Samedi 1ᵉʳ mars 2025, premier jour du mois de ramadan, Meriem Zeghidi Adda, sœur du journaliste emprisonné Mourad Zeghidi, a publié un message poignant où elle exprime sa tristesse et sa colère face à l'absence de son frère en ce mois saint, particulièrement familial. « D'autres ramadans ont été difficiles après la mort de mon père et de ma mère, mais aucun ne l'a été autant que celui-ci », confie Meriem Zeghidi Adda. Perdre un être cher est une épreuve, admet-elle, mais au moins, on sait qu'il n'est plus là. « Ici, c'est différent. Il est bien vivant, mais Mourad n'est pas à sa place ! ». Elle raconte que, derrière les barreaux, le quotidien de Mourad Zeghidi est marqué par l'isolement et la privation. Une soupe froide, une brick sans saveur, pas de table, pas de nappe, pas de dattes – ces dernières étant interdites –, pas même un verre de thé pour adoucir la rupture du jeûne. Pourquoi se retrouve-t-il là ? Parce qu'après huit mois de détention injustifiée, où il n'a fait qu'exercer son métier avec sérieux et professionnalisme, un nouveau mandat de dépôt a été prononcé contre lui, à un mois de sa libération prévue le 7 janvier. L'accusation ? Blanchiment d'argent. « Ils n'ont rien trouvé d'autre », ironise Meriem Zeghidi. Elle dénonce un stratagème bien rodé : salir une personne lorsque la solidarité autour d'elle devient trop forte. Elle s'indigne : « Cela fait trois mois que nous cherchons cet argent… avant même de parler de blanchiment ! ». L'affaire, poursuit-elle, relève de la loi contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, une loi autrefois dénoncée sous Ben Ali, puis renforcée en 2015 au détriment des libertés. Aujourd'hui, aux yeux de l'Etat, Mourad Zeghidi est donc un terroriste. Cela entraîne des restrictions supplémentaires : pas de visites directes, contrairement aux autres détenus qui y ont droit une fois par mois. Lors de sa première incarcération, une seule visite de ses filles lui avait été accordée en cinq mois. Désormais, il ne reçoit plus que quelques lettres, espacées de plusieurs semaines et soumises à une censure minutieuse. « Mourad ne reçoit plus de livres, plus de magazines », ajoute-t-elle. Il est privé de toute participation aux activités carcérales, réduit à deux sorties quotidiennes d'une durée limitée, entouré des mêmes détenus. Malgré tout, il fait preuve de résilience, malgré les conditions que sa sœur énumère : une lumière allumée du matin au soir, un hiver glacial, une eau imbuvable. « Il n'a pas d'oreiller pour reposer sa tête, les moustiques le rongent et on lui interdit même d'utiliser une bougie anti-insectes. La nourriture est insipide, souvent avariée, et traîne dans la cellule pendant des jours avant d'être ramassée. Durant les huit premiers mois, Mourad n'avait droit qu'à une seule lettre tous les quinze jours, limitée à deux pages. Pourquoi ? Quelle est la logique derrière cela ? », s'interroge sa sœur. Elle conclut avec amertume : « Je pourrais parler des heures de la prison, alors que je n'en connais que 10% de la réalité… Mourad, lui, mettra peut-être des années avant de pouvoir en témoigner... Que votre ramadan soit béni, le nôtre ne le sera pas tant que mon frère subit une telle injustice ».