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Najla Bouden, partie par la toute petite porte
Publié dans Business News le 02 - 08 - 2023

Après 22 mois à la Kasbah, la cheffe du gouvernement est partie par la toute petite porte. Jetée comme un Kleenex. Que retiendrait l'Histoire du passage de Najla Bouden ? Rien ! Elle a juste prouvé que la plate servitude ne prémunit de rien.

Les réseaux sociaux se sont bien emballés en cette nuit du 1er au 2 août 2023. Par un communiqué laconique et lapidaire, la présidence de la République a publié à 23h42 l'annonce du limogeage de la cheffe du gouvernement Najla Bouden. Les mots ont été bien choisis. Le président n'a pas remercié la cheffe du gouvernement, il n'a pas dit qu'elle allait être appelée à d'autres fonctions, il n'a pas dit que sa démission a été acceptée. Toutes les formules généralement utilisées dans ce genre de fin de mission, ont été zappées. La présidence lui a juste consacré la moitié d'une phrase : « le président de la République a décidé le mardi 1er août de mettre fin à la mission de Mme Najla Bouden Romdhane et de désigner Ahmed Hachani à sa succession ». Fin du communiqué.
C'était suffisant pour déclencher la joie mauvaise (chmeta en dialectal), classique des Tunisiens sur les réseaux sociaux, principalement Facebook. Des petites phrases, des blagues et des blagounettes en veux-tu en voilà. On rappelle son inégalable formule « machallah » (grâce à dieu), réplique au président de la République qui lui a dit, en octobre 2021, qu'il y aurait eu 1,8 million de manifestants pour le soutenir. Le chiffre réel était de quelques centaines, mais peu importe. « Opposer la grâce divine à une intox proférée par le chef a de quoi vous assurer des lendemains heureux et tranquilles », commentait alors Business News.
Les internautes rappelaient surtout que la dame s'est bien illustrée par sa plate servitude devant son chef durant ses 22 mois passés à la Kasbah entre septembre 2021 et août 2023.
22 mois durant lesquels elle ne s'est jamais adressée aux Tunisiens. 22 mois durant lesquels elle n'a donné aucune interview pour présenter sa politique, expliquer ses choix ou justifier ses arbitrages. 22 mois durant lesquels elle n'a entamé aucune réforme. Elle a bien préparé un plan de réformes qu'elle a soumis au FMI (sans l'avoir présenté aux Tunisiens) fin 2021, mais ce dernier est tombé à l'eau, puisqu'elle n'a même pas réussi à convaincre son président avec son plan.

Machallah
Avec Najla Bouden, il est plus facile de décompter les échecs que les réalisations, puisqu'il n'y en a eu aucune. Avec toute la bonne foi du monde, on a beau chercher quelque chose pour la lui attribuer, on n'en trouve pas. Jamais, dans l'Histoire de la Tunisie, on n'a eu un chef de gouvernement qui n'a rien réalisé. On en trouve qui ont fait de mauvaises choses (Mohamed Mzali, Hamadi Jebali, Ali Larayedh), mais quelqu'un qui n'a rien fait, jamais.
Pourtant, à son arrivée à la Kasbah le 29 septembre 2021, les vents étaient tous en sa faveur. Originaire de l'administration tunisienne, elle était supposée réformer cette vieille machine de l'intérieur. Première femme à être cheffe du gouvernement en Tunisie et dans le monde arabe, elle bénéficiait d'un a priori positif. Elle devait démontrer au monde qu'une femme arabe pouvait occuper de hautes fonctions avec succès, sans distinction de genre. Ce capital de sympathie a été dilapidé dès les premiers jours avec sa formule « machallah », comme l'a relevé Business News tout de suite, quelques jours après sa nomination.
La dame était silencieuse devant le président, sans âme, sans charisme, tête baissée.
Contrairement à l'usage partout dans le monde, elle a zappé la presse, toute la presse qu'elle soit publique ou privée, qu'elle soit acquise ou hostile. Une première, ici aussi, car jamais un Premier ministre n'a osé snober la presse.
Contrairement à l'usage partout dans le monde, elle ne s'est jamais adressée directement au peuple, même pas pour lui souhaiter des vœux lors du nouvel an ou de l'aïd. Une première, encore, car jamais un Premier ministre n'a osé mépriser ouvertement le peuple.
Durant ses 22 mois, Najla Bouden n'avait pas de comptes à rendre aux Tunisiens, elle ne devait rendre compte de ses activités qu'au président. Elle était soumise, totalement soumise au président et non aux exigences de ses fonctions. « Saïed décide, Bouden exécute », écrivait Business News lundi dernier. Elle était capable de se désavouer et de désavouer son gouvernement, comme on l'a vu dans le traitement du dossier FMI, les pénuries de pain ou encore le dossier des maisons de presse Snipe-La Presse et Dar Assabah.
Théoriquement, cette servitude devait au moins lui rapporter une quelconque gratitude de son chef. Que nenni. Kaïs Saïed ne la considérait même pas. Les ministres étaient limogés et nommés directement par la présidence de la République sans la proposition de la présidence du gouvernement. La constitution, pourtant, précisait clairement dans son article 101 que « Le président de la République nomme le chef du gouvernement, ainsi que les autres membres du gouvernement, sur proposition de son chef ». Mme Bouden n'était même pas conviée aux cérémonies de prestation de serment des nouveaux ministres.

