxi n'avait pas mis en marche le compteur, elle lui demande courtoisement de le faire. Ce à quoi il lui rétorque sèchement : « Madame, en partance de l'aéroport, c'est tarif fixe ! » N'ignorant pas la loi, elle lui répond que cette pratique est illégale. Le chauffeur de taxi arrête alors la voiture et lui dit d'un ton dédaigneux et intransigeant: « C'est ainsi et pas autrement. Sois vous acceptez, soit vous descendez, vous et vos valises ! » Mohamed, lui, a connu une mésaventure lorsqu'il a accompagné son frère qui partait en voyage, à l'aéroport. Voulant rentrer chez lui, il hèle un premier taxi puis un deuxième puis un troisième en vain. Tous refusent de le laisser monter puisque ce n'est pas un voyageur et qu'il n'a donc pas de bagage et qu'ils ne peuvent pas lui imposer un tarif abusif. La cinquantaine passée, Moncef est chauffeur de taxi. Depuis des années, il se pointe chaque jour à l'aéroport en quête de voyageurs désirant se faire raccompagner chez eux ou se rendre à l'hôtel. Il avoue que certains de ses collègues outrepassent parfois la loi et demandent des sommes exorbitantes en contre partie de leurs services mais il assure que ce n'est pas du tout la norme. Il confie : « Nous avons subi de plein fouet la crise du secteur touristique et la baisse considérable du nombre de touristes. Eux ne rechignent pas quand on leur annonce que c'est un tarif fixe et laissent en plus un bon pourboire. Mais les Tunisiens font les difficiles. Il faut savoir que nous pouvons rester des heures à attendre un client et c'est la déception quand il s'agit d'une toute petite distance. Mais bon, la loi, c'est la loi et il faut la respecter. » Vers l'Uberisation de la Tunisie ? Les efforts fournis et les mesures prises par le ministère du Transport sont louables. Mais beaucoup estiment que seule la concurrence pourrait accélérer les choses et dissuader les chauffeurs de taxis de transgresser la loi. Dans le monde et plus précisément dans près de 70 villes, l'apparition de Uber, application mobile qui met en relation directe les utilisateurs avec des voitures de tourisme avec chauffeur, a révolutionné le mode de transport de centaines de milliers de personnes. En France, ce service a été suspendu sur décision de la justice suite à la grogne des chauffeurs de taxi dénonçant « une concurrence déloyale » et de violentes échauffourées. En Tunisie, quelques sociétés privées tâtent actuellement le terrain et s'apprêtent à lancer un pareil service d'E-taxi. Les chauffeurs de taxi tunisiens se laisseront-ils faire ?