L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a tiré la sonnette d'alarme, samedi 16 août 2025, après l'arrestation musclée, par des agents de police en civil, du juge Mourad Messaoudi à son domicile. L'organisation professionnelle dénonce un « enlèvement » en violation flagrante de l'immunité judiciaire et condamne ce qu'elle qualifie de « grave dérive autoritaire ». Selon l'AMT, l'intervention s'est déroulée en dehors des procédures légales encadrant les poursuites visant les magistrats, alors même que Mourad Messaoudi avait été rétabli dans ses fonctions par une décision du tribunal administratif en août 2022, quelques semaines après sa révocation controversée par décret présidentiel n°516 du 1er juin 2022. Ce statut, rappelle l'association, lui confère la pleine protection constitutionnelle liée à la fonction judiciaire, notamment l'immunité. L'arrestation brutale serait intervenue en présence de membres de sa famille, dont des enfants, qui auraient eux aussi subi des violences lors de l'intervention. Une démonstration de force que l'AMT juge « injustifiée et indigne d'un Etat de droit ».
L'association souligne que les magistrats sont, comme tout citoyen, soumis à la loi, mais insiste pour que toute poursuite à leur encontre se fasse dans le strict respect des procédures constitutionnelles, en particulier celles relatives à la levée de l'immunité. Le bureau exécutif de l'AMT dit craindre que cette opération ne soit motivée par des considérations politiques, Mourad Messaoudi étant connu pour ses prises de position critiques à l'égard du pouvoir et pour sa candidature à la dernière élection présidentielle. Il y voit une tentative d'intimidation destinée à « le faire taire » et à « saper l'indépendance de la justice ». Affichant sa solidarité totale avec le magistrat et sa famille, l'AMT exige sa libération immédiate, l'abandon de poursuites jugées illégales et le respect strict des garanties constitutionnelles accordées aux juges. Elle appelle également les autorités politiques à traiter le dossier des magistrats révoqués avec « raison » et à réexaminer leurs situations afin de leur rendre justice.
Cet incident survient dans un climat déjà tendu entre l'exécutif et le pouvoir judiciaire. Depuis la révocation de 57 magistrats à l'été 2022 et la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature, les organisations professionnelles et les instances internationales ne cessent d'alerter sur les atteintes à l'indépendance de la justice en Tunisie.