Une nouvelle vague de harcèlement frappe les prisonniers politiques tunisiens. Après le transfert récent de plusieurs détenus condamnés dans l'affaire dite de complot contre la sûreté de l'Etat, la famille de Ghazi Chaouachi dénonce une opération brutale, violente et illégale menée mercredi 28 mai 2025. Dans un témoignage poignant publié ce vendredi 30 mai, Youssef Chaouachi, fils de l'ancien ministre et opposant politique, décrit les conditions particulièrement violentes du transfert de son père depuis la prison de la Mornaguia vers celle d'Ennadhour à Bizerte. Selon lui, Ghazi Chaouachi a été informé la veille par un agent pénitentiaire de son déplacement imminent. Il a immédiatement refusé, rappelant que la loi interdit le transfert d'un détenu sans jugement définitif, en particulier vers un établissement éloigné de sa résidence et de sa famille. Mais dès 19h, « huit agents cagoulés ont fait irruption dans sa cellule, l'ont menotté de force, violenté, puis transporté dans un véhicule pénitentiaire alors qu'il avait perdu connaissance. Durant les deux heures de trajet vers la prison d'Ennadhour, Ghazi Chaouachi a été pris de vomissements et de vertiges, sans recevoir aucun soin. Ce n'est qu'à l'arrivée que le personnel médical de l'établissement a tenté de le prendre en charge ». Toujours selon Youssef Chaouachi, son père a été placé dans une cellule surpeuplée, comptant plus de vingt détenus, tous condamnés à des peines très lourdes, allant jusqu'à la perpétuité ou la peine de mort. La famille annonce son intention de déposer une plainte pour torture contre le directeur de la prison de la Mornaguia, le chef de la direction générale des prisons, la ministre de la Justice Leila Jaffel et le président de la République Kaïs Saïed, devant les juridictions tunisiennes et internationales. « Nous tenons la bande au pouvoir pour responsable de l'intégrité physique de Ghazi Chaouachi », conclut Youssef.
Le transfert de Ghazi Chaouachi survient dans un contexte de pression accrue contre les opposants politiques. Son avocat, Me Abdorahman Hassen Chouchane, avait déjà dénoncé cette politique de dispersion à l'encontre des détenus, après le transfert de Ridha Belhadj à Siliana, de Issam Chebbi à Borj Erroumi, de Kamel Bedoui à Sers, et de Kamel Letaïef à Borj El Amri. Aucun de ces transferts n'a été officiellement justifié, mais ils visent clairement à éloigner les prisonniers de leurs familles et de leurs avocats. Me Dalila Ben Mbarek Msaddek, avocate de la défense dans cette affaire, voit dans ces déplacements une stratégie délibérée d'isolement et d'humiliation : « Le pouvoir ne se contente plus d'arrêter des innocents sans preuves. Il veut désormais les briser, les couper de tout soutien, leur interdire même la maigre consolation de visites légales… ».