La paix est un mot qui a trop souvent été vidé de son sens au Proche-Orient, il a été transformé en piège à Oslo en 1993 et aujourd'hui il est un prétexte pour imposer aux Palestiniens une reddition sans condition. Le « plan de paix » de Donald Trump soutenu, sans surprise, par les monarchies arabes et l'Egypte illustre cette dérive : un projet qui parle de paix mais respire la soumission. En effet plusieurs pays arabes et musulmans se sont précipités pour l'accueillir avec soulagement – Arabie saoudite, Egypte, Jordanie, Emirats arabes unis, Qatar –, donnant à ce simulacre un vernis de légitimité régionale. L'encre de l'accord n'était pas encore sèche, qu'elles ont été trahies puisque le projet initial a été modifié sans leur accord. C'est dire à quel point on peut faire confiance à Trump.
Trois conditions semblent évidentes : 1. Le Hamas doit accepter l'ultimatum américano-israélien sans discussion. La paix y est synonyme de reddition. 2. Benjamin Netanyahou doit « jouer le jeu ». L'homme qui a torpillé Oslo et bloqué la création d'un Etat palestinien se retrouve garant d'un processus qui lui offre carte blanche pour poursuivre la colonisation. 3. Donald Trump lui-même est présenté comme l'architecte d'une paix « historique », alors que son rôle est celui d'un juge et partie, aligné sur Israël. Faut-il rappeler le transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem et les centaines de veto et déclarations humiliantes contre les Palestiniens ? En filigrane, une quatrième condition non dite : tous les pays arabes doivent rejoindre les Accords d'Abraham. Face à ce scénario, les Palestiniens sont confrontés à un choix impossible : affamés, bombardés, privés d'aide, sommés de renoncer à leur terre, leur capitale, leur droit au retour. On leur offre une paix amputée, sous tutelle, qui ne fait que légitimer l'occupation.
Vingt points qui imposent la reddition 1. Cessez-le-feu imposé sans consultation palestinienne. 2. Contrôle américain de Gaza, transformé en « Riviera du Moyen-Orient ». 3. Désarmement total du Hamas, sans réciprocité. 4. Exclusion politique du Hamas, sans dialogue ni réintégration. 5. Gouvernance internationale via un « Board of Peace », sans élections palestiniennes. 6. Reconstruction conditionnelle : aide massive subordonnée à l'acceptation du plan. 7. Fonds supervisés par l'étranger, sans contrôle palestinien. 8. Absence du droit au retour des réfugiés. 9. Colonisation non gelée en Cisjordanie. 10. Jérusalem-Est ignorée, statu quo israélien maintenu. 11. Sécurité israélienne prioritaire, sans garanties pour les Palestiniens. 12. Résistance criminalisée, assimilée systématiquement au terrorisme. 13. Division Gaza–Cisjordanie, fragilisant l'unité nationale. 14. Soutien arabe sans consultation palestinienne, perçu comme trahison. 15. Normalisation conditionnelle à l'aide, intégrant Gaza aux Accords d'Abraham. 16. Réduction du conflit à une crise humanitaire, gommant sa dimension politique. 17. Absence de calendrier contraignant, Israël libre de ne pas respecter ses engagements. 18. Sort des 11 000 prisonniers partiellement abordé, sans fin des arrestations massives. 19. Cause palestinienne dépolitisée, aucun mot sur l'occupation ou l'Etat. 20. Paix sans justice, asymétrique, imposée et illusoire. Ce plan n'est pas une négociation, mais un cadre de stabilisation sécuritaire et économique imposé aux Palestiniens, sans fin d'occupation et sans horizon souverain.
L'histoire montre qu'une paix imposée n'est jamais durable. La réconciliation naît du compromis équitable, reconnu par les deux parties. La trahison des pays frères, l'acharnement des occidentaux laissent peu de choix aux Palestiniens qui faut-il le rappeler comme tout peuple, n'aspirent pas à la guerre pour elle-même ; ils aspirent à recouvrir leurs droits et à une paix juste — une paix qui ne leur demande pas de disparaître pour espérer survivre.