En 2024, les laboratoires Unimed ont enregistré un chiffre d'affaires en hausse de 8,6 % et un bénéfice net multiplié par plus de trois. Des performances remarquables pour l'un des fleurons de l'industrie pharmaceutique tunisienne, qui confirment la solidité du modèle économique de l'entreprise. Et ce, en dépit de la détention de son fondateur, Ridha Charfeddine, condamné à plusieurs peines de prison. Fondée en 1989 par le pharmacien Ridha Charfeddine, Unimed s'est imposée comme un acteur clé de l'industrie pharmaceutique tunisienne. Spécialisée dans la fabrication de médicaments injectables, ophtalmiques et de collyres, la société s'est hissée au rang des plus importantes structures exportatrices du secteur, avec un positionnement fort sur les marchés africains, européens et du Golfe. Unimed est cotée en bourse depuis 2016 et contrôle trois filiales consolidées : Unimed Distribution, la Société Industrielle de Services Pharmaceutiques (SISP) et Unimed Maroc SA, détenues à 100 % ou à près de 100 %. Le groupe détient également des participations non consolidées, comme dans la société Promochimica (17,5 %) ou dans des structures liées telles que Sarra Huiles, avec laquelle Unimed entretient des liens financiers via un compte courant associé. L'ensemble est une fierté de l'industrie tunisienne et constitue un groupe intégré, adossé à un outil industriel performant et à une politique de certification rigoureuse (GMP/WHO notamment), qui lui permet de se maintenir à des standards internationaux.
Une croissance soutenue et un bond spectaculaire des bénéfices Les états financiers consolidés au 31 décembre 2024, publiés cette semaine, parlent d'eux-mêmes : le chiffre d'affaires d'Unimed a atteint 147,8 millions de dinars, en progression de 8,6 % par rapport à l'exercice précédent (136,1 millions de dinars). Une croissance saine, portée à la fois par le marché local et par les exportations. Mais c'est surtout la rentabilité qui impressionne. Le résultat net consolidé s'élève à 19,37 millions de dinars, contre 5,54 millions en 2023, soit une hausse de 249 %. Un triplement des bénéfices dans un contexte économique difficile, et alors même que l'entreprise fait face à l'absence prolongée de son actionnaire principal, poursuivi et condamné dans plusieurs affaires judiciaires. La trésorerie nette est, elle aussi, repassée dans le vert, atteignant 17,1 millions de dinars fin 2024, contre un déficit de 480 mille dinars un an plus tôt. Le résultat d'exploitation progresse de 15,7 %, à 33,3 millions de dinars, signe d'une excellente maîtrise des charges et d'un fonctionnement opérationnel solide.
Des réserves notées, mais pas de menaces systémiques Les états financiers sont accompagnés d'une opinion avec réserve émise par les commissaires aux comptes Abir Matmti et Ahmed Ayadi. La première réserve est liée à une participation minoritaire dans la société Promochimica (17,5 %), pour laquelle aucun état financier récent n'a pu être obtenu. Le risque porte sur une éventuelle perte de valeur de cette participation et sur un prêt d'un million de dinars qui n'a pas été provisionné. À cela s'ajoute un contrôle fiscal toujours en cours couvrant les exercices 2020 à 2023, dont les résultats ne sont pas encore arrêtés. Ces éléments sont mentionnés dans les annexes, sans remise en cause de la sincérité globale des comptes. Ils traduisent surtout une prudence formelle imposée par les normes d'audit, sans incidence directe sur la dynamique de l'entreprise.
Acharnement judiciaire ou règlement de comptes ? Le cas d'Unimed est d'autant plus remarquable que l'entreprise évolue dans un contexte de forte tension judiciaire et politique. Depuis fin 2023, Ridha Charfeddine, fondateur historique et actionnaire de référence d'Unimed, fait l'objet de multiples procédures judiciaires, toutes indépendantes de l'activité de la société. Condamné à seize ans de prison dans l'affaire dite du « complot contre la sûreté de l'Etat », puis à trois ans supplémentaires assortis d'une amende de 72 millions de dinars pour des transferts de fonds illicites à l'étranger, il comparaît désormais dans un troisième procès pour blanchiment d'argent, toujours en cours. Malgré ces épisodes judiciaires successifs, aucun élément ne laisse penser que les activités d'Unimed soient concernées. Les comptes de la société n'ont pas été affectés par ces affaires, et l'entreprise a continué à fonctionner normalement, sous l'autorité de ses organes dirigeants. Quant aux poursuites judiciaires, plusieurs pensent qu'il s'agit d'un règlement de comptes à l'intérieur du lobby sahélien et entre politiciens. M. Charfeddine ayant été longtemps politicien influent dans la région et député.
Une continuité exemplaire, malgré l'absence du fondateur Toujours est-il que les résultats exceptionnels montrent à quel point Unimed a su organiser sa continuité managériale, même en l'absence de son fondateur. Cela tient sans doute à la structure de gouvernance mise en place depuis plusieurs années, mais aussi à la capacité du management à isoler les turbulences externes de la réalité industrielle et financière. En Tunisie comme ailleurs, il est rare qu'une entreprise continue à prospérer malgré la mise en détention prolongée de son actionnaire principal. Le cas Unimed fait donc figure d'exception, et interroge indirectement sur la pertinence des accusations visant M. Charfeddine. S'il y avait eu de véritables malversations financières, l'entreprise en aurait porté les stigmates. Or, c'est l'inverse qui se produit.
Une page qui reste à écrire Unimed clôture l'année 2024 sur une dynamique positive et rassurante. Mais des incertitudes persistent : celles liées à la gouvernance à long terme, à l'issue des procès en cours, et à la capacité de l'entreprise à préserver ses relais de croissance à l'international. En attendant, les résultats sont là. Solides. Nets. Rassurants. Et c'est peut-être cela, au fond, la meilleure réponse à l'orage judiciaire et les commentaires des réseaux sociaux qui secouent l'un de ses fondateurs : une entreprise qui ne ploie pas, et qui avance.