Aux derniers événements, leurs réactions ont été complices et, au meilleur des cas, passives. Comme s'ils se réjouissaient, tels de petits ados, de voir le spectacle d'affrontements entre adversaires. En attendant, quelques villes du pays sombrent de nouveau dans la violence et prennent, de nouveau, rendez-vous, avec les couvre-feux en pleine saison estivale, synonyme de sorties nocturnes, de mariages et de fêtes. Le bal des communiqués et des conférences de presse s'est ouvert juste après l'allocution de Béji Caïd Essebsi (BCE), Premier ministre, lundi 18 juillet. Un Premier ministre qui commence à frustrer avec sa culture de l'omerta en disant toujours trop et pas assez. D'un côté, il dénonce ces petits partis conscient d'être incapables de gagner les futures élections, de se trouver derrière les derniers troubles et de l'autre il ne dit pas lesquels. Il laisse planer le doute et refuse de dénoncer clairement les responsables. Qu'il s'agisse d'islamistes, d'anciens du RCD ou de partis de gauche, qu'il dise lesquels ! Et s'il y a une raison de ne pas dévoiler les noms des responsables, qu'il le dise clairement. La conjoncture et ce lourd climat de manque de confiance imposent au Premier ministre ces explications. Tout le monde n'a pas la capacité de comprendre les messages entre les lignes ou les pensées sibyllines des politiques. Surtout après une politique d'abêtissement général de plusieurs décennies. Dans cette brèche ouverte dans le discours du Premier ministre, les partis politiques se sont engouffrés. Quelques uns pour soutenir, d'autres pour dénoncer et d'autres encore pour se dérober. Rached Ghannouchi a indiqué que son parti ne se sent pas visé par les accusations de BCE rappelant qu'Ennahdha n'a pas appelé au sit-in de la Kasbah 3. Ce qui n'est pas faux. M. Ghannouchi pousse même l'honnêteté pour admettre que certains des jeunes militants d'Ennahdha ont participé, comme tant d'autres, à ce rendez-vous et qu'il n'avait pas à les empêcher. En résumé, Rached Ghannouchi, Taïeb Jebali et Ali Laârayedh ont été, certes sur la défensive durant la conférence de presse organisée mardi matin, mais ils ont usé d'un discours cohérent et sensé. Ils se sont, ainsi, défendus de recourir au double langage, ont condamné avec vigueur la violence d'où qu'elle vienne et soutenu le maintien des élections à la date du 23 octobre 2011. Ils ont, également, appelé à l'ouverture d'une enquête indépendante concernant les récents troubles à savoir les agressions contre les sit-inneurs, les agressions contre des policiers, le retour à la pratique de la torture (cas de Amanellah Mansouri), à la cessation de diabolisation des uns par les autres, la cessation de caricaturiser toute personne islamiste comme étant un violent et un terroriste, la cessation par certains médias d'être partiaux sans vouloir citer de titres. Et sans vouloir verser dans la théorie du complot, les dirigeants d'Ennahdha évoquent l'existence d'indices d'orchestration contre leur parti. Et si le Congrès pour la République (CPR) a été plus que virulent contre le gouvernement transitoire, le PDP s'est élevé contre la volonté de certains de faire chuter ce gouvernement Ahmed Nejib Chebbi affirme que la responsabilité de tels actes ne peut être que politique puisque les revendications ont dévié des problèmes sociaux pour exprimer la volonté de faire chuter le gouvernement. « Nous connaissons bel et bien les tendances politiques qui commanditent ces violences et nous les mettons en garde… ». Réplique identique à celle de BCE où l'on dit trop et pas assez. Où l'on joue l'omerta. D'autres partis, qui se comptent sur les doigts d'une seule main ont réagi pour condamner les graves incidents des derniers jours. Or, la Tunisie compte, aujourd'hui, près de cent partis. Où sont-ils ? Et puis des partis comme l'Initiative de Kamel Morjane et El Watan de Mohamed Jegham étonnent vraiment par leur mutisme. Et dire que ces deux formations se disent "consistantes" et Kamel Morjane partait, à un moment donné, comme étant même présidentiable ! Pourquoi se dérobent-ils et n'assument-ils pas leur responsabilité en prenant des positions claires et franches en ces moments délicats que traverse le pays ? Leur absence, en ce moment délicat, reflète finalement leur poids réel ou, plutôt, le degré réel de leur volonté de s'impliquer sincèrement dans la vie politique. A moins que, eux aussi, cherchent à tirer des dividendes de toutes ces perturbations. Une chose est certaine et pour laquelle penchent bon nombre d'observateurs, est que les derniers événements ne peuvent profiter qu'à ceux qui veulent semer le chaos et, éventuellement, faire reporter, une nouvelle fois les élections. Il est certain que chaque parti et chaque tendance a son agenda et ses petits calculs, mais à ce propos, la logique veut que ce soient les petits partis qui œuvreraient à créer les subterfuges pour un tel report. Pourtant, en faisant sa révolution, le peuple revendiquait, surtout, la liberté et la démocratie. Et ces deux concepts ne peuvent être réalisés et obtenus que grâce aux urnes dans un climat marqué par la liberté, la transparence et la neutralité. C'est dire que certains politiciens se plaisent dans leur rôle d'éternel opposant et de « droit de l'hommiste », un statut qu'ils perdraient le jour où il y a un pouvoir issu d'un processus démocratique. Ce qui est malheureux, c'est qu'on assiste, aujourd'hui en Tunisie, à un climat de suspicion généralisé et à une crise de confiance héritée des anciens régimes. En effet tout le monde accuse tout le monde. Le gouvernement et l'Instance s'accusent, les avocats et les magistrats s'accusent, les politiciens et les journalistes s'accusent… Le comble, c'est qu'on s'accuse au sein d'une même corporation. Chacun et chaque partie a l'air de dire : ce n'est pas moi, c'est l'autre. Et le comble, aussi, c'est que chacun estime être dans son droit et détenir la vérité. D'où l'absence, voire l'impossibilité, de parvenir à un consensus, seule voie capable, par les temps qui courent, de permettre aux Tunisiens de dépasser les obstacles, de s'accepter, de se comprendre et d'aller, avec le moins de dégâts possible au rendez-vous du 23 octobre. Crédit photo : Karim Hamdi, Menzel Bourguiba, 18 juillet 2011 Noureddine HLAOUI