S'il y a un domaine dans lequel la Tunisie excelle ces dernières années, c'est bien celui de la propagande. Ce week-end, l'agence de presse officielle TAP a publié une dépêche triomphaliste, annonçant que les investissements directs étrangers (IDE) auraient bondi de 61 % entre 2020 et 2024, passant de 1,8 milliard à 2,9 milliards de dinars. Une progression impressionnante… sur le papier. Avec ce chiffre mis en avant sans le moindre recul, le message est clair : l'économie tunisienne attire à nouveau les investisseurs et serait en pleine santé. Sauf que cette lecture des chiffres tient davantage du tour de passe-passe que de l'analyse sérieuse. Sur le plan strictement comptable, la donnée est exacte. Les IDE étaient de 1,8 milliard de dinars en 2020, puis également en 2021, et ont atteint 2,9 milliards en 2024.
Une communication gouvernementale qui manipule les comparaisons Mais ce que la TAP oublie volontairement de rappeler, c'est que les années 2020 et 2021 étaient des années marquées par la pandémie de Covid-19. L'économie mondiale était à l'arrêt, les flux d'investissement gelés. Prendre ces deux années comme point de référence revient à établir une progression artificielle. Si l'on revient à une base de référence plus crédible, les choses changent radicalement. En 2018, les IDE atteignaient déjà 2,7 milliards de dinars. En 2019, année électorale donc atypique, ils étaient encore à 2,4 milliards. Autrement dit, les 2,9 milliards annoncés pour 2024 n'ont rien d'exceptionnel. Pire : en tenant compte de l'inflation cumulée entre 2018 et 2024 et de la dépréciation continue du dinar tunisien, ces chiffres traduisent en réalité une régression en valeur réelle. Présenter cette stagnation déguisée en embellie spectaculaire, voilà le dernier tour de magie d'une communication gouvernementale qui transforme la gestion de crise en réussite inventée. Une croissance de 61 %, certes… mais uniquement dans le monde parallèle des graphiques décontextualisés.