Les langues n'ont commencé, que dernièrement, à se délier concernant les réseaux jihadistes menant les jeunes tunisiens en Syrie. Ce n'était d'ailleurs pas facile. Il a fallu le courage de certaines mères qui ont eu peur pour la vie de leurs progénitures, pour qu'on ose, finalement, s'interroger sur les tenants et les aboutissants de ces départs. L'opinion publique a pris ensuite le relais et plusieurs enquêtes ont été diligentées à propos des filières de recrutement des jihadistes en Syrie. Depuis, de multiples vérités, cachées jusque-là, ont été mises à nu. Le jihadisme ne se limite pas à cette piété apparente. Pour commencer, il est utile de rappeler que le phénomène d'internationalisme de la révolution n'est pas récent. Les brigades internationales se sont battues aux côté des Républicains contre les rebelles nationalistes, lors de la guerre civile espagnole, entre 1936 et 1938. Elles étaient composées de plus de 30.000 volontaires antifascistes venant de 53 pays différents. Plus tard, la cause palestinienne a rallié plusieurs combattants internationaux. Il y avait des Tunisiens aussi bien dans les rangs du Fatah de Yasser Arafat, que du Front populaire de Geoges Habache ou du Front démocratique de Nayef Haoutmah. Donc, si les jeunes tunisiens partent aujourd'hui pour faire partie de combats internationaux, le phénomène n'est pas en dehors du cours de l'histoire. Il a été incarné, outre par les brigades internationales républicaines en Espagne, par les guévaristes en Amérique latine, par les anti-sionistes en Palestine. Cette lutte n'a pas d'idéologie précise. A chaque moment historique, ses symbôles de lutte contre l'oppresseur. Mais, si toute jeunesse incarne les tentations du changement, traduisant, ne serait-ce que le conflit des générations, cecine va pas avec nos jihadistes dans le sens où ces réseaux ne sont pas aussi sains que cela puisse en avoir l'air. En effet, si les locaux font généralement le gros des troupes dans ces combats de lutte nationale ou sociale, les étrangers ne concrétisent que la portée internationale de la lutte contre l'oppression. En Syrie, le phénomène est inverse. Les étrangers constituent le gros des troupes combattantes. Le nombre des Tunisiens s'élève à plusieurs centaines, voire quelques milliers, si l'on croit les dernières estimations. Le pire, c'est que plusieurs sources concordent pour dire que le Qatar monnaie le ‘recrutement' de ces jihadistes. On parle même de 2000 Euros par tête de combattant. Le terrain syrien est désormais occupé par les mafias du jihadisme international. Lesquels réseaux recrutent essentiellement en Arabie, en Libye et en Tunisie. Mais, ce sont les néophytes tunisiens, ‘reconvertis' de la 25ème heure qui ont le vent en poupe. C'est pourquoi ils forment le plus gros contingent des pertes humaines. Aujourd'hui, face à la croissance du nombre des victimes parmi les jeunes tunisiens, la société civile a fini par tirer la sonnette d'alarme. Il y a une condamnation ouverte de ce recrutement. Le président Marzouki s'est joint lui-même à cette condamnation presqu'unanime. Le parti Ennahdha est le seul à se limiter à émettre des réserves sur ces départs sans, toutefois, se permettre de défendre ce choix de rallier les combats en Syrie. On n'est plus dans les moments d'euphorie de l'été 2011, quand Noureddine Khademi, alors qu'il n'était pas encore ministre, appelait les jeunes à rallier le sacro-saint jihad en Syrie. Mais certaines sources affirment qu'Ennahdha serait de mèche avec l'opposition syrienne. Le directeur du site web, Tanit Press, Nabil Rabhi a déclaré lors d'une intervention téléphonique dans l'émission "Midi Show" du mercredi 20 mars 2013 qu'il détient des preuves qui confirment que des dirigeants du mouvement Ennahdha ont des relations avec l'Armée Syrienne Libre et qui sont impliqués directement dans l'exportation des jihadistes tunisiens vers la Syrie. Ennahdha est, toutefois, sur la défensive surtout après le buzz médiatique de l'histoire du jeune jihadiste ramené in-extrémis de l'aéroport d'Istanbul en Turquie par sa mère et son épouse, alors qu'il s'apprétait à se rendre en Syrie, via un réseau libyen. La mère et l'épouse avaient obtenu des informations précises sur la destination de Kaïs Hasni et sur le vol qu'il souhaitait prendre et ont voyagé à partir de la Tunisie, via les lignes libyennes, avant d'atterrir à l'aéroport, où elles ont pu arrêter le jeune homme juste avant qu'il ne prenne l'avion qui devait le conduire en « terre de jihad ». Certaines sources affirment même que des députés à l'Assemblée nationale constituante seraient impliqués dans les réseaux de recrutement de jeunes djihadistes tunisiens en Syrie. Ce qui est bien aujourd'hui, c'est que la société civile n'est plus prête à se taire. Un imam a même eu le courage de s'attaquer au phénomène dans son prêche de vendredi dernier, quitte à avoir sur le dos les hordes de salafistes. Le mot est lâché contre ce mal qui range la société. Espérons qu'il n'est pas trop tard. Car, il faut se rappeler que la Tunisie (et les pays comme la France qui accueillent des Tunisiens sur son sol) doit s'attendre à une éventuelle vague de combattants terroristes qui rentreront chez eux dans quelques mois, en possession de « talents » guerriers et autres convictions terroristes évidentes, alors que le pays est toujours en train de négocier sa transition. Ce serait alors un gros cauchemar.