Alors qu'elle venait tout juste de réussir le prestigieux concours de résidanat en médecine, Sara Chaouachi n'a pas pu partager la nouvelle avec son père. Ce jeudi 29 mai 2025, elle a choisi de briser le silence sur les réseaux sociaux, dénonçant une nouvelle épreuve infligée à sa famille : le transfert brutal et sans justification de son père, Ghazi Chaouachi, figure de l'opposition politique, détenu dans le cadre de l'affaire dite de complot contre la sûreté de l'Etat. « Ils ont osé. » C'est par ces mots simples et glaçants que commence son témoignage. Elle explique avoir attendu, avec une émotion mêlée d'anxiété, de pouvoir enfin annoncer sa réussite à son père. Mais ce moment tant espéré s'est effondré brutalement. À la prison de Mornaguia, les avocats ne l'ont même pas trouvé. Ghazi Chaouachi avait été transféré, en toute discrétion, vers le centre pénitentiaire d'Ennadhour, dans le gouvernorat de Bizerte.
« Pas un mot, pas un avis, pas même un semblant de respect. Juste le silence et la perfidie », écrit Sara, révoltée par ce qu'elle qualifie de « pure méchanceté institutionnelle ». Pour elle, ce transfert soudain est bien plus qu'un simple changement d'établissement : c'est une forme de torture psychologique, tant pour le détenu que pour ses proches. Elle s'interroge, angoissée : « Où est-il maintenant ? Avec qui sera-t-il enfermé ? L'a-t-on déplacé de force ? Dans quelles conditions ? » Des questions restées sans réponse, qui témoignent de l'opacité totale entourant le sort réservé aux prisonniers politiques.
Le cas de Ghazi Chaouachi n'est pas isolé. Le Front de salut national a dénoncé ce jeudi le transfert simultané de plusieurs détenus accusés de complot, parmi lesquels les avocats Ridha Belhadj, Issam Chebbi, ainsi que les opposants Kamel Bedoui et Kamel Letaïef. Répartis dans des prisons éloignées les unes des autres, ces prisonniers sont désormais plus difficilement accessibles à leurs proches et à leurs avocats. Une stratégie d'éclatement que le Front qualifie de représailles ciblées. Le même sort a été réservé à la journaliste Chadha Haj Mbarek, transférée de la prison pour femmes d'El Messadine à Sousse vers la prison civile de Belli (Nabeul), sans aucune information officielle sur les raisons de ce transfert. Pour les avocats de la défense, cette dispersion vise à briser les liens familiaux et à affaiblir les réseaux de soutien. Elle s'ajoute, selon eux, à un procès expédié en à peine trente secondes, basé sur des témoignages anonymes. Le Front de salut national appelle aujourd'hui les forces politiques et la société civile à se mobiliser contre ce qu'il considère comme une dérive autoritaire alarmante. Sara, elle, refuse de baisser les bras. Elle conclut son message par ces mots sans appel : « Ni oubli. Ni pardon. » Une phrase chargée de douleur, mais aussi de résistance.