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Interview Marcus Cornaro : la position de l'Union européenne sur la transition en Tunisie est claire
Publié dans Business News le 08 - 02 - 2024

Les relations entre la Tunisie et l'Union européenne, les enjeux du mémorandum d'entente signé durant l'été à Tunis, la position sur la situation politique en Tunisie, la gestion de la crise migratoire… L'ambassadeur de l'Union européenne en Tunisie, Marcus Cornaro a accordé une interview à Business News pour revenir sur ces thèmes et bien d'autres.

Où en sont les relations entre la Tunisie et l'Union européenne ? Pouvez-vous dire qu'elles sont au beau fixe sachant qu'il y a eu des frictions (notamment l'épisode des 60 millions d'euros du plan de relance post-Covid et le président de la République qui avait affirmé ne pas vouloir de l'aumône ou de la pitié de l'Europe) ?
Les relations entre l'Europe et la Tunisie sont bien solides et bien ancrées dans l'histoire à travers toute une gamme de partenariats, économiques notamment. Nous venons, d'ailleurs, de fêter les vingt ans d'une bonne coopération scientifique, et notre accord d'association date désormais de presque trente ans. L'initiative politique des deux côtés, en l'occurrence le dernier mémorandum d'entente, n'en est qu'une preuve supplémentaire.

En septembre 2023, la Tunisie a interdit l'accès à son territoire à une délégation de la commission des affaires étrangères du Parlement européen. Le ministère des Affaires étrangères a avancé « des réserves » à l'égard de cette délégation et aucune nouvelle date n'a été fixée. Un commentaire ?
Pour l'instant il n'y a pas de nouvelle date confirmée. Dans les médias l'accent a été mis sur les individus en question qui s'étaient exprimés de manière critique sur le parcours constitutionnel (…) La visite avait eu lieu dans un contexte compliqué des deux côtés, mais je souligne l'importance d'une bonne coopération avec l'assemblée des élus européens et je confirme que l'opportunité de travailler avec l'ARP actuelle reste toujours ouverte. Certes, un bon fonctionnement de la coopération parlementaire restera toujours un élément intégral pour le bon fonctionnement du partenariat.

Le mémorandum d'entente a été signé à Tunis dans un contexte non-démocratique et en l'absence de débat. Beaucoup considèrent que cet accord sert uniquement la politique européenne en matière d'immigration, consacre l'inégalité dans le droit à la mobilité et fait de la Tunisie un gardien des frontières contre des sommes négligeables. En quoi ce mémorandum d'entente serait-il plus avantageux pour la Tunisie ?
Ce mémorandum est un partenariat qui répond à deux choses : ce n'est pas un accord sur l'immigration uniquement, mais sur le besoin assez urgent, et au moins aussi important pour la Tunisie d'un soutien économique, de réformes économiques, d'ouverture à plus d'investissement et de commerce, de valorisation de l'aspect énergétique et des échanges entre les peuples.

Après les événements du 25 juillet 2021, l'UE n'avait pas hésité à commenter la situation politique en Tunisie, même timidement, mais elle commentait. Comment expliquez-vous l'absence de position claire, depuis un bon moment, à propos de ce qui se passe en Tunisie ?
Je pense toujours que notre position est claire. Les dirigeants européens ont commenté tout au long de la transition. Concernant la nouvelle refonte électorale, ils ont observé qu'elle était hors du cadre référentiel européen, sans pour autant mettre ce choix en soi en question. Nous avons aussi, comme bons partenaires, fait état d'un large soutien du peuple tunisien vers une nouvelle esquisse constitutionnelle élaborée à partir de l'expérience tuniso-tunisienne. En conséquence, nous nous sommes concentrés sur les volets économique et le sociétal. Si vous regardez toute la série de visites, vous remarquerez que nous faisons des efforts pour rester en contact avec les autorités politiques pour comprendre le fond et la direction de cette transition.

Plusieurs voix estiment que l'Europe soutient des approches sécuritaires qui favorisent ses priorités en empêchant tout flux vers son sol (expulsions aux frontières, pushback en mer) et qui ont pour conséquence de parquer les migrants dans les pays non-européens. En somme, on reproche à l'Europe d'externaliser la crise migratoire en Tunisie. Que répondez-vous à cela ?
La Tunisie n'est pas uniquement une frontière vers l'Europe. C'est aussi une frontière vers le Sud. C'est un pays de destination pour pas mal d'ouvriers. C'est une fausse lecture de penser que nous sommes uniquement intéressé par l'aspect sécuritaire de la migration vers l'Europe. Si je regarde l'ensemble de notre soutien, nous avons sept à huit volets de coopération migratoire, et la question de la sécurité et de la gestion des frontières n'en est qu'une partie. D'ailleurs, toute l'attention que nous aurons pour le futur de la Tunisie sera concentrée sur le fait de garantir une reprise économique basée sur la création d'emploi et d'éviter la surcharge en termes de présence.

