Toutefois, il manquait de mesures ou de propositions tangibles et concrètes. De nombreuses réactions de spécialistes en économie et de personnalités politiques ont surgi sur différents supports médiatiques de la place, notamment sur les ondes des radios et à travers les colonnes de la presse écrite. Mis à part quelques tentatives de défendre le discours inaugural de Jebali, par les Nahdhaouis, les commentaires prennent, plutôt, l'aspect de critiques et relèvent plusieurs points négatifs. Un dénominateur commun, d'abord, à savoir le flou et les généralités qui ont marqué cette allocutionsans oublier l'absence de mécanismes concrets susceptibles de mettre en exécution les décisions et les choix politiques. De l'avis de plusieurs experts économistes, le programme, mentionné dans ce discours,«reflète les bonnes intentions de ses concepteurs» mais manque «d'objectifs quantitatifs clairs et de mécanismes efficaces pour leur réalisation». Concrètement, le «programme» énoncé par le Premier ministre prévoit, entre autres, d'engendrer en 2012 quelques 20 000 postes d'emploi dans le secteur public en guise de «contribution de l'Etat à l'effort pour juguler le chômage». En outre, M. Jebali a rappelé l'importance des opportunités d'emplois offertes pour les Tunisiens dans les pays frères et voisins, notamment, la Libye, les pays du Golfe et l'Europe, comme étant une solution non négligeable du problème du chômage. Or, l'alourdissement du secteur de la fonction publique déjà surchargé, selon les experts en économie, reste discutable et dépend étroitement des limites extrêmes que peut supporter le budget de l'Etat. Les politiciens, à leur tour, surtout ceux figurant parmi l'opposition ne mâchent pas leurs mots dénonçant un manque de clarté et de précision dans les promesses faites par le gouvernement. Certains, qu'ils soient parmi les indépendants, ou l'opposition, ont vivement critiqué le discours du chef du gouvernement, considérant ainsi le démarrage des travaux de ce gouvernement peu convainquant, voire maladroit. Maya Jeribi, secrétaire générale du PDP et opposante fervente, a affiché sa méfiance et son scepticisme envers un discours gouvernemental qui s'obstine à «conjuguer les verbes au futur» en énumérant ses objectifs. « C'est bien beau de promettre de réformer la fiscalité, de réformer l'administration et de réduire la pauvreté, mais il faudrait prévoir les fonds nécessaires à ces réformes et réfléchir aux moyens de réaliser ces défis ». Ahmed Ibrahim, leader du parti Ettajdid a franchement considéré qu'il ne s'agit pas d'un programme, mais plutôt d'une déclaration d'intentions, de choix et de priorités énoncés par le gouvernement. Les moyens et la manière de les concrétiser, d'après lui, font défaut. Emna Mnif, initiatrice du mouvement citoyen KolnaTounes,a déclaré trouver le discours vague et manquant de précision. Où sont les mécanismes socioéconomiques ? Où sont les vraies solutions ? Fadhel Moussa, du Pôle Moderniste Progressiste a précisé que les points contenus dans le discours font l'unanimité dans la Constituante, tels que la question des martyrs et blessés de la révolution, le développement des régions défavorisées ou encore le problème de chômage, « sauf qu'il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions, il faut mettre en place des objectifs immédiats afin de gagner la confiance de l'opinion publique». Autre commentaire d'un opposant, celui d'Iyed Dahmani, jeune élu du PDP qui a déclaré que le discours a omis de préciser le taux de croissance à prévoir, la limite du déficit de l'Etat et les délais pour la réalisation des promesses de recrutement ; tant de détails qui auraient fait de ces promesses, un programme et non des slogans. Abdelfattah Mourou, apparemment en colère contre sa mise à l'écart de la formation gouvernementale, a pris ses distances par rapport au discours du gouvernement, en affirmant que parler de programme est tout à fait déplacé pour l'occasion. Il s'agit de propos hors contexte et prématurés. «Les nouveaux ministres ont à peine pris connaissance des responsabilités dont ils sont chargés, alors comment peut-on déjà parler de programme ou de mesures?». En définitive et à quelques détails près, les commentaires s'accordent sur la revendication de la transparence et de la fluidité du programme. Et là encore, un autre bémol, le programme de ce gouvernement dit «d'intérêt national» est-il un programme spécifique, sur mesure, fait pour être réalisé par le gouvernement actuelen fonction, pour une durée d'une année ou bien serait-ce le programme global, portant sur quatre ou cinq années, élaboré par le parti Ennahdhaet présenté pendant la campagne électorale avec ses fameux 365 points ? Dans les deux cas de figure, le gouvernement aura-t-il les moyens de ses ambitions programmatiques ? Dorra Megdiche Meziou