L'amélioration par Moody's Moody's a amélioré, le 28 février 2025, la notation souveraine de la Tunisie de Caa2 à Caa1, avec des perspectives toujours stables. Cette amélioration constitue un signal positif, bien qu'attendu, car elle aligne la notation de Moody's sur celle de Fitch, qui avait attribué à la Tunisie une note de CCC+ depuis le 14 septembre 2024. Ainsi, la notation de Moody's retrouve son niveau d'octobre 2021, marquant une légère amélioration de la perception du risque souverain du pays, sans pour autant signaler une sortie des difficultés économiques et financières actuelles. Moody's justifiée son action par l'atténuation significative du profil d'amortissement de la dette extérieure de la Tunisie, reflétée dans le remboursement de trois échéances d'euro-obligations depuis octobre 2023, totalisant environ 2,4 milliards de dollars. Par conséquent, la part de la dette extérieure du secteur privé a considérablement diminué, passant de 25 % du stock global de la dette publique en 2019 à seulement 6 % en décembre 2024. De plus, le stock de réserves de change de la BCT reste à un niveau important, couvrant pleinement les besoins de financement externe de l'économie pour l'année en cours. Les déficits du compte courant ont également atteint des niveaux historiquement bas, contribuant à la stabilisation financière. Malgré cette amélioration, Moody's note que les contraintes de financement restent un problème majeur, laissant le gouvernement tunisien dépendant de sources nationales, y compris le financement direct de la BCT, ce qui augmente les risques pour l'efficacité de la politique monétaire et de la discipline budgétaire. La dette du gouvernement central demeure élevée, limitant sa capacité à absorber les chocs. De plus, les perspectives de croissance économique restent modérées, ce qui pourrait entraîner un mécontentement social. Brève évolution de la notation Il convient de noter que depuis 1994, les agences de notation suivent attentivement la situation économique et financière de la Tunisie et ajustent leurs notations en conséquence. Depuis, la notation souveraine de la Tunisie a suivi une trajectoire marquée par une période de stabilité relative entre 1994 et 2010, suivie d'une détérioration progressive à partir des années 2010. Entre 1994 et 2010, la Tunisie bénéficiait d'une notation « Investment grade » relativement stable, oscillant autour de BBB (Fitch) et Baa3 (Moody's), avec des perspectives souvent stables ou positives. Cette période traduisait une confiance des investisseurs dans la capacité du pays à honorer ses engagements financiers. Cependant, dès 2011, la situation s'est détériorée avec des dégradations successives par Fitch et Moody's. La notation a progressivement chuté jusqu'à atteindre CCC (Fitch) et Caa2 (Moody's) en 2023, témoignant d'un risque de crédit élevé. Au fil des notations, les agences ont motivé leurs décisions par la persistance d'une instabilité politique, un manque de consensus sur les réformes, l'impact prolongé de la pandémie et des besoins de financement élevés, sans garanties claires sur les sources de financement. Elles insistent sur la nécessité d'un accord sur des réformes majeures pour stabiliser l'économie. Toutefois, depuis 2024, certains signes d'amélioration ont été observés. Moody's a relevé la perspective de la Tunisie de "négative" à "stable", tandis que Fitch a exprimé une confiance accrue dans la capacité du gouvernement à répondre à ses besoins de financement. Malgré ces ajustements positifs, la notation de la Tunisie demeure dans le bas de l'échelle, dans la catégorie « risque substantiel », indiquant un risque de crédit très élevé. On n'est pas sorti de l'auberge Malgré cette amélioration, le Credit Default Swap (CDS) de la Tunisie demeure élevé, atteignant environ 13,10 % (8,92 % pour le spread et 4,10 % pour le rendement des bons du Trésor américain à 5 ans). Cette situation s'explique par la persistance de vulnérabilités économiques et financières, des besoins de financement importants et une incertitude persistante quant aux sources de financement. Les améliorations des notations et les déclarations répétées des autorités sur leur priorité à rembourser la dette extérieure ont conduit à une raffermissement de la valeur des obligations souveraines tunisiennes sur les marchés financiers internationaux. Ces actions ont avantagé en premier lieu les investisseurs en obligations tunisiennes. Elle peuvent contribuer à renforcer la crédibilité financière du pays renforcent à moyen terme mais la notation souveraine de la Tunisie reste faible et l'accès aux marchés financiers internationaux à des conditions normales demeure difficile. Des mesures substantielles sont nécessaires pour assurer une reprise durable, rétablir la confiance des investisseurs et améliorer les perspectives économiques du pays. À retenir La Tunisie a mis 3 ans et 4 mois pour retrouver la notation Caa1. Pour mémoire, la note souveraine de la Tunisie avait atteint son meilleur niveau avec un BBB attribué par Fitch Ratings le 24 mai 2001 et un Baa2 décerné par Moody's en 2010, tous deux assortis de perspectives stables. Il reste encore beaucoup de chemin à faire. Encore fallait-il avancer.