Le Centre Carter a publié, ce jour, une déclaration retraçant l'évolution de certaines questions clés dans le texte de la Constitution tunisienne et mettant en exergue un nombre de problématiques, dont la protection des citoyens contre toute discrimination, la consécration de l'inamovibilité des juges et la protection des droits fondamentaux durant des circonstances exceptionnelles, notamment en période d'état d'urgence. Les autorités tunisiennes devraient à cet égard, prendre les mesures législatives nécessaires à leur renforcement. « La nouvelle Constitution pose des fondements solides pour la mise en place d'un Etat de droit et la protection des droits humains en Tunisie » a déclaré l'ancien Président américain Jimmy Carter. « Il est maintenant essentiel de procéder à une révision rigoureuse du cadre juridique afin de le mettre en conformité avec la nouvelle Constitution et d'assurer la pleine réalisation des droits qui y sont inscrits. Par ailleurs, l'instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionalité devrait être mise en place dans les plus brefs délais, afin que les projets de lois soient soumis à son examen, et plus particulièrement, celui de la loi électorale actuellement en cours de discussion. » Le Centre Carter a suivi le processus d'élaboration de la Constitution tunisienne depuis ses débuts en février 2012 avec le démarrage des travaux des six commissions constituantes. Le Centre a, en outre, évalué les projets de constitution successifs en les confrontant aux obligations internationales de la Tunisie relatives au respect des droits civils et politiques. Cette déclaration met l'accent aussi bien sur le contenu de la Constitution que sur le processus de son adoption. Les principales recommandations de la déclaration sont présentées ci-après, et le texte complet de la déclaration est disponible sur www.cartercenter.org ainsi que sur la page facebook du bureau du Centre Carter en Tunisiewww.facebook.com/TCCTunisia Porté par une volonté bienveillante de soutenir le processus de transition démocratique en Tunisie, le Centre Carter présente les recommandations suivantes: DROITS HUMAINS * Revoir et réformer le cadre juridique actuellement existant en Tunisie pour s'assurer que les lois et réglementations nationales reflètent et respectent les engagements internationaux de la Tunisie en matière de droits humains ainsi que des droits consacrés dans la nouvelle constitution. * Intégrer dans des lois organiques des garanties du principe d'égalité de vote ainsi que l'interdiction de toute discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Veiller, par ailleurs, à ce que ces principes soient appliqués à tout individu en Tunisie, citoyen ou étranger, en conformité avec le droit international. * Encourager l'Etat à lutter non seulement contre la violence faite aux femmes mais également contre toutes les formes de discrimination à leur égard. Adopter, en outre, des mesures concrètes pour protéger les droits des femmes, tels que la consécration de mécanismes à même de faire progresser la parité sur les listes de candidatures aux élections. * Préciser, dans les textes de loi y relatifs, l'obligation qu'a la Tunisie d'adopter des mécanismes qui garantissent la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels au maximum de ses ressources disponibles. MISE EN ŒUVRE DE LA CONSTITUTION * Les juges devraient interpréter la loi, et notamment la Constitution, de façon à favoriser l'application d'un droit ou d'une liberté fondamentale, et prendre en considération, à cet effet, l'interprétation des traités relatifs aux droits humains y compris celle des juridictions et commissions internationales, comme une norme minimale. * Encourager juges et législateur à protéger la liberté de religion ou de croyance, y compris celle d'adopter, de changer ou de renoncer à une religion ou une croyance, et veiller à ce que toute restriction soit conforme à la Clause Générale de limitation inscrite dans la Constitution. * En temps de circonstances exceptionnelles, notamment dans le cas de l'état d'urgence, veiller à ce que toute restriction aux droits et libertés soit spécifique, nécessaire, proportionnelle et puisse faire l'objet d'un contrôle juridictionnel, et que cette restriction soit levée après une période définie. Préciser, en outre, que les droits considérés comme indérogeables en droit international restent protégés et exclus de toute restriction dûe à ces circonstances exceptionnelles. INSTITUTIONS * Intégrer dans le cadre juridique des dispositions visant à assurer l'indépendance de la justice, en matière de nomination, de promotion, et de discipline (du corps judiciaire) y compris ppar la consécration de l'inamovibilité. La révocation des juges devrait être limitée aux cas de fautes graves, suite à un procès équitable et, conformément à la Constitution, sur décision motivée du Conseil Supérieur de la Magistrature, une fois celui-ci établi. * Mettre en place dans les meilleurs délais la commission provisoire en charge du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, afin qu'elle puisse revoir le projet de loi électorale. La commission devrait disposer de l'autorité et des ressources nécessaires pour exercer ses fonctions de manière indépendante et efficace. * Envisager de soumettre le règlement intérieur de la future Assemblée des Représentants du Peuple à l'examen de la commission provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. * Faciliter l'accès de la société civile et des medias aux travaux des commissions et aux discussions en plénière relatifs à la loi électorale, ainsi qu'aux lois qui seront ultérieurement discutées par l'Assemblée Nationale Constituante, comme cela a été le cas lors du processus d'adoption de la Constitution. * Intensifier les campagnes de sensibilisation pour informer le public sur la Constitution. Après avoir observé les élections de l'Assemblée Nationale Constituante en octobre 2011, le Centre Carter a maintenu une présence en Tunisie afin de suivre et d'évaluer le processus d'élaboration de la Constitution et les préparatifs des prochaines élections. Le Centre Carter évalue ces processus par rapport aux lois nationales et aux obligations qui incombent à la Tunisie en vertu des traités internationaux auxquels le pays a adhéré notamment, entre autres, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.