La Tunisie a connu plusieurs épisodes de gestion sécuritaire répressive de la crise migratoire (El Amra, violences discriminatoires et à caractère raciste, expulsions collectives de migrants démunis vers le désert, traitement inhumain, pas de réponse humanitaire à la crise, etc). L'Union européenne cautionnerait ces pratiques dans le cadre de la coopération bilatérale ?
En termes de coopération bilatérale, nous pouvons contribuer aux efforts de la Tunisie sur le volet humanitaire, mais aussi le cadre référentiel de protection ou encore en apportant un soutien au ministère de l'Intérieur sur le volet déontologie notamment. Ensemble, nous arriverons à mitiger ce type de problème pour que ça ne devienne pas un phénomène généralisé.

Le parlement et le conseil européens ont récemment trouvé un accord sur le Pacte migration et asile. L'accord constitue un durcissement de la politique européenne. La notion de « pays tiers sûr » a été retenue. Un Etat membre a ainsi la latitude d'y renvoyer un demandeur d'asile parce qu'il est passé par un pays considéré comme "sûr".
La Tunisie peut-elle être considérée comme "pays sûr" au vu du traitement que les autorités sécuritaires réservent aux migrants ?
C'était vraiment le grand cahier des charges de la Commission actuelle. Il y a eu lieu dans une Union qui se veut solidaire, même sur des volets très controversés et facilement politisés. Moi-même j'aurais été navré si la Commission n'était pas arrivée à boucler ce thème d'une manière solidaire. Ce qu'il faut retenir, c'est que ce que nous avons bouclé à l'intérieur de l'Union européenne peut être aussi décliné dans un contexte où un pays particulier a besoin de solidarité vers l'extérieur. La Tunisie est certainement un pays sûr pour le retour des Tunisiens. Il n'est point question de retour de ressortissants tiers.

Qu'en est-il des taxes imposées sur les produits européens. N'est-ce pas là une violation des accords de libre-échange ? Une volonté de protectionnisme ?
C'est une question qui a été abordée. C'est effectivement une mesure à la fois contreproductive et contre l'esprit des accords de libre-échange. Regardons nos chiffres équilibrés d'échanges commerciaux, ce n'est pas une taxe sur six produits qui va faire la différence sur le marché interne. D'ailleurs, j'espère que la Tunisie a abordé le sujet avec la partie chinoise surtout, si le souci est vraiment de rééquilibrer la balance commerciale.

Que doit faire la Tunisie en termes de réformes ?
Ce que je note, c'est que pour le moment, le modèle économique et budgétaire vit sur la stabilisation d'un certain tissu social alors que cela coûte énormément cher et loin d'être productif. C'est un choix, certes, mais qui, selon nous, passe à côté des opportunités de création de plus d'emplois avec des Européens ou des Tunisiens qui seraient contents et capables d'investir davantage.

Où va l'Europe ? Quid de la chute des natalités et de la monté de l'extrême-droite ?
Démographiquement, le continent est vieillissant. Pour les dix ans à venir l'Europe va rester un continent d'émigrants, donc en demande d'une émigration assez importante d'un ou deux millions par an en termes de besoins d'arrivées additionnelles de main d'œuvre. Pour l'instant, une partie est couverte par la Tunisie ; 20.000 par an environ. Une des propositions du pacte migratoire est de faire un partenariat de talents, de formation professionnelle. Si j'ai une grande ambition, c'est d'arriver à améliorer le partenariat. Du côté de la Tunisie, il faut penser à redresser la formation professionnelle technique existante pour mieux répondre à ces besoins. De l'autre côté, l'Europe devrait concevoir un système avec une migration circulaire beaucoup plus accessible et crédible pour les Tunisiens. Si moi-même j'étais de Sfax de Djerba ou même de Jendouba je sauterais sur l'occasion de faire une formation ou une expérience professionnelle en Europe, mais dès que j'aurais l'occasion de revenir au pays je le ferais.
On est au début d'une année électorale difficile en Europe. Il y a l'élection européenne en juin prochain, mais aussi des élections dans quatre ou cinq autres pays y compris mon pays l'Autriche qui voit aussi la montée de l'extrême-droite, tout comme l'Allemagne ou encore la France. Il y a différents soucis des électeurs auxquels il faut faire face et cela inclut la migration, la transition verte, le digital, et la guerre russe contre l'Ukraine. Il ne faut pas, cependant, avoir peur des élections parce que nous sommes des démocrates, et l'agenda européenne ne peut pas être dictée par la peur. Nous pouvons faire face à ce type de débat. Il ne faut pas craindre la migration non plus puisque tous ses aspects sont, si bien gérés, du win-win.

L'Europe contemporaine s'est construite autour des valeurs et des principes des droits humains. Après 45 et la tragédie de la Shoah, des mécanismes ont été mis en place contre les fascismes, les génocides, les déportations et autres atrocités. La position européenne vis-à-vis de la tragédie en Palestine a beaucoup choqué. L'Europe aurait-elle tourné le dos à ses valeurs, pourtant, fondatrices ?
En tant qu'ex-directeur du voisinage, je peux témoigner à quel point l'Union européenne a été du côté de l'espoir palestinien pour avoir une fondation étatique. L'histoire va démontrer à quel point les approches des uns et des autres étaient cohérentes. D'un côté, il y a des valeurs universelles et de l'autre côté des expériences et des réflexes historiques, certainement, un peu différents.


Interview menée par Nizar Bahloul et Ikhlas Latif


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