Face aux récentes arrestations d'ingénieurs dans le cadre de l'affaire du stade olympique de Sousse, l'Ordre des ingénieurs tunisiens a exprimé son indignation dans un communiqué publié vendredi 30 mai 2025. L'organisation y dénonce une procédure précipitée, menée en l'absence d'expertises techniques préalables, et appelle à la libération immédiate des ingénieurs placés en détention. « Une atteinte aux garanties professionnelles » Dans son communiqué, l'Ordre fait part de sa préoccupation croissante face à la multiplication des arrestations d'ingénieurs impliqués dans des projets publics, sans que les responsabilités techniques aient été clairement établies au préalable. Le cas du stade olympique de Sousse — dont la livraison dans un état défectueux a suscité une vague de critiques et conduit à l'ouverture d'une enquête judiciaire en 2023 — cristallise aujourd'hui ces inquiétudes. « Nous tenons à rappeler que les problèmes dans les projets de génie civil requièrent des analyses techniques approfondies avant de pouvoir conclure à des fautes ou à des négligences », souligne le doyen de l'Ordre, l'ingénieur Kamel Sahnoun. L'organisation regrette que la justice ait ordonné des arrestations avant la remise des rapports d'expertise, considérés comme essentiels pour cerner les responsabilités.
Un appel à la libération des ingénieurs et à une réforme législative L'Ordre des ingénieurs appelle donc la justice tunisienne à reconsidérer les mesures privatives de liberté et à libérer les professionnels concernés, dans l'attente des conclusions d'expertises indépendantes. Il réaffirme par ailleurs que les fautes techniques devraient d'abord être examinées par le Conseil de discipline de l'Ordre, et non directement portées devant les tribunaux. Dans ce contexte, l'Ordre renouvelle une revendication de longue date : l'adoption d'une loi sur la responsabilité de l'ingénieur, qui encadrerait juridiquement le traitement des fautes professionnelles à caractère technique, en distinguant clairement les responsabilités pénales des erreurs d'appréciation ou de conception, souvent liées à la complexité des projets.
Un projet symbole de dérives systémiques Le parquet près le Tribunal de première instance de Sousse 1 a ordonné cette semaine la détention de l'architecte ayant réalisé l'étude du projet, ainsi que de deux hauts responsables du ministère de l'Equipement ayant validé ou attribué les différentes phases du chantier. Un ancien ministre et d'autres hauts fonctionnaires devraient être entendus prochainement. Après des années de travaux et plus de 60 millions de dinars investis, le stade a été livré dans un état jugé non conforme aux normes de la CAF, avec des défauts de conception, des équipements inadaptés et une mauvaise visibilité dans les gradins.
Entre justice et respect des procédures techniques L'Ordre des ingénieurs insiste sur la nécessité de faire toute la lumière sur les responsabilités réelles, tout en respectant les droits fondamentaux des professionnels du secteur. Il met en garde contre une criminalisation des ingénieurs avant même que la réalité des fautes ne soit prouvée. « Nous ne défendons pas l'impunité, mais le respect de procédures justes et techniquement fondées », conclut le communiqué.