Dans la guerre entre l'instance des élections et le tribunal administratif, ce dernier vient, à nouveau, de donner raison à Abdellatif El Mekki, le remettant dans la course à la présidentielle. L'assemblée plénière juridictionnelle du tribunal administratif a, en effet, confirmé l'énoncé de son jugement en faveur du candidat à la présidentielle, exclu par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Abdellatif El Mekki. Dans sa réponse à une requête en interprétation datée du 10 septembre 2024, et dont Business News a obtenu une copie, le tribunal administratif rappelle à l'Isie son devoir légal d'exécuter son jugement du 27 août disant explicitement et sans la moindre ambiguïté qu'Abdellatif El Mekki est en droit de candidater à la présidentielle et que son nom doit être inscrit dans la liste définitive des candidats retenus. Revenant sur le prétexte invoqué par l'Isie, par lequel elle a affirmé qu'il lui était impossible d'appliquer le jugement, pourtant définitif et sans appel du tribunal administratif, et qui consiste en une prétendue ambiguïté dans le prononcé du jugement qui n'ordonneraient pas explicitement et clairement l'intégration des candidats requérants dans la liste finale des candidats, le tribunal administratif a tenu à clarifier certains points. Il a ainsi expliqué que le candidat, ainsi que toute partie concernée, ont le droit légal de demander par écrit auprès du tribunal administratif un recours en interprétation du jugement rendu, une clarification en somme qui a pour unique finalité d'expliciter le texte du jugement sans le discuter ou le modifier. Abdellatif El Mekki a donc présenté ce recours pour avoir une réponse plus explicite de la part du tribunal concernant les arguments de l'Isie qui avait publié, le 3 septembre dernier, un communiqué où elle précise que les jugements du tribunal administratif "n'ordonnent pas explicitement et clairement l'intégration des candidats requérants dans la liste finale des candidats" et que ces "jugements avaient prévu une condition stipulant que l'instance devait vérifier si les candidats rejetés bénéficient de tous leurs droits civils et politiques, en l'absence du bulletin n°3 exigé par le décret d'application de l'instance".
Dans sa réponse du 10 septembre, l'assemblée plénière juridictionnelle du tribunal administratif dit clairement "le prononcé du jugement du 27 août était clair et sans aucune ambiguïté sur l'approbation du dossier de candidature à la présidentielle du plaignant qui répond à toutes les conditions légales. L'Isie est donc dans l'obligation légale d'appliquer la décision de l'assemblée plénière juridictionnelle et d'inclure le candidat dans la liste définitive des candidats à la présidentielle". Elle souligne enfin que le recours en interprétation déposé par le candidat a été accepté et que le prononcé du jugement émis le 27 août voulait clairement dire que Abdellatif Mekki devait être intégré à la liste définitive des candidats à la présidentielle du 6 octobre, levant ainsi toute ambiguïté sur la question et annulant les arguments invoqués par l'Isie.
L'Isie a, rappelons-le, rendu public un communiqué, mardi 3 septembre 2024, où elle indique qu'après avoir pris connaissance des copies des jugements rendus par le tribunal administratif sous le numéro 24003579 en date du 27 août 2024, le numéro 24003591 en date du 29 août et le numéro 24003592 en date du 30 août, "parvenus à l'instance en dehors des délais légaux prévus par l'article 47", dernier paragraphe de la loi électorale, et après validation par son Conseil de la liste finale des candidats à l'élection présidentielle, il a été clairement établi que ces jugements n'ordonnent pas explicitement et clairement l'intégration des candidats requérants dans la liste finale des candidats. L'Isie a assuré que ces jugements avaient prévu une condition stipulant que l'instance devait vérifier si les candidats rejetés bénéficient de tous leurs droits civils et politiques, en l'absence du bulletin n°3 exigé par le décret d'application de l'instance et que cela confirme l'impossibilité de mettre en exécution ces jugements, même s'ils avaient été notifiés à l'instance dans les délais légaux.
On rappellera également que le tribunal administratif a statué en faveur de trois candidats rejetés par l'Isie. Il a rendu des jugements favorables à Abdellatif El Mekki, Mondher Zenaidi et Imed Daïmi. L'Isie a dit ne pas avoir reçu les copies du jugement dans les délais. Le tribunal administratif a, pour sa part, rappelé que la loi, ainsi que les décisions mêmes de l'Isie telles qu'appliquées lors des échéances électorales précédentes, disposent clairement qu'un prononcé du jugement fait foi autant que sa copie. Les prononcés, affirme le tribunal, ont été remis à l'Isie dans les délais. L'instance électorale, par la voix de son président, exigeait des copies des jugements "pour étudier l'argumentaire et les éléments ayant motivé ces décisions pour ensuite se prononcer sur la liste finale des candidats à la présidentielle". Ce à quoi les experts ont répondu, à l'unanimité, que l'Isie n'a pas les prérogatives pour examiner les jugements du tribunal administratif et encore moins pour les discuter et que son rôle se limite à exécuter ces jugements sur la base de copies ou de prononcés qui lui sont remis.
La réponse du tribunal administratif a été saluée par les magistrats, dont l'avocat et ancien juge administratif, Ahmed Souab, qui a qualifié ce geste d'historique. " L'Etat de droit résiste toujours. Quasiment une injonction du tribunal administratif à l'Isie d'exécuter la sentence de son assemblée plénière. Bravo, le tribunal administratif prouve encore qu'il est un garant cardinal de l'Etat de droit ! " a écrit l'ancien juge.