Le Leadership en Tunisie est confronté aujourd'hui à des défis énormes qui pourraient menacer la paix sociale et conduire facilement à une crise. Je tiens à partager mes réflexions et recommandations avec nos dirigeants ; s'ils me le permettent bien sûr ; concernant deux problématiques les plus évidentes: 1) Rétablir la sécurité et 2) Traduire les coupables de violations des droits de l'homme devant la justice. En chinois, le terme «crise» a deux significations: une menace et une opportunité. Est-ce que notre leadership actuel a la capacité de détourner la menace de l'injustice et l'impunité qui règnent et les traduire en une opportunité à saisir? Pour comprendre le challenge auquel fait face notre leadership actuel, nous devons d'abord comprendre quelles sont les qualités qu'un leader doit avoir dans la gestion des conflits et quels dangers potentiels devrait-il éviter? Créer des opportunités durant les périodes de crise requiert une capacité de transformation. C'est à travers un processus de démocratie interne que le renforcement des capacités de transformation devient possible. Il est à noter que la réconciliation est une variable déterminante dans ce processus car elle permet d'installer une stabilité progressive au niveau de la base. Transformer les partisans signifie pouvoir les guider à travers la réforme politique, la décentralisation et la responsabilisation. Plus tard dans l'article, je partagerai quelques idées qui ont prouvé leur succès. Les principes précités de leadership transformationnel, de justice transitionnelle et de démocratie ne peuvent être appliqués aujourd'hui sans qu'on ait assumé sa responsabilité et identifié les causes profondes qui ont mené à la situation en cours. Cette étape requiert beaucoup de courage, d'honnêteté et de détermination de la part des leaders. Décomposer le leadership en Tunisie en trois niveaux pourrait être une bonne idée. Le niveau supérieur désignerait le gouvernement, les gradés de la police et de l'armée, les partis politiques, les chefs religieux et centrales syndicaux ainsi que les membres de l'ANC. Le niveau 2 représente l'élite des affaires, la société civile et les militants des droits de l'homme. Le niveau 3 est celui du leadership local, les familles des martyrs de la révolution ainsi que les personnes blessées au cours des jours qui ont précédé la fuite de Ben Ali en Arabie saoudite seraient un excellent exemple de cette classe. Un parfait exemple de l'absence totale de leadership s'illustre dans les événements du 9 avril 2012. Les représentants du gouvernement, des forces de sécurité ainsi que le grand public n'ont jamais compris que célébrer une fête nationale tout en observant certaines procédures et lignes directrices pourrait être une victoire pour le pays. Cela aurait été possible grâce à un débat transparent qui se concentre sur un objectif commun. Au lieu de cela et parce que personne ne s'est donné la peine d'amorcer une conversation au niveau du leadership, l'écart s'était creusé. Ce qui ressortait de ces événements c'est le manque de bonne gouvernance de la part du gouvernement et des forces de l'ordre. Pire encore, le manque de responsabilité au niveau du leadership institutionnel. J'aurais deux recommandations pour toutes ces différentes classes de leaders : La première concerne le top level, il s'agit de veiller à ce que la nouvelle Constitution comporte un chapitre relatif à la bonne gouvernance des forces de sécurité, y compris l'observation des principales conventions internationales concernant les droits de l'Homme. La deuxième concerne directement les leaders du gouvernement, il s'agit de garantir un suivi de l'indemnisation des familles des martyrs et des blessés de la révolution et de travailler sur l'indemnisation des victimes de la répression passée et leurs familles, notamment les victimes de l'insurrection du bassin minier à Gafsa en 2008. Je suggère, également, un modèle de leadership participatif qui permettra de transformer ces trois classes en agents de changement, un changement qui est nécessaire afin que nous puissions rétablir la confiance et créer les relations qui permettent d'améliorer le travail à tous les niveaux. Pour conclure et afin de rétablir progressivement la confiance et le sentiment de communauté, un effort commun est indispensable avec trois objectifs spécifiques: • L'éducation des agents et des officiers des forces de sécurité interne. • Le suivi des enquêtes internes liées aux violations des droits de l'Homme par des membres des forces de sécurité. • La transparence complète dans les nouvelles nominations et réaffectations au sein de ministère de l'Intérieur. *Lotfi Saïbi est originaire de Sidi Bouzid, professeur en leadership et CEO de 4D-Leadership House. Formé à Harvard, il a longtemps vécu aux USA et est rentré en Tunisie depuis la révolution