Le remaniement devait avoir lieu à la rentrée en septembre. Puis on a annoncé qu'on allait le faire en octobre. On a estimé ensuite que ce n'était pas nécessaire. Mais vu les crises et les scandales, on a de nouveau décidé qu'il allait avoir lieu. Rendez-vous fut donné pour la fin de l'année. Et puis c'est non, tout compte fait, il ne fallait rien remanier. Mais le lendemain, après le réveil, la prière du Fejr et la réunion quotidienne chez qui vous savez, on a décidé que oui et qu'il allait y avoir un remaniement. La nouvelle date annoncée était pour le 14 janvier. Promesse non tenue, report annoncé pour le 20 janvier. On s'est rendu compte, juste après, que la date coïncidait avec le dimanche, on a alors reporté une énième fois. Nouvelle date, non définitive bien sûr, le 22 janvier. Ettakatol a menacé jeudi dernier de se retirer du gouvernement. Avec beaucoup de retard, Mustapha Ben Jaâfar et ses acolytes ont eu, enfin, un sursaut d'orgueil et de dignité. Officiellement, Ettakatol s'est rendu compte que son partenaire n'est pas sur la bonne voie pour réconforter les Tunisiens. Officieusement, Ettakatol n'a pas obtenu les postes ministériels qu'il voulait, lors des « négociations » relatives au remaniement. Ettakatol est, là, en train de plagier la stratégie de son autre partenaire de la troïka, consistant à dire grosso modo, « retenez-moi ou je fais un malheur ». Avec le CPR, Ennahdha en a déjà vu de toutes les couleurs (déclarations virulentes, SheratonGate, troubles des milices LPR…), on va voir si le parti islamiste va maintenant céder au « chantage capricieux » d'Ettakatol ou pas. Pour le moment, au parti islamiste, on est adeptes de l'adage « j'y suis, j'y reste ». On n'est pas prêts à céder les portefeuilles des ministères de souveraineté et on considère encore les partenaires, comme d'embarrassants pique-assiettes. Comme si les différents membres d'Ennahdha, du CPR et d'Ettakatol ne suffisaient pas aux malheurs de la Tunisie actuelle, on pense maintenant à élargir la coalition à d'autres partis. Y compris les pseudo-partis dont les membres se comptent sur les doigts. Ainsi, on parle d'Abderraouf Ayadi et de Bahri Jelassi au gouvernement. Le premier serait pressenti à la Justice et le second exige (oui, vous avez bien lu, il exige !) le portefeuille de la Défense. Rien que ça ! Si une révolution permet à Ayadi et à Jelassi de prétendre à un portefeuille ministériel, c'est que cette révolution est foutue et que le pays marche sur la tête ! De là à dire, ramenez-nous notre dictateur, on n'en veut plus de votre révolution, il n'y a qu'un pas. En fait, et quel que soit leur bord, les hommes politiques donnent l'impression qu'ils ne sont pas là pour offrir leurs compétences au pays, mais pour se partager un butin et/ou pour régler des comptes personnels. On ne voit plus quel est le profil qui sert le mieux tel ou autre département, mais le profil qui sert le mieux la cause du parti au pouvoir. Au sein du gouvernement et d'Ennahdha, il y a en ce moment, de véritables batailles rangées entre les différents clans dont l'objectif final est de remporter les prochaines élections. Certains ministres qui ont fait preuve d'une flagrante incompétence (Rafik Abdessalem par exemple) devraient être reconduits. D'autres qui se sont comportés comme de véritables hommes d'Etat (Samir Dilou à titre d'exemple), risquent de se trouver sur la touche. Et c'est exactement le même raisonnement qui prévaut à Montplaisir dans le traitement du dossier CPR et Ettakatol. Ces deux partis n'ont plus le même poids électoral qu'ils avaient le 23 octobre 2011 et devraient donc voir leur part du gâteau réduite. Le bilan du gouvernement Jebali 1 est dramatique. Celui de Jebali 2, et au vu de l'état d'avancement des « négociations » actuelles, risque d'être pire. Le fait même qu'il y ait des négociations, des propositions et des exigences, est la preuve que l'on n'a pas encore détecté les personnes qu'il faut pour les mettre dans les postes adéquats. Tout se fait sur la base de calculs partisans et personnels. Tant que cet esprit clanique prévaut chez Hamadi Jebali et son président Rached Ghannouchi, le pays n'avancera pas. Et il n'est pas dit qu'Ennahdha va gagner au change sur le long terme. En cas d'échec, c'est le parti islamiste qui aura à payer le premier les pots cassés. N.B : Pensée à Sami Fehri, Nabil Chettaoui, les salafistes et beaucoup d'autres, sous les verrous depuis des mois, en attente de leurs procès.