Une conférence de presse s'est tenue, mardi 30 septembre 2025, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), en soutien à l'ancien juge et avocat Ahmed Souab, incarcéré depuis le 21 avril. Plusieurs organisations, avocats, défenseurs des droits humains ainsi que des proches ont réaffirmé leur solidarité et dénoncé un procès jugé inéquitable. Dans son intervention, le président du SNJT, Zied Dabbar, a rappelé que le dossier d'Ahmed Souab ne relevait pas d'un simple débat procédural, mais d'une affaire éminemment politique. « Il faut se demander si le pouvoir en place garantit réellement les conditions d'un procès équitable ou s'il menace toute voix opposante d'emprisonnement », a-t-il déclaré. M. Dabbar a insisté sur la nécessité de préserver l'unité autour des causes justes et a exprimé l'espoir de voir l'audience de l'ancien magistrat fixée rapidement. « Nous croyons en son innocence. C'est absurde qu'on le poursuive, alors que d'autres demeurent libres », a-t-il ajouté, réaffirmant la foi du SNJT en la liberté d'expression et en une justice indépendante. Mandaté par le bâtonnier, l'avocat Adel Messaoudi a transmis le message de l'Ordre national des avocats : « Nous poursuivrons la lutte pour la liberté d'expression et l'instauration d'une justice indépendante », a-t-il affirmé.
Pour sa part, le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), Bassem Trifi, a dénoncé une campagne politique visant à « laminer l'opposition ». Selon lui, Ahmed Souab « n'est pas un criminel mais un militant courageux, une voix libre qui croupit en prison depuis 160 jours ». Il a rappelé que l'ancien magistrat « ne portait pas d'armes, mais la robe d'avocat », soulignant que son procès relevait d'une logique répressive frappant activistes, membres de la société civile et détenus politiques. M. Trifi a averti que la rentrée judiciaire s'annonçait avec une série de procès assortis de verdicts lourds, certains militants étant déjà détenus depuis plus de 500 jours. « Nous ne serons pas dissuadés de notre responsabilité morale : défendre chaque prisonnier politique et dénoncer les pratiques répressives », a-t-il martelé. De son côté, l'avocat Fedi Snene, membre du comité de défense, a précisé qu'Ahmed Souab était poursuivi en vertu de la loi antiterroriste, du décret 54, du Code pénal et du Code des télécommunications. Malgré un appel interjeté, la chambre d'accusation a confirmé la décision de le renvoyer devant la chambre criminelle. « Nous avons choisi de ne pas nous pourvoir en cassation, car l'expérience a montré qu'il n'y a rien à en attendre, sinon une prolongation des délais », a-t-il expliqué.
Me Snene a par ailleurs souligné une entrave procédurale majeure : le juge du pôle antiterroriste ayant instruit l'affaire est aujourd'hui président de la chambre criminelle, ce qui pose un problème de légalité. Il a également dénoncé une vaste campagne de diffamation contre son client, menée par un individu se présentant comme journaliste, contre lequel une plainte a été déposée depuis le 29 juillet, sans suite judiciaire. « Nous appelons à la fixation urgente d'une audience publique et présentielle. Nous continuerons à défendre Ahmed Souab avec détermination », a conclu l'avocat. Présent à la conférence, le fils d'Ahmed Souab, Saeb, a tenu à livrer un témoignage personnel. Il a assuré que son père « garde le moral » et qu'il considère cette épreuve comme « un marathon qui demande souffle et patience », ajoutant qu'il poursuivra la lutte pour l'avenir de la Tunisie.
Saeb Souab a salué le courage de son père, rappelant que son parcours a déjà été reconnu à l'international par des distinctions prestigieuses. Ahmed Souab a, en effet, reçu le Prix Ebru Timtik 2025, qui récompense son engagement en faveur de l'Etat de droit et des garanties d'un procès équitable. De même, la Conférence internationale pour un procès équitable, tenue à Bruxelles en juin 2025, a choisi la Tunisie comme pays central de ses travaux, plaçant l'affaire Souab au cœur de l'attention internationale. « Pourtant, son pays l'a récompensé par la prison », a déploré son fils, rappelant que « le procès équitable est la lutte ancestrale d'Ahmed Souab, menée durant des décennies, sous différents régimes ». Il a révélé que son père avait demandé le dépôt de plaintes contre un juge et un membre du gouvernement, ce qui a été fait, mais sans avancée, dénonçant une « justice à deux vitesses ». Le comité de soutien prévoit également de saisir le Conseil de la presse contre « le pseudo-journaliste à l'origine d'une campagne de diffamation ». « Chaque personne qui a participé de près ou de loin à l'emprisonnement de mon père sera poursuivie. La roue tourne », a conclu Saeb Souab.