Le mois d'avril prochain sera déterminant pour Rania Toukebri, ingénieure aérospatiale qui travaille pour des projets de l'Agence spatiale européenne (ESA), dans la mission Artemis II de la Nasa. Lorsque le vaisseau Orion sera lancé avec à son bord un équipage de quatre astronautes envoyés autour de la Lune, son émotion sera immense. Rania est en charge de la conception du module de service qui assure l'alimentation en énergie, l'oxygène et l'eau, ainsi que le contrôle thermique et la propulsion. Sa mission, essentielle sur des éléments de l'ordinateur de bord et des unités de gestion de données et la cryptologie, de vaisseaux spatiaux, sera un facteur déterminant. Elle s'y dédie de toute son énergie et s'implique dans d'autres projets, notamment pour les stations spatiales commerciales et les « villages » à installer sur la Lune et d'autres planètes, pour accueillir des laboratoires d'observation et de recherche, en attendant les humains. A 34 ans, Rania Toukebri, issue de l'Insat et titulaire de nombreux autres diplômes obtenus en France et aux Etats-Unis d'Amérique, participe activement, en outre, à diverses manifestations des Nations unies, de l'Union africaine et d'autres institutions. « Fille de Bourguiba », comme elle se déclare, cette native de Monastir où elle avait poursuivi ses études jusqu'au bac, incarne des valeurs d'excellence qu'elle entend transmettre aux jeunes. Elle aime les rencontrer partout où elle est fréquemment invitée, comme récemment en Tunisie, et les inciter à élargir leurs horizons et accomplir leurs ambitions. La tête dans le ciel et les pieds sur terre, Rania Toukebri veut pousser au plus loin possible les limites de l'univers. Récit d'un parcours inspirant « Encore enfant, je rêvais déjà d'horizons lointains: l'espace, les étoiles, la lune… Mon oncle Mohamed Abid, qui travaille à la Nasa aux Etats-Unis, ramenait souvent des livres et des magazines. A 6-7 ans, je commençais à les feuilleter avec curiosité et délectation, même si je ne lisais pas en anglais. J'écoutais attentivement le récit de mon oncle qui m'a toujours fascinée par son sens de la recherche. Sa démarche est celle d'un chercheur, au-delà de l'ingénieur. Je voulais construire un vaisseau spatial, un satellite et cherchais le meilleur moyen pour y parvenir un jour. » Son père, originaire de Toukeber, près de Béja, est spécialiste en textiles dans une manufacture non loin de Monastir. Sa mère, originaire de Sfax, est professeure d'histoire. La famille, installée à Monastir, compte trois filles, dont Rania, qui naîtra le 21 novembre 1991. Son père lui donnait, ainsi qu'à ses sœurs, beaucoup de support moral. Sa maman leur apprendra la rigueur, le respect des délais et le sens de la précision. Les valeurs familiales seront inscrites dans les gènes. Monastir sera son royaume : études primaires et secondaires, conservatoire de musique où elle apprendra le violon, et école de danse classique animée par une équipe japonaise, dans le cadre d'un jumelage avec Naha, capitale de la préfecture d'Okinawa. Rania s'initiera aussi à l'équitation. Musique, danse classique et sports équestres seront ses activités de prédilection… Jusqu'à ce jour. Bourguiba sera sa source d'inspiration. On ne peut pas être de Monastir sans se revendiquer fille de Bourguiba, sans s'imprégner de sa pensée, sans apprécier son œuvre. Patriotisme, éducation, culture, émancipation de la femme et engagement pour la science et le savoir feront partie de son ADN. Atteindre les étoiles Sa passion pour l'espace sera immense, et son projet de construction d'un satellite ne cessera de l'habiter. Par où commencer ? L'objectif fixé, elle est déterminée à l'atteindre. Après le bac, elle ira à l'Institut national des sciences appliquées et de technologies (Insat). Rania y obtiendra, en 2015, un diplôme d'ingénieur en instrumentation et électronique. Depuis lors, elle enchaînera des études pointues : un master en systèmes embarqués à l'Université de Picardie Jules-Verne, en France (2016), et un certificat en cryptographie de l'Université de Stanford (2017). Quand elle préparait son projet de fin d'études à l'Upjv, elle travaillait avec l'Institut supérieur des sciences et techniques sur le projet QB5° (50 cubesats lancés en 2016-2017), et pour un projet de Bombardier ''Surfer'', une nouvelle génération de calculateur pour les tâches de maintenance. Progressant davantage, Rania contribuera aux projets Jupiter Icy Moons Satellite, Biomasse satellite, et Met-Op C satellite, se spécialisant dans les unités de stockage et les interfaces d'acquisition de données. Sa propre trajectoire est bien lancée. Rania est pleinement investie au sein des équipes de recherche et de conception aérospatiales, travaillant pour de grandes compagnies (Airbus …) sous contrat avec l'Agence européenne spatiale et la Nasa. « Les missions lunaires font partie de ma vie », affirme-t-elle à Leaders. Basée à Munich, elle se déplace fréquemment à Toulouse et dans d'autres villes et capitales. Sa tâche est très prenante, surtout qu'elle va de la conception aux tests et à la simulation. Mais, elle s'arrange pour trouver des moments qu'elle consacre à d'autres activités qui lui tiennent à cœur.Rania est en effet sollicitée par l'Union africaine, les Nations unies, l'Otan, et de nombreuses instances spécialisées. Experte, elle est invitée à donner des conférences, intervenir dans des panels, et participer à des commissions de haut niveau. Elle répond avec un réel plaisir à des invitations d'universités et de clubs d'étudiants pour présenter son travail, soutenir la recherche, inspirer les jeunes. Elle pense particulièrement aux toutes jeunes filles à qui elle voudrait transmettre la passion de l'espace. « Votre passion vous donnera le pouvoir d'atteindre les étoiles », leur dira-t-elle.