Dans une interview accordée, mercredi 7 mai 2025, à Walid Berhouma sur Express FM, Ferid Belhaj, premier conseiller du directeur général et président du conseil d'administration du Fonds arabe pour le développement économique et social (Fades), a évoqué les bouleversements mondiaux en cours. Selon lui, ces transformations rapides sont particulièrement marquées depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis. Il a expliqué que le monde libéral, fondé sur des institutions internationales comme l'ONU, le FMI, la Banque mondiale et l'OMC, perd progressivement de son influence. Il a précisé qu'on se dirige désormais vers un monde où les puissants, capables d'imposer leur volonté, dominent, et que cela n'est pas une source de réjouissance, notamment pour les pays qui croyaient en l'ordre libéral mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Ferid Belhaj a souligné que le grand défi actuel est d'adapter le monde à cette nouvelle dynamique. Selon lui, deux options sont possibles : établir de nouvelles alliances ou revoir la manière d'interagir avec les institutions et avec les Etats-Unis. Il a insisté sur le fait que les pays vulnérables, en particulier, doivent se repositionner pour éviter de subir ces changements de manière brutale.
À propos de la redéfinition des relations internationales, Ferid Belhaj a ajouté qu'elle concerne à la fois les grandes puissances et les économies plus petites. Il a précisé qu'il n'apprécie pas le terme « fragiles » pour désigner ces économies, préférant parler d'économies qui, bien que n'ayant pas la même force de frappe, existent et doivent s'ouvrir davantage aux marchés. Elles doivent aussi adopter des réformes profondes tout en restant protégées contre les abus des puissants. Ferid Belhaj a mis en garde : si les institutions internationales perdent de leur influence, ces pays se retrouveront sans recours pour rééquilibrer les relations lorsqu'elles tourneront en leur défaveur.
Lors des récentes réunions du FMI et de la Banque mondiale à Washington, il a été possible d'observer une inquiétude grandissante face à la possibilité d'un retrait des Etats-Unis de ces institutions. Cependant, le secrétaire au Trésor américain a rassuré, expliquant que non seulement ils ne se retireraient pas, mais qu'ils souhaitent jouer un rôle encore plus important. Ferid Belhaj a toutefois souligné que cette efficacité prônée par les Etats-Unis risquait avant tout de servir leurs propres intérêts. Il a observé que l'influence des Etats-Unis sur ces institutions est désormais directe, sans filtre, et que ce n'est plus le multilatéralisme tel qu'on le connaissait auparavant.
En ce qui concerne la région MENA, Ferid Belhaj a souligné que les mutations mondiales ne sont pas récentes. Il a rappelé que, depuis des années, on insiste sur la nécessité pour les économies de la région de s'engager dans des réformes profondes. « Ce sont les citoyens, qu'ils soient Tunisiens, Marocains, Algériens ou Egyptiens, qu'il faut permettre de bénéficier de ces réformes », a-t-il expliqué. Il a ajouté que le modèle où l'Etat décide de tout doit être abandonné, car il a montré ses limites partout dans le monde. Pour lui, l'Etat doit désormais se contenter de définir les grandes orientations économiques et garantir l'équité, sans interférer dans l'entrepreneuriat. Le secteur privé, de son côté, doit pouvoir jouer un rôle majeur sans devenir prédateur. Il a insisté sur l'importance de trouver un équilibre entre efficacité économique et justice sociale. « Ni un capitalisme débridé, ni un étatisme étouffant », a-t-il martelé, tout en soulignant que plusieurs pays parviennent à trouver ce juste milieu. Si ce modèle est adopté dans la région, il croit que les économies pourraient devenir plus résilientes face aux crises mondiales.
Concernant les opportunités offertes par ces bouleversements, Ferid Belhaj a affirmé qu'il y en avait. « L'Europe est en difficulté », a-t-il observé, « et des investissements qui allaient auparavant vers l'Europe pourraient être redirigés vers notre région, à condition de créer un climat favorable. » Il a insisté sur la nécessité de simplifier les lois, de réduire la bureaucratie et de limiter l'emprise de l'Etat sur l'économie pour attirer ces investissements. Selon lui, les pays du Maghreb, de la Libye à l'Egypte, peuvent tirer parti de cette conjoncture si des réformes structurelles courageuses sont mises en place. Enfin, Ferid Belhaj a conclu en soulignant que le principal problème de la région MENA demeure l'implication excessive de l'Etat dans l'économie. « Ce modèle ne fonctionne plus », a-t-il affirmé. Il estime que le salut viendra d'une redéfinition du rôle de l'Etat et d'une libération des forces productives, permettant ainsi l'émergence d'une dynamique économique nouvelle et pérenne.