Le président de la République a multiplié ses directives pour résoudre le problème structurel des enseignants suppléants, sauf que rien n'a été fait concrètement. Ils entament aujourd'hui une grève générale afin de réclamer leurs droits bafoués depuis des années. Business News explique les raisons de cette impasse qui menace l'avenir de milliers d'élèves. Le président de la République, Kaïs Saïed, a évoqué à plusieurs reprises la question des enseignants suppléants. Lors d'une réunion tenue le 2 août 2024 avec la ministre de l'Education, Salwa Abassi, il avait insisté sur la nécessité de trouver une solution définitive pour cette catégorie professionnelle ainsi que pour les conseillers pédagogiques et les agents de laboratoire. Selon un communiqué de Carthage, il s'agissait de garantir leurs droits par des normes claires et équitables, tout en préservant l'importance de l'éducation comme pilier de la société tunisienne. Cependant, ces engagements sont restés lettre morte. Depuis sa nomination le 25 août dernier, le nouveau ministre de l'Education, Noureddine Nouri, n'a pris aucune mesure concrète pour résoudre le problème des enseignants suppléants. Sa faible présence dans les médias et son inaction pour prévenir la grève entamée aujourd'hui, lundi 6 janvier 2025, suscitent des critiques croissantes. En parallèle, le gouvernement et la présidence semblent incapables de concrétiser leurs engagements, maintenant une situation de statu quo qui ne fait qu'alimenter la frustration des suppléants.
La position des enseignants suppléants : entre désespoir et détermination Le coordinateur national des enseignants suppléants, Malek Ayari, a appelé à plusieurs reprises le président de la République à intervenir directement pour résoudre ce dossier. Il a mis en avant les 16 années de tergiversations et les promesses non tenues, soulignant l'urgence d'émettre des décrets d'application équitables et transparents. Parmi les points de désaccord figurent la rémunération conditionnée par le temps de travail, les clauses unilatérales permettant la rupture des contrats, et l'absence d'un cadre juridique clair pour leurs droits sociaux. À ces revendications s'ajoute la question des contrats à durée déterminée (CDD). Paradoxalement, alors que le président Saïed a annoncé vouloir éliminer ce type de contrat précaire dans les secteurs public et privé, le gouvernement continue d'y recourir pour les enseignants suppléants. Cette incohérence accentue le sentiment d'abandon ressenti par cette catégorie de travailleurs. Imed Abdelkebir, un autre coordinateur national, a dénoncé l'injustice persistante subie par les suppléants, notamment l'absence de rémunérations depuis le début de l'année scolaire. Selon lui, les postes vacants cette année s'élèvent à 12.837, dont 80 % sont occupés par des suppléants. Ces derniers, qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des établissements éducatifs, continuent de travailler dans des conditions de précarité insoutenables.
Un long historique de promesses non tenues La crise actuelle ne peut être comprise sans revenir sur les années de négligence qui l'ont précédée. Depuis 2007, les enseignants suppléants sont au centre d'un conflit opposant syndicats et gouvernements successifs. Des accords ont été signés, mais leur application concrète n'a jamais été assurée. Chaque nouvelle équipe ministérielle semble découvrir le problème sans apporter de solutions pérennes. Malek Ayari rappelle que les enseignants suppléants ont longtemps été considérés comme une simple variable budgétaire. Leur contribution au système éducatif n'a jamais été pleinement reconnue, ce qui explique la lenteur avec laquelle leurs revendications ont été traitées. L'absence de vision stratégique pour ce secteur reflète un dysfonctionnement plus large dans la gestion des affaires publiques.
Les conséquences pour le système éducatif La crise des suppléants a des répercussions directes sur le système éducatif tunisien. Avec plus de douze mille postes vacants, dont la majorité sont occupés par des suppléants, le bon fonctionnement des écoles repose sur une main-d'œuvre précaire. Cette situation nuit à la stabilité des équipes éducatives et, par conséquent, à la qualité de l'enseignement dispensé. Par ailleurs, le blocage actuel pourrait entraîner des perturbations majeures dans le calendrier scolaire. Si la grève se prolonge, les élèves seront les premières victimes de cette impasse. Les enseignants suppléants, qui ont choisi jusqu'ici de ne pas pénaliser les élèves en organisant leurs actions pendant les vacances, avertissent que toutes les options sont désormais sur la table, y compris un boycott du deuxième trimestre.
Une crise révélatrice des défis du secteur public Au-delà des revendications des suppléants, cette crise met en évidence les défis structurels auxquels fait face le secteur public en Tunisie. L'absence de planification à long terme, la gestion chaotique des ressources humaines et le manque de coordination entre les différents ministères illustrent un problème systémique. La confiance entre les citoyens et les institutions est également en jeu. Les enseignants suppléants, qui représentent une part importante de l'effectif éducatif, se sentent marginalisés et ignorés. Cette situation pourrait avoir des conséquences politiques si le gouvernement et la présidence ne parviennent pas à trouver une issue satisfaisante.
Perspectives et solutions Pour sortir de cette crise, il est urgent que le gouvernement traduise les instructions du président en actions concrètes. Cela implique l'adoption immédiate de décrets d'application équitables, l'élimination des CDD pour les suppléants et la mise en place d'un plan de régularisation clair et transparent. En parallèle, une meilleure communication entre le ministère de l'Education, les syndicats et les suppléants est essentielle pour restaurer la confiance. Une approche inclusive, impliquant toutes les parties prenantes, pourrait permettre d'éviter l'escalade sociale et d'améliorer durablement les conditions de travail dans le secteur de l'éducation. Pour les suppléants, il s'agit de continuer à revendiquer leurs droits tout en sensibilisant l'opinion publique à leur cause. Leur rôle dans le système éducatif est vital, et leur reconnaissance est une condition sine qua non pour garantir une éducation de qualité pour tous.