Demain 8 mars 2012, sera célébrée, à travers le monde, la journée internationale de la Femme, la deuxième «édition» depuis la chute du régime de Ben Ali. Plus d'un an après le départ de son dictateur, la situation de la Tunisie est tangente, entre peurs et espoirs, et le combat pour la liberté se poursuit. La femme tunisienne est aujourd'hui au centre des polémiques qui fleurissent dans le pays. Entre les salafistes et les «safirates», il y a un monde et les batailles entre les deux clans peut globalement se résumer en un seul combat : celui de la place de la Femme dans la société tunisienne. Aujourd'hui encore, à la veille de la célébration de la Journée de la Femme, ce sont encore des femmes qui font polémique. Encore une fois, le conflit se cristallise à l'université, celle de La Manouba, où le port du niqab fait débat. Hier encore, dans la Constituante, c'était l'application de la Chariâa qui faisait débat. S'il est question de «sécurité» pour le premier et de séparation de la religion avec la politique dans le second, c'est la question de la femme, de ses droits, de sa perception et de sa place dans la société qui est au centre des tensions qui se produisent, une perception et une place qui va de pair avec la perception de la religion musulmane, accolée à une société encore majoritairement patriarcale. Le 13 août 1956, le Code du Statut Personnel est proclamé par Habib Bourguiba. Il ne fait aucun doute que ce Code, malgré ses nombreuses insuffisances, a fortement permis l'émancipation de la femme tunisienne, comparativement aux femmes du monde arabe. Aujourd'hui, les femmes tunisiennes ont à cœur de défendre mais surtout renforcer ces acquis. Celles qui se sont opposées au temps de la dictature, celles qui étaient au premier rang lors de la révolution et qui le sont encore, plus que jamais, n'entendent pas se cacher. Peu de temps après la révolution, les islamistes commencent leur «jihad» pour la «purification» des femmes, en se ruant vers les maisons closes d'une célèbre rue de Tunis. Un choix logique pour commencer leur combat, car les tabous liés au sexe et ceux attribués à la femme ne font qu'un. Mais, malgré de nombreuses tentatives à travers le monde, éradiquer le plus vieux métier du monde est un exercice périlleux. Qu'à cela ne tienne, ils changent d'angle d'attaque et font du port du niqab et de l'application de la Chariâa leur cheval de bataille. Les raisons? Selon eux, la femme est impure, source des pêchés et doit se cacher de la tête au pied. Il s'agit donc de ne pas «tenter» les hommes, elle qui a su tenter Adam et a été à l'origine du péché originel. Les hommes ne sont donc pas responsables de leurs pulsions sexuelles, c'est aux femmes de cacher leurs atouts! Une première victoire pour les femmes, même si elle est minime, sera le principe de parité dans les listes des candidats aux élections du 23 octobre 2011. Mais prédominance des hommes oblige, ces derniers seront, pour une très grande majorité, tête de liste, et auront donc plus de chances de siéger à l'Assemblée constituante. Cette prédominance se retrouvera dans la plupart des partis politiques, conservateurs ou progressistes, et, paradoxalement ce sont les islamistes qui auront la plus grande représentativité de femmes à l'Assemblée, un résultat mathématique, de par leur écrasante victoire qui a permis aux deuxièmes voire quatrièmes des listes d'Ennahdha de s'emparer d'un siège. Exceptée Souad Abderrahim, la seule femme non voilée représentante du parti et Meherzia Laâbidi, élue de France, les autres ne brilleront pas par leurs interventions, ni par leurs prises de positions. Dans la Constituante toujours, ce seront les «safirates» minoritaires qui sauront s'imposer. Les Maya Jribi, Karima Souid, Selma Baccar, Lobna Jeribi, Nadia Chaâbane ou encore Mabrouka Mbarek font preuve d'une détermination, d'esprit d'initiative, de propositions et de travail qui en ferait rougir plus d'un, elles condamneront également la lenteur des travaux pour les unes, tiendront tête à leurs homologues masculins pour d'autres, et pousseront des «coups de gueule» pour sensibiliser contre des méthodes qu'elles jugeront mauvaises. Meherzia Laâbidi, également, s'attirera une certaine sympathie, avec sa manière de gérer les débats de l'Assemblée lorsqu'elle remplace Mustapha Ben Jaâfar, sachant faire preuve tour à tour, de souplesse et de fermeté, malgré quelques maladresses. Un exercice difficile que M. Ben Jaâfar peine à assimiler. En dehors de la Constituante à présent, les femmes bougent, de nos «chiennes de garde» nationales de l'ATFD aux étudiantes des universités, les femmes se battent, auprès des hommes, pour l'égalité, pour avoir la place qui leur est due dans la société, au travail comme dans le foyer, dans les écoles comme dans la rue. Les représentantes et leaders des Mouvements citoyens, les bloggeuses, les femmes soldats, les manifestantes, les mères des martyrs sont aux premiers rangs de cette marche vers la liberté. Une première «égalité» acquise depuis la révolution, celle de se faire tabasser autant que les hommes, lors des manifestations. Lors de la dernière grande manifestation en date, celle de l'UGTT, plusieurs femmes, activistes reconnues, bloggeuses, journalistes ou simples citoyennes ont témoigné avoir été victimes de cette violence policière. Des policiers qui, contrairement aux allégations du ministre de l'Intérieur, les ont poursuivies, matraquées et insultées sans que ces dernières ne soient «alcoolisées» ou à l'origine de quelque violence, physique ou verbale, que ce soit. Elles ont été nombreuses également lors des marches pour défendre les libertés, nombreuses lors des manifestations du Bardo pour défendre une Constitution démocratique garante des droits de chacun, nombreuses encore dans les universités pour tenir tête aux salafistes qui font de l'annihilation de l'identité de la femme, leur principal combat, au nom d'une interprétation rétrograde et liberticide de l'Islam. Les Tunisiennes porteront leur drapeau et leur voix et sauront s'imposer. Demain, 8 mars 2012, journée internationale de la Femme, les Tunisiennes seront également nombreuses dans les différents évènements organisés pour l'occasion. Elles seront également nombreuses devant le siège de l'Assemblée pour revendiquer leurs droits, les mêmes droits que ceux de leurs compagnons de route, de vivre libres ; elles ne seront ni putes, ni soumises, mais libres de leurs actes et de leurs choix.