Devant une salle bien pleine, s'est tenue la semaine dernière l'Assemblée générale de la Banque internationale arabe de Tunisie, sous la présidence de Tahar Sioud, président du Conseil d'administration. La première banque privée de Tunisie affiche une bonne santé, certes, mais les actionnaires sont mécontents de voir leur dividende réduit. L'occasion pour certains d'essayer d'enfoncer le clou D'après les résultats fournis, les chiffres clés de la BIAT sont tous en hausse. Un total bilan de 5575 MDT en hausse de 15,3%. Un PNB passant de 212,1 MDT en 2006 à 228,6 MDT en 2007 et à 260,5 MDT en 2008, soit une évolution sur une année de 14%. Le résultat net passe de 21,1 MDT à 33,7 MDT avec une progression de 56,9%. Tout est bon ? Pas vraiment, au regard des actionnaires et ils n'ont pas vraiment tort. Car la progression qu'ils attendaient n'est pas venue : le dividende par action. De 1,2 dinar l'année dernière, celui proposé cette année est de 900 millimes seulement. De quoi frustrer les présents d'autant plus que la concurrence a fait mieux. La séance de questions-réponses est entamée et M. Sioud semble pressé au point qu'il demande à ceux désirant prendre la parole, de tenir compte des temps impartis. On saura plus tard qu'il voulait rentrer pour regarder un match de foot. Un des actionnaires parle de l'association des retraités de la banque. Un autre souhaite plus de clémence à l'égard des clients qui ont donné des garanties réelles. Un troisième interroge le management sur l'implantation de la BIAT en Algérie. Visiblement pressé, M. Sioud s'apprête à répondre, mais Mustapha Chouaïeb exige de prendre la parole. L'actionnaire (fort réputé pour ses critiques sévères) avait des choses à dire et à réclamer. C'est son droit. « Je m'attendais à un grand bénéfice, dit-il. Toute l'année, on attend la récolte. J'ai placé mon argent dans une banque et quand on dit une banque, cela sonne argent ! Comparons la BIAT à l'UBCI et son bénéfice de 24 MDT pour un capital de 50 MDT. Pourquoi la Banque de Tunisie a-t-elle dégagé plus de 60 MDT de bénéfice ? Que se passe-t-il à la BIAT ? Qu'en est-il de son portefeuille, de ses placements et de ses provisions ? Pourquoi a-t-elle vendu le GAT à un prix dérisoire ? Pourquoi a-t-elle cédé la CIL alors que cette société de leasing vient de dégager une importante plus-value. Et puis, c'est quoi ces 760 millimes que vous nous offrez, alors que l'UBCI offre 1,060 et que Monoprix offre 5,600 ? Il me faut dix actions pour boire une bière dans cet hôtel ! En d'autres termes, je mobilise 400 dinars pour gagner une bière ! Nous, on fait des sacrifices. On se prive de voyages, on ne va pas à la plage et on ne roule pas en Hummer ! » La salle applaudit fortement le speech de M. Chouaïeb. Des actionnaires lui chuchotent des bravos et des mercis. Slaheddine Ladjimi, directeur général, prend la parole. Il n'est pas réputé avoir la langue dans la poche et entame la séance de réponses avec Mustapha Chouaïeb en le tutoyant : « Tu ne changeras jamais Si Chouaïeb. Je suis content de te voir. Ta comparaison avec les autres banques peut être juste, mais elle peut être fausse aussi. » M. Ladjimi expose ses arguments et laisse les chiffres parler : « Regardez le cours de l'année dernière et celui de cette année. Vous avez 15,9% d'évolution ! Ajoutez à cela le dividende qui n'est pas de 760 millimes, mais de 900 millimes. » Après avoir rappelé que le montant du dividende, en recul, était motivé par la politique de prudence dictée par les autorités à cause de la crise actuelle, le DG fait remarquer à l'assistance que l'évolution des bénéfices est, quand même, de 57%, ce qui n'est pas mal. Pour ce qui est des participations de la BIAT, M. Ladjimi indique avoir gagné grâce à elles, 2,4 MDT de dividendes, 4,4 MDT de plus value et 9 MDT de gains d'impôts avec un rendement global de 9,8%. Il admet, dans la foulée, qu'il est en train de se défaire des participations qui ne lui apportent rien. « Donnez moi du temps, Si Chouaïeb, et vous irez vous baigner, boire votre café et faire votre kif », conclut le DG qui occupe son poste depuis à peine deux ans. M. Chouaïeb lui rappelle le cas de Monoprix et la vente du GAT et du CIL. « Nous allons essayer de faire comme Monoprix », répond du tac au tac Slaheddine Ladjimi avec un regard à l'un des administrateurs de la chaîne de distribution. « Quant à la CIL et au GAT, les deux entreprises ont été vendues avant mon arrivée, il y a plus de trois ans. Pourquoi évoquez-vous ces ventes cette année ? ». Cela étant dit, M. Ladjimi fait remarquer que la création d'une boîte de leasing n'est pas très compliqué, mais qu'il désire, pour le moment, se concentrer sur son cur de métier. Les faits semblent irréfutables, mais la salle n'applaudit pas. A peine a-t-on murmuré quelques mots pour rappeler que les membres du Conseil, eux, sont là depuis plus de trois ans. Tahar Sioud prend ensuite la parole pour indiquer que le projet d'implantation en Algérie est compromis. Il rappelle le changement-surprise de la loi algérienne en la matière et indique l'impossibilité pour la BIAT de répondre aux exigences de "nos" amis algériens. Petits marchandages ensuite entre la salle et le président du Conseil sur la date de distribution du dividende. La banque a fixé l'échéance au 30 juin et la salle la réclame pour le 10. Finalement, ce sera le 15 ou, peut-être le 16, question de la faire coïncider avec la date anniversaire de M. Sioud. Lorsqu'on fait l'avenir ensemble, il est tout à fait normal qu'on célèbre les fêtes ensemble, aussi. Le directeur général pensera au kif de ses actionnaires et ceux-ci penseront à l'anniversaire du président du Conseil. Toute une ambiance ! Crédit photo AG : Mohamed Hammi. Nizar BAHLOUL