Les 8 et 9 septembre 2025, les navires de la flottille Al Soumoud sont frappés par des projectiles lumineux venus du ciel. Pour les témoins : des drones. Pour le régime tunisien : des mégots. Dans la Tunisie de 2025, le briquet devient arme de guerre et l'explication officielle, gag national. Sur le port de Sidi Bou Saïd, une foule bigarrée se tasse. Militants sincères, curieux désabusés, badauds fascinés : tous viennent soutenir la flottille comme on jette une bouteille à la mer. Pathétique, éparse, mais sincère. Et pourtant, pour un pouvoir si prompt à hurler son soutien à Gaza, une sorte de prise de conscience ? Cette mobilisation devient… gênante. Trop soutenir la flottille, c'est risquer d'énerver le grand manitou de Washington. Le mégot, nouvelle arme de destruction massive La Garde nationale explique qu'un gilet de sauvetage enflammé par un briquet ou un mégot suffit à incendier un navire. Les relais zélés inventent « barbecue de poisson », militants ivres et chaos à bord. Bref, tout sauf un drone. Le lendemain, silence radio. Le mégot a rendu l'âme. Trois versions officielles circulent, puis une quatrième parle d'« acte prémédité ». Les slogans souverainistes s'évaporent comme de la fumée. La communication officielle s'écrase, pathétique et incohérente. Quelques souvenirs rappellent que rien n'a vraiment changé. Sous Ben Ali, en 2002, après l'attentat de la Ghriba à Djerba, le régime minimisait l'affaire, parlant d'une bonbonne de gaz qui se baladait. Le pouvoir a toujours du mal à réaliser que la gestion des évènements graves et de la communication est le reflet de la crédibilité des dirigeants en place. Chez nous, les choses suivent le même schéma qu'en 1960 : minimisation, déni, cacophonie. La liste est longue : Hammam Chott 1985, Abou Jihad 1988, Mohamed Zouari 2016. Alors, les citoyens, quand on leur raconte aujourd'hui que la flottille a failli brûler à cause d'une cigarette, ils rient… mais amèrement. Ici comme ailleurs, rien n'a vraiment changé chez nos décideurs qui ont du mal à réaliser qu'en 2025 les réseaux sociaux ne pardonnent pas l'amateurisme et encore moins le mensonge. Quand les réseaux sociaux fument l'Etat La cacophonie et les silences embarrassés montrent que le pouvoir si prompt à défoncer les portes ouvertes s'est révélé incapable de gérer la crise. Et quand la vérité est trop cruelle c'est l'humour qui prend le relai. Les réseaux sociaux ont transformé le scénario en sketch national : drones-cigarettes, missiles-briquets, propagandistes ridiculisés.
En matière de communication de crise, des leçons pourraient être retenues Rapidité, cohérence et transparence restent des impératifs universels face à une crise, encore faut-il être armé pour affronter ce genre de situation. Les tâtonnements et les improvisations démontrent que le pouvoir en place, comme ses prédécesseurs, ne l'est pas. L'incapacité des responsables à gérer la communication de crise a fait les choux gras de la presse internationale. Sur le plan national, le souverainisme rhétorique reprise à satiété en prend un sacré coup et s'écrase devant la réalité géopolitique. Certes les discours enflammés pro-palestiniens, revendiquant la libération de toute la Palestine historique plaisent au peuple et en plus ils ne coutent rien. La réalité est que devant la moindre action concrète la peur de froisser Washington, révèle le décalage entre ambitions proclamées et capacités réelles.
La crédibilité des officiels en prend un coup À un moment où la rumeur et la conviction personnelle deviennent malheureusement trop souvent « la vérité », ce genre de couac est du pain béni pour les fakes news et les versions les plus farfelues. Heureusement que l'humour tunisien et la dérision sur les réseaux sociaux sont là pour contrecarrer les communiqués absurdes. Enfin, la mobilisation populaire est révélatrice du désespoir de la rue tunisienne. La foule sur le port, désordonnée mais passionnée, illustre à la fois ce besoin de s'exprimer, le profond attachement populaire à la cause palestinienne et le désarroi de la population face à l'inaction du pouvoir depuis le 7-Octobre. L'absence de liberté de la presse ne peut que générer une communication absurde et cacophonique. Ici, les drones n'existent pas. Seuls les mégots volent. Et la souveraineté se fume, à la barbe des citoyens désespérés, impuissants de voir les Palestiniens se faire massacrer avec la complicité silencieuse des régimes arabes.