L'Instance Supérieure de la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique a adopté un projet de décret-loi qui prévoit, entre autres, l'inéligibilité de tout responsable ayant exercé au sein du RCD ou au sein du gouvernement pendant les 23 dernières années ou ceux qui ont appelé à la candidature de Ben Ali pour 2014. Il est particulièrement grave qu'un comité composé de personnes simplement nommées et donc dépourvues de toute légitimité électorale s'érige en « Père Fouettard » de la nation en décidant qui peut être un élu ou non. Seule une condamnation des anciens membres du RCD pourrait inclure une sanction telle que l'inéligibilité ; seuls les Tunisiens peuvent décider qui doit recevoir leur vote ou pas. Attenter à un droit civique tel que celui de présenter sa candidature à une élection est une dérive anti-démocratique dont les instigateurs devront porter la responsabilité devant la nation et plus tard devant l'histoire. Si feu Mohamed Charfi et Dali Jazi étaient en vie ils auraient été empêchés de se présenter aux élections de la constituante, « No comment » !!! Le Président de la République, étant le seul habilité à promulguer un décret-loi, assumera pour sa part une responsabilité indélébile en avalisant une décision excluant des milliers de Tunisiens de la sphère politique. Le RCD a commis des erreurs lourdes dont il a payé le prix à travers sa dissolution et les actions judiciaires qui visent certains de ses responsables. Aller au-delà au mépris des règles les plus élémentaires du droit est un précédent dont certains ne mesurent pas l'extrême gravité : en décrétant l'inéligibilité, on viole toutes les chartes internationales et notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1948. Doit-on rappeler à nos intraitables guides de la révolution que leur décret-loi viole au moins deux articles de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme à savoir les articles 1 et 21 ; en effet, l'article 1er dispose que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et droits » alors que l'article 21 ajoute « Toute personne en tant que membre de la société a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays directement soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis » . Si le Professeur Ben Achour, qui ne peut ignorer ce texte fondateur, s'est laissé « déborder par sa base », il faut espérer que Monsieur Foued Mebazaâ ne doit pas se laisser conduire vers des eaux troubles ni approuver un texte liberticide nuisant à l'image du pays. ********************************** Le peuple Libyen est en train de vivre un drame. Sans doute le plus douloureux de son histoire contemporaine. Un dictateur sanguinaire accroché au pouvoir depuis 42 ans s'est entouré d'une armada de mercenaires pour assassiner son peuple et disposant d'un trésor de guerre de plus de 130 milliards de dollars en cash. En face de cette armée suréquipée, des insurgés non préparés à la guerre et qui n'ont que leur courage et leur soif de liberté à opposer. Le déséquilibre des forces est flagrant et quand le président Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron décidèrent d'agir pour sauver le peuple libyen du génocide, tous les démocrates épris de liberté ont salué cette courageuse décision qui était appuyée par le Conseil de sécurité et la Ligue Arabe. Benghazi fut sauvée juste à temps. Le peuple libyen l'a échappé belle, tout comme notre révolution d'ailleurs, car le colonel Gueddafi nous préparait une belle surprise en engageant près de 5000 mercenaires qu'il avait placés à nos frontières pour mener la contre révolution et créer les conditions du retour au pouvoir de Ben Ali ou de son épouse. Ainsi donc, avec l'appui des forces aériennes essentiellement françaises et britanniques, les insurgés organisent une contre offensive fulgurante qui les amènera à récupérer la plupart des villes de l'Est. L'espoir changea de camp. Les jours de Gueddafi étaient comptés. La victoire finale des insurgés ne faisait aucun doute. Et puis on assista à un vrai coup de théâtre dont seuls les Américains ont le secret. Que l'on se rappelle de la première guerre d'Irak quand Colin Powell, après avoir libéré le Koweït, reçut l'ordre d'arrêter net la guerre alors que les troupes alliées étaient aux portes de Bagdad et que l'armée de Saddam était en déroute. Il aurait suffi d'une avancée de quelques kilomètres de plus pour assister à la reddition totale. C'est ainsi que Bush père sauva, on ne sait encore pour quelles raisons, Saddam Hussein de l'humiliation en ce mois de février 1991. On a comme l'impression que ce scénario se répète. En donnant le commandement des opérations à l'OTAN, étrangement les bombardements diminuèrent en intensité et les forces de Gueddafi reprirent de nouveau le dessus, alors que les insurgés crient à la trahison. Pourquoi ce revirement ? Que cherchent les Américains ? A quels jeux jouent les Allemands, les Turcs et autres pays qui ont pesé de tout leur poids pour freiner les attaques aériennes ? Tout porte à croire que les richesses du sous sol libyen sont plus importantes que les aspirations de liberté du peuple libyen. Il est évident que les Américains n'avaient pas prévu un changement de régime en Libye. En tout cas pas aussi rapidement et pas de manière radicale. Surtout que les compagnies pétrolières américaines sont très bien implantées en Libye et que Gueddafi, s'étant “assagi”, il ne constituait plus une menace terroriste pour l'Occident. Il semblerait donc que tout sera fait pour assurer le statu quo militaire actuel. L'OTAN n'interviendrait qu'en cas d'extrême nécessité pour rétablir l'équilibre des forces en présence et d'engager parallèlement des tractations en vue d'assurer une transition sans Gueddafi mais éventuellement avec un de ses fils. Officiellement pour empêcher El Qaïda de mettre un pied en Libye. La réalité est tout autre, et ce sont les richesses de la Libye qui sont l'objet de toutes les convoitises Mais Gueddafi acceptera-t-il de s'effacer ? C'est loin d'être acquis, entretemps ses forces continuent à tuer les civils à Misrata et partout ailleurs. Les morts se comptent par milliers et ceci dans l'indifférence presque totale. Il est vrai que la protection des droits de l'Homme et l'instauration de la liberté sont des concepts à géométrie variable !