La Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) a réagi, dans un communiqué publié mardi 7 octobre 2025 et signé par son président Chokri Latif, à la libération de Saber Chouchane, condamné à mort le 1ᵉʳ octobre 2025 par la chambre criminelle du tribunal de première instance de Nabeul pour des publications sur Facebook jugées offensantes envers le président de la République. Dans un texte intitulé « L'affaire Saber Chouchane – Les défis de l'indépendance de la justice et du respect du droit à la vie », la Coalition se félicite de la libération du citoyen tout en dénonçant de graves zones d'ombre entourant le processus judiciaire et la décision de libération. L'organisation dit « saluer la mobilisation de la défense, du mouvement civil tunisien et de l'opinion publique, qui ont joué un rôle déterminant dans la défense de son droit à la justice, à l'équité et à la dignité », tout en précisant que « la joie de voir Saber Chouchane retrouver sa liberté n'occulte pas la profonde tristesse suscitée par les circonstances entourant son arrestation, sa condamnation puis sa libération ». La Coalition souligne que le processus de libération est resté « ambigu, peu clair et contradictoire dans ses justifications ». Elle évoque notamment la rumeur d'une grâce présidentielle spéciale qui aurait permis la remise en liberté de Chouchane six jours après sa condamnation à mort, une hypothèse qu'elle juge illégale et contraire au Code de procédure pénale. « La grâce spéciale ne peut être accordée qu'après l'épuisement de toutes les voies de recours devant les tribunaux. En d'autres termes, elle ne s'applique qu'aux jugements définitifs et constitue, dans ce cas, une ingérence manifeste dans les affaires judiciaires et une atteinte à leur indépendance », rappelle le communiqué. La Coalition met également en doute la thèse d'une décision de la cour d'appel, soulignant que les délais d'appel n'étaient pas écoulés et qu'il est « inconcevable qu'une audience ait eu lieu sans la présence de l'avocat concerné, sans qu'une demande de libération ait été présentée, et que la remise en liberté ait eu lieu au milieu de la nuit ».
Au-delà du cas individuel de Saber Chouchane, la Coalition s'interroge sur la répétition de procès inéquitables et de jugements d'une extrême sévérité, qui touchent selon elle « les pauvres, les marginaux et les dissidents ». Elle dénonce la poursuite de l'application de textes répressifs, tels que les articles 67 et 72 du Code pénal ou le décret-loi 54, qu'elle considère comme des outils d'atteinte à la liberté d'expression. « Jusqu'à quand continuera-t-on à priver de liberté des personnes dans des affaires non pénales, qui ne constituent pas un danger pour la société, à l'instar de Saber Chouchane ? Jusqu'à quand les procès inéquitables se poursuivront-ils ? », interroge la Coalition. Enfin, l'organisation appelle à une réforme profonde du système judiciaire et pénal tunisien, estimant que l'affaire Chouchane met en lumière la nécessité de garantir l'indépendance de la justice et de consacrer définitivement le droit à la vie. « L'affaire Saber Chouchane souligne la nécessité urgente de revoir le système judiciaire et de consacrer l'abolition totale et définitive de la peine de mort », conclut le président Chokri Latif.
Saber Chouchane, âgé de quarante et un ans, originaire du Cap Bon, est un travailleur journalier et père de trois enfants. Son parcours scolaire s'est arrêté en deuxième année secondaire. Il avait été arrêté puis présenté devant le pôle judiciaire antiterroriste, avant que son dossier ne soit renvoyé devant la juridiction ordinaire de Nabeul, le pôle ayant écarté la qualification terroriste. Le 1ᵉʳ octobre 2025, la chambre criminelle du tribunal de Nabeul l'a condamné à mort par pendaison pour des publications Facebook jugées offensantes envers le président de la République. Les chefs d'inculpation portaient sur « outrage au président de la République », « atteinte visant à modifier la forme de l'Etat » et « diffusion de fausses nouvelles visant un fonctionnaire public ». Selon son avocat, Oussema Bouthelja, Saber Chouchane a été libéré tard dans la soirée du lundi 6 octobre 2025, moins d'une semaine après le prononcé du verdict.