25 organisations nationales ont tiré la sonnette d'alarme, dans un communiqué conjoint publié tard dans la soirée du samedi 11 octobre 2025, face à la situation « dramatique » à Gabès. Parmi les signataires figurent la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (LTDH), le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), l'Association tunisienne des Femmes démocrates (ATFD), le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), Intersection pour les droits et les libertés, Damj, Nomad 8, ainsi que l'Association tunisienne pour la défense des libertés individuelles (Adli), entre autres. Sous le titre évocateur « Gabès appelle à l'aide… Gabès étouffe ! », ces organisations dénoncent les fuites de gaz toxiques provenant du Groupe chimique tunisien (GCT), à l'origine, selon elles, d'une vague d'intoxications massives ayant touché 69 enfants et quatre femmes dans la zone de Chatt Essalem. Elles affirment que les émanations mortelles se sont intensifiées depuis le début du mois de septembre 2025, provoquant une colère populaire sans précédent.
Les habitants, exaspérés par ce qu'ils qualifient de « mort lente », ont manifesté vendredi devant les installations du complexe chimique pour exiger la fermeture des unités polluantes. Le communiqué évoque des « protestations massives » et reproche aux autorités de répondre par « des approches sécuritaires, l'usage de gaz lacrymogène et un silence officiel prolongé », alors que la population réclame « des solutions radicales et immédiates ». « Nous soutenons pleinement et sans condition les habitants dans leurs revendications légitimes. Nous condamnons la dispersion violente du sit-in devant le complexe chimique et l'usage du gaz lacrymogène contre les manifestants », déclarent les signataires. « Nous exigeons l'application immédiate de la décision ministérielle de juin 2017 relative au démantèlement des unités polluantes et l'ouverture d'un véritable dialogue régional et national sur un modèle de développement équitable », poursuivent-ils.
La tension n'a cessé de croître à Gabès, où les habitants dénoncent depuis des années les effets dévastateurs de la pollution industrielle sur leur santé et leur environnement. Le nouvel épisode d'intoxication enregistré vendredi a ravivé les blessures d'une région longtemps laissée pour compte. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des scènes d'urgence dans les établissements scolaires et les hôpitaux, où de nombreux enfants ont été pris en charge pour des difficultés respiratoires. Les organisations de la société civile dénoncent « un écocide silencieux » et accusent l'Etat de n'avoir « jamais tenu ses promesses » quant au démantèlement des usines les plus dangereuses. Face à l'ampleur de la crise, le président de la République, Kaïs Saïed, a reçu, dans l'après-midi du samedi 11 octobre 2025, la ministre de l'Industrie, des Mines et de l'Energie, Fatma Thabet, ainsi que le ministre de l'Environnement, Habib Abid. Selon la présidence, Kaïs Saïed a dépêché une équipe conjointe des ministères concernés à l'usine du Groupe chimique tunisien à Gabès pour remédier rapidement aux dysfonctionnements. Il suit la situation de près, relève de nombreuses irrégularités dans la maintenance et l'exploitation, et insiste sur la mise en place d'un plan stratégique global pour mettre fin aux catastrophes environnementales. « Nos concitoyens de Gabès, comme dans toutes les régions du pays, obtiendront pleinement leurs droits… une Tunisie verte, débarrassée de toute pollution », a-t-il ajouté.
La catastrophe de Gabès remet sur le devant de la scène un vieux dossier que les autorités successives n'ont jamais véritablement réglé. Entre promesses non tenues, retards accumulés et absence de solutions structurelles, la population locale estime vivre « sous perfusion toxique ». La multiplication des alertes, notamment de la part d'experts et d'associations écologiques, laisse craindre que Gabès ne devienne un symbole national de la faillite environnementale du pays.