Voilà presque un mois qu'Ahmed Hachani a pris ses fonctions de chef de gouvernement. On imaginait que le nouveau chef de gouvernement allait rapidement former son gouvernement et annoncer ses intentions à défaut de présenter un programme d'actions clairement défini. Le retour au travail selon les horaires de la double séance aurait constitué le moment opportun marquant symboliquement la rentrée. Malheureusement, on ne sait même pas s'il a l'intention de changer l'équipe gouvernementale actuelle ou pas. C'est dire du climat d'incertitude qui plane sur le pays. Incertitude qui, une fois de plus, a entraîné une dégradation supplémentaire de la note souveraine du pays. À la fin du mois d'août, c'est l'agence japonaise R&I qui dégrade le risque souverain en l'accompagnant de « perspectives négatives », après Fitch en mai 2023, en attendant celui de Moody's, probablement d'ici un mois. Pour le moment, le statu quo est total. Un calme plat. Aussi plat que la courbe de croissance trimestrielle du PIB du pays. Toutefois, il faut se garder de ce calme car il peut être annonciateur de tempête. Il ne faut pas s'en cacher. Ahmed Hachani devra faire face à une échéance cruciale, capitale : l'élaboration des projets de loi de finances et de budget économique 2023, sans compter, le cas échéant, un projet de loi de finances rectificative ou complémentaire. Des documents qui refléteraient logiquement les choix de l'Exécutif face au dilemme cornélien d'opter ou pas pour le programme de réformes conclu avec le Fonds monétaire international (FMI). Un dilemme où il s'agit de choisir entre la peste et le choléra parce qu'on n'a pas su s'en prémunir lorsqu'il était encore temps. En tout cas, les conséquences sociales de l'une comme de l'autre seront difficilement supportables. Le choix de ne pas solliciter le FMI est déjà visible. C'est à un inexorable appauvrissement vers lequel chemine le pays. Les pénuries, frappant aujourd'hui les produits alimentaires, vont s'élargir à d'autres produits de consommation. Ces pénuries accentueront les tendances spéculatives ou monopolistiques et relanceront les tensions inflationnistes. Et cela sans pour autant garantir un redressement des finances publiques, ni une inflexion de la courbe d'endettement. Encore moins une reprise de la croissance et une recrudescence des créations d'emploi. La raison fondamentale tient en l'absence d'alternative au plan d'accord avec l'institution financière multilatérale. Le choix en faveur d'un accord avec le FMI n'est pas en reste de conséquences sociales. Cependant, là, un programme existe. Est-il renégociable ? En dépit de toutes les pressions, particulièrement européennes et surtout italiennes, le Fonds semble inflexible, légitimant son attitude en référence aux lamentables échecs des deux précédents programme de soutien à la Tunisie de 2013 et 2016 dus à la procrastination des autorités du pays à engager les réformes structurelles censées résoudre le déséquilibre des finances publiques et réorienter le modèle de développement du pays. Najla Bouden, l'ex-cheffe du gouvernement s'y est engagée. À preuve la lettre de cadrage du projet de loi de finances et de budget 2024 envoyée à tous les ministères dès avril 2023, dans laquelle elle rappelle les objectifs de réforme : maîtrise de la masse salariale, rationalisation de la compensation et coût de frein aux dépenses de gestion courante du budget de l'Etat. À cet égard, la priorité sera donnée aux dépenses visant à combler les arriérés et celles affectées aux programmes et projets en cours. « Les engagements de dépenses seront déterminés sur la base des critères de performances affichés par les projets par rapport au critères de performances initialement établis », indique le document. Parallèlement, le gouvernement Bouden devait s'atteler, entre autre, à présenter au cours de 2024 un projet de loi améliorant le climat de l'investissement, un autre concernant le développement de l'économie du savoir et un autre de révision des incitations destinées au Start-up. Ahmed Hachani prendra-t-il à son compte le document de Najla Bouden ? Il a pris à son compte son gouvernement. Pourquoi ne le ferait-il pas avec les orientations tracées par son prédécesseur ? Ce serait une drôle de rentrée.