Une réunion des présidentiables a eu lieu cette semaine pour tenter de trouver un candidat consensuel capable de faire face à l'autre candidat, Béji Caïd Essebsi qui caracole en tête des sondages et dont beaucoup semblent avoir, pour dernier objectif de leurs carrières politiques, de lui barrer la route de Carthage. Il y avait Mustapha Ben Jaâfar accompagné de ce qui reste de son parti. Il semblait plus chercher une sortie honorable pour lui qu'un réel candidat consensuel. Il y avait aussi les représentants du CPR qui avaient la mission presque impossible de sauver le soldat Marzouki au plus bas de sa crédibilité, qui continue à inonder les réseaux sociaux de son slogan de campagne, triomphaliste à merveille, sans aucun égard aux résultats des dernières élections législatives. Il y avait encore les représentants de Néjib Chebbi qui s'accrochent à la présidentielle comme s'accroche un naufragé à une paille. L'invité surprise, le petit poucet du groupe Abderazak Kilani, n'avait visiblement rien à faire dans cette réunion, n'ayant jamais eu la moindre chance et n'étant pas un représentant des formations politiques démocrates sociales. Il y avait enfin Mohamed Hamdi chargé du poste de porte-parole de la réunion. Sa nomination sonnait plus comme un lot de consolation pour sa brève carrière politique qu'une reconnaissance du sérieux de sa candidature. Trois remarques s'imposent concernant ce conclave des présidentiables. Le premier, c'est que les résultats des partis politiques qui ont participé à cette réunion lors des dernières élections législatives ont été décevants, annonçant même la désintégration de certains parmi eux. Même en cas de désignation du candidat consensuel, les quelque milliers de voix récoltées par tous ces partis réunis ne pourront rien face au 1.3 million de votants qui ont choisi le parti de Béji Caïd Essebsi. Il est évident donc que tous espèrent puiser dans le réservoir de voix du parti Ennahdha pour pouvoir gagner les élections présidentielles ou, à défaut, enregistrer une défaite honorable. Le parti islamiste, qui n'a pas de candidat, se trouve du coup au centre de toutes les tractations et le grand gagnant de ces prochaines élections quel que soit le nom du futur président. Le leader islamiste Rached Ghannouchi, qui a déjà rencontré Mustapha Ben Jaâfar, Slim Riahi et Moncef Marzouki peut largement monnayer le soutien des islamistes à l'un ou l'autre candidat. D'un autre côté, il est tout à fait naturel de douter des chances de réussite d'une telle manœuvre. Les candidats qui se disent consensuels aujourd'hui, n'ont, en effet, montré aucun esprit consensuel dans le passé. Le plus valable d'entre eux, Néjib Chebbi, a tellement investi dans ces élections, mettant sa propre carrière et l'avenir politique de son parti en péril, pour se désister au profit de Mustapha Ben Jaâfar qui n'a objectivement aucune chance ou au profit de Moncef Marzouki. Ce dernier, le plus acharné à garder les clefs de Carthage, ne semble même pas effleurer l'idée d'un désistement. Son comportement montre que, dans son esprit, le candidat consensuel ne peut être que lui, seulement lui. Mais quand bien même ils arrivent à désigner un seul candidat, la quinzaine d'autres candidats qui n'ont pas été associés aux négociations peuvent-ils entériner une telle décision qui leur a été imposée ? Le président du parti Moubadara, Kamel Morjane, a déjà apposé à cette idée une fin de non-recevoir. La dernière remarque concerne l'aspect éthique de ce conclave des présidentiables. Est-il normal, en effet, que des candidats se liguent contre un autre candidat et s'acharnent à vouloir sa chute à ce point ? Ne font-ils pas de lui une victime qui attire par réaction la sympathie des électeurs ? Il est vrai que les risques d'un retour de l'omnipotence existe avec l'élection deBéji Caïd Essebsi surtout s'il arrive à passer dès le premier tour. Seulement, les organisations de la société civile, les médias et les centaines de milliers de Tunisiens qui ont réussi à s'opposer aux dérives de la troïka sont toujours là et ne manqueront pas de retrousser leurs manches et de s'opposer à toutes les tentations despotiques qui les priveraient des fruits de leur révolution dont le processus est toujours en cours. En plus, dans leur gestion de leurs partis, au sein de l'ANC ou à la tête de l'Etat, certains des participants à ce conclave des présidentiables n'ont pas montré qu'ils sont aussi démocrates qu'ils veulent bien laisser entendre.