Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite est mort. Paix à son âme ! Dans nos coutumes mais aussi selon les règles de bienséance mondialement admises, il est très mal élevé de dire du mal des morts. C'est sans doute pour cette raison, et il semblerait que ce soit l'unique raison d'ailleurs, que l'opinion publique internationale n'a pas tari d'éloges sur le défunt depuis son décès. En Tunisie, trois de jours de deuil national ont été décrétés par la présidence de la République. Les drapeaux tunisiens sont en berne, les chaînes nationales arborent le noir et blanc et toutes les manifestations culturelles ont été annulées. Aucun spectacle ne sera tenu en Tunisie durant 3 jours, en hommage à cet homme de Culture qui nous a quittés. D'autres pays ont aussi décrété 3 journées de deuil à cette triste occasion, dont l'Algérie. L'Egypte, quant à elle, va jusqu'à en annoncer une semaine entière. Des discours attristés ont été prononcés par les grands de ce monde, réunis à Davos au moment où on a appris la triste nouvelle. Les dirigeants des nations ont pleuré « ce grand défenseur des droits de l'Homme » ou plutôt ce « défenseur des femmes » selon les propres termes de Christine Lagarde. La directrice du FMI, avec un sens de la relativité assez étonnant, a en effet affirmé que des progrès en matière de droits féminins ont été constatés durant ses 10 ans de règne. En 2015, les femmes ont enfin le droit de voter et de se présenter aux élections du conseil de la Choura, un organe purement consultatif. Un véritable petit miracle pour l'Arabie Saoudite. Mais les grands de ce monde oublient sans doute, ou préfèrent oublier, que malgré ces grands progrès que la monarchie a daigné accorder à ses sujets, certaines des libertés les plus élémentaires demeurent bafoués. Les chefs d'Etats qui lui on rendu un vibrant hommage se sont gardés de revenir sur les cas de violations flagrantes des droits de l'Homme qui se perpétuent en Arabie Saoudite. Idem du notre. Ce sont ces mêmes femmes qui n'ont pas le droit de conduire un véhicule, de s'habiller comme elles le souhaitent ou de prendre toute une panoplie de décisions toutes aussi simples que de se marier, de travailler, de voyager ou autres, sans l'aval de leurs époux, pères ou frères. Ce sont ces mêmes hommes qui sont flagellés en place publique pour avoir écrit des mots qui dérangent. Maintenant que le roi Abdallah est mort, ce sera au jeune prince Salmane de lui succéder au trône. Le jeune prince n'a que 79 ans. Ceux qui appelaient à une tête fraîche pour cette monarchie occupée par les vieux depuis des lustres peuvent se rassoir. Il n'en sera rien. Mais ce nouveau roi sera-t-il aussi « défenseur des droits humains » que son ancêtre ? Les espoirs les plus fous peuvent être nourris aujourd'hui et l'héritier du trône aura mille et une manières de prouver qu'il peut être aussi avant-gardiste que son précurseur. Et il ne manquera pas de le faire. Ouvrira-t-il le « dossier » de Raef Badawi ? Ce blogueur condamné à 1.000 coups de fouet pour un blog et qui croupit en prison en attendant sa sentence, semaine après semaine. Mais d'autres cas, certes moins médiatisés, ressemblent fortement à celui de Badawi. Dans ce pays où la démocratie « reste incompatible avec la monarchie », selon les propres termes du roi défunt, lapidations, décapitations, flagellations et autres sentences moyenâgeuses restent de mise. A l'abri de toute critique, l'Arabie Saoudite a toujours été saluée et applaudie pourtant pour les « prouesses » mineures qu'elle lance de temps à autre pour masquer ces horreurs. L'Occident approuve et l'Orient s'en inspire comme exemple. Navrant ! Quand l'accord « pétrole contre protection » pousse à fermer les yeux sur les pires horreurs, et que la complaisance semble être la plus naturelle au monde, que peut-on attendre ? Les pays qui ne jurent que par les droits de l'Homme mettent un point d'honneur à n'émettre aucune critique vis-à-vis de leur allié saoudien. « Le roi est mort, vive le roi ! », disent-ils à l'unisson. Y compris chez nous.