Ennemie de la liberté d'expression
À défaut de comptabiliser les réalisations, il fallait compter les échecs. Business News s'est adonné à cet exercice en novembre dernier et cela lui a valu une plainte judiciaire en un temps record, sur la foi du décret-loi 54. Plainte signée par la ministre de la Justice en personne. Ce décret-loi prévoit jusqu'à dix ans de prison pour ceux qui s'en prennent à un membre du gouvernement même s'il s'agit d'un simple article de presse traitant de son bilan.
Mme Bouden ne faisait rien et n'aimait pas qu'on le lui rappelle. Dans cette affaire, elle a surtout démontré son étroitesse de vision politique et tactique. Plutôt que de convier la presse à la Kasbah pour expliquer sa politique, comme cela se fait partout dans le monde, elle a préféré l'affrontement bête et stupide. Conséquence, l'article a été relayé à leur compte par plusieurs médias, dont Le Maghreb et Acharâa el Magharibi, les titres arabophones les plus lus dans le pays. L'affaire a fait une grosse polémique et a été reprise par l'écrasante majorité des médias tunisiens et plusieurs titres internationaux. Les ONG tunisiennes (dont le syndicat des journalistes) et internationales ont publié des communiqués de soutien et de dénonciation de cette politique liberticide et intimidatrice de Najla Bouden. Et toute cette polémique a eu lieu durant la semaine où la Tunisie devait abriter le sommet de la francophonie.
Mme Bouden n'était pas la seule à s'en prendre à la liberté d'expression, ses ministres aussi s'adonnaient à cet exercice archaïque. C'est le cas de sa ministre de la Justice, de sa ministre de la Culture et de son ministre des Affaires religieuses. La première avait le parquet sous la main et celui-ci a réagi au quart de tour pour jeter en prison les journalistes Salah Attya et Ameur Ayed. Elle a également poursuivi un nombre de personnalités politiques, sur la base du décret 54, à l'instar de Lazhar Akremi (jeté en prison pendant des mois), Ayachi Hammami et d'autres.
La deuxième a déposé une série de plaintes contre ses agents qui montrent leur insolence sur les réseaux sociaux. C'est le cas du poète Sami Dhibi, aujourd'hui en prison, pour un post Facebook injurieux contre la ministre.
Le dernier a, lui, aussi déposé une série de plaintes contre les journalistes Mohamed Boughalleb et Monia Arfaoui, juste parce qu'ils ont osé révéler des affaires sulfureuses du ministre.

