Les chiffres publiés par l'Institut national de la statistique (INS) sont implacables : la Tunisie s'enfonce dans une dynamique démographique préoccupante. En 2024, le pays a enregistré une chute de près de 10 % du nombre de mariages et de naissances, confirmant une tendance qui s'installe depuis plusieurs années. Selon la note mensuelle de l'INS de juillet, seuls 70.942 mariages ont été contractés en 2024, contre 78.115 en 2023. Les naissances suivent la même pente : 133.322 nouveau-nés en 2024, contre 147.242 l'année précédente. En un an, la Tunisie a perdu plus de 14.000 naissances. Le recensement de 2024 confirme l'ampleur du basculement. Le taux de fécondité s'établit désormais à 1,7 enfant par femme, très en deçà du seuil de renouvellement des générations (2,1). Quant au taux de croissance démographique annuel, il n'a pas dépassé 0,87 % sur la période 2014–2024, soit le plus bas niveau depuis l'indépendance.
Ces chiffres ne sont pas que des statistiques : ils traduisent des mutations profondes. L'âge au mariage recule, la maternité est retardée, et la conjoncture économique pèse lourdement sur les choix familiaux. À cela s'ajoute une transformation des modèles sociaux : l'individualisation progresse, et la cellule familiale traditionnelle perd de sa centralité. Ce basculement démographique n'est pas sans conséquence. La pyramide des âges se modifie rapidement : moins de jeunes, plus de seniors. Un cocktail explosif pour un pays qui doit déjà gérer un marché du travail saturé, des systèmes de santé fragiles et une sécurité sociale sous tension. Des spécialistes alertent : sans politiques volontaristes, la Tunisie risque de se retrouver dans quelques années face à une équation intenable, une population active insuffisante pour financer les retraites et prendre en charge des besoins sociaux croissants.