Le flou entoure la récente visite du Groupe d'action financière (GAFI) et de l'organisme régional MENAFATF en Tunisie. Aucune déclaration officielle n'a été faite ; seuls quelques échos laissent entendre une insatisfaction liée à certaines législations tunisiennes et aux mécanismes de contrôle financier. C'est ce qu'a indiqué l'économiste Ridha Chkoundali ce mercredi 4 juin 2025, sur Express Fm, en évoquant un risque potentiel de réinscription de la Tunisie sur la liste grise d'ici 2026 ou 2027 – voire sur la liste noire, si les manquements persistent. Selon lui, malgré la mise en place récente, par le Conseil du marché financier, d'un nouveau dispositif destiné à renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme – en coordination avec les structures de la Banque centrale –, les inquiétudes demeurent. « Nous disposons de bons mécanismes de contrôle, je ne pense pas qu'ils puissent ne pas convaincre le GAFI », a-t-il souligné. Et même en cas de retour sur la liste grise, Ridha Chkoundali estime que les répercussions économiques resteraient limitées, le volume d'investissements étrangers en Tunisie étant déjà modeste. L'économiste met toutefois en garde contre les effets pervers du retour en force de l'économie informelle, notamment dans le sillage de la réforme controversée de la loi sur les chèques. Celle-ci a contribué à une augmentation de la masse monétaire circulant en dehors des circuits organisés, ce qui alimente les soupçons des organismes internationaux quant à d'éventuels cas de blanchiment ou de financement illicite. Ridha Chkoundali rappelle que la Tunisie avait pourtant satisfait aux exigences du GAFI, ce qui lui avait permis de sortir de la liste noire en octobre 2019. Mais le mauvais usage de certaines recommandations – notamment dans le cadre du contrôle des associations – semble aujourd'hui ternir les efforts réalisés.
Autre point d'inquiétude : la persistance des transactions en espèces, qui freine la transition numérique des opérations financières. « Lorsque les paiements ne passent ni par les virements bancaires ni par les cartes, cela ouvre la voie au financement de réseaux illégaux », avertit-il. Pour lui, même avec des instances de contrôle performantes, il devient difficile de surveiller les flux dans un contexte où la circulation de cash atteint des niveaux élevés. Face à ce constat, il appelle à des mesures audacieuses, notamment une possible amnistie fiscale sur les liquidités, en particulier en devises, circulant sur le marché noir. Si ces fonds étaient réintégrés dans les circuits formels, cela pourrait certes susciter des soupçons à court terme, mais offrirait à long terme un levier positif pour l'économie tunisienne.
Revenant sur la loi sur les chèques, Chkoundali déplore un retour en arrière : « On avait interdit les paiements en espèces de plus de 5.000 dinars pour inciter à l'intégration de l'économie informelle, puis cette mesure a été abandonnée pour soutenir l'activité des entreprises. » Quant aux prévisions économiques pour 2025, l'objectif officiel de 3,2% de croissance paraît, selon lui, difficile à atteindre. « Si l'on parvient à en réaliser la moitié, ce sera déjà un bon résultat. » Il critique au passage des politiques fiscales et réglementaires jugées « improvisées », appelant à des réformes urgentes.
En conclusion, Ridha Chkoundali estime que seul un climat des affaires clair et stable – fondé sur une fiscalité cohérente, des procédures administratives simplifiées et une politique monétaire lisible – peut attirer les investisseurs. Il appelle également la Banque centrale à clarifier les tenants et aboutissants de la récente mission du GAFI et de MENAFATF, et à publier une feuille de route en concertation avec le gouvernement afin d'éviter une nouvelle inscription sur les listes grise ou noire.