Echecs à la pelle
S'agissant de la chose économique, Najla Bouden a démontré son inefficacité totale à gérer les affaires de l'Etat et n'avait quasiment pas de relations avec le milieu des affaires. À la dernière minute, elle a décidé de faire faux bond en décembre dernier aux « Journées de l'entreprise » organisées par l'Institut arabe des chefs d'entreprise, grand-messe du milieu qui ont été, toujours, inaugurées par le président de la République ou le chef du gouvernement.
Rencontre-t-elle pour autant des chefs d'entreprise ou avait-elle de bonnes relations avec les centrales patronales Utica et Conect ? Pas qu'on sache, il n'y a eu que des salamalecs.
Plutôt que d'encourager l'investissement local et étranger, la politique économique de Mme Bouden s'est caractérisée par la mendicité en allant chercher, là où elle pouvait, des crédits pour boucler son budget.
Avec les syndicats, les relations étaient exécrables, notamment avec la plus grande centrale syndicale du pays, l'UGTT. Elle a ainsi pondu la fameuse circulaire 20 interdisant aux fonctionnaires toute négociation avec les syndicats sans son aval préalable. La note a créé une crise pendant des mois.
Sous son mandat, la Tunisie a eu droit à de multiples pénuries qui se poursuivent encore. Cela va du pain aux médicaments en passant par le café, les pâtes, le thé, le riz, l'eau minérale, le sucre, etc. L'inflation a grimpé à deux chiffres atteignant des records historiques pour certaines denrées, notamment alimentaires.
Du côté de l'éducation, l'année scolaire 2022-2023 s'est caractérisée par la très longue grève de quelque 750.000 enseignants, suivie par la rétention des notes.

S'il fallait résumer le bilan de Najla Bouden en trois mots, ce serait le mépris, l'inefficacité et la servitude.
Si elle devait se défendre, elle dirait qu'elle ne faisait qu'appliquer les directives présidentielles, conformément à ce qu'énonce la constitution.
L'argument peut tenir debout. Sauf qu'il y a une question qui s'impose dans ce cas, pourquoi donc avait-elle une politique contraire à celle dictée par son président, comme le fait de se diriger vers le FMI exécré par le président ? Pourquoi a-t-elle pondu le décret portant révision de la loi n°89-9, relative aux participations et entreprises publiques, alors que le président a toujours crié haut et fort qu'il est contre la cession des entreprises publiques ?
Objectivement, Najla Bouden n'est pas totalement coupable, ni totalement innocente. Elle a exécuté au début la politique du président qui, entre temps, a changé d'avis. Il l'a laissée faire au départ, avant de lui mettre des bâtons dans les roues et de l'empêcher de choisir la voie des réformes qu'elle pensait salvatrice. Le pays a besoin de réformes douloureuses, elle le sait et elle a essayé de les entamer, mais le président a eu peur de ces décisions impopulaires qui, à ses yeux, allaient appauvrir le peuple.
Après avoir vu sa politique désavouée publiquement par le président, Najla Bouden devait démissionner ou changer de politique pour épouser celle du président.
Parce qu'elle est accrochée à son fauteuil, ou par lâcheté, elle a refusé de démissionner. Parce que la solution budgétivore et suicidaire du président est intenable, elle ne l'a pas adoptée. Elle est restée entre deux chaises ne sachant que faire, jusqu'au couperet final.
Kaïs Saïed l'a limogée avec humiliation pour essuyer, sur elle, l'échec cuisant de ces 22 mois. Aux yeux de l'opinion, ce n'est pas lui qui a échoué, c'est elle. Najla Bouden était le fusible parfait pour que Kaïs Saïed gagne quelques mois jusqu'aux élections d'octobre 2024. On l'a dit depuis des mois et ça nous a valu un procès.
La roue a tourné maintenant, Najla Bouden a été jetée comme un Kleenex comme Nadia Akacha, Taoufik Charfeddine et tous les vils serviteurs d'un président qui veut se départir de toute responsabilité et de tout échec.
Après 22 mois au sommet du pouvoir, Mme Bouden va redevenir une justiciable comme les autres citoyens et il est à parier qu'elle passera un jour devant la case justice pour répondre d'un ou plusieurs de ses actes.
En attendant un hypothétique procès judiciaire, le verdict de son procès politique est déjà là et il est fatal. La première dame à être cheffe du gouvernement en Tunisie a été la pire de tous